Dans la continuité du programme de recherche sur les accords de pêche, BLOOM a enquêté sur les pratiques destructrices des flottes de pêche lointaines de l’Union européenne dans les eaux africaines.
Ces recherches ont mené notre ONG à s’intéresser plus précisément aux pêches thonières de l’océan Indien, dont la France et l’Espagne sont des acteurs majeurs. Elles représentent en effet un exemple criant des pratiques antiécologiques et néocoloniales des flottes distantes en Afrique, qui portent une responsabilité majeure dans la dégradation des écosystèmes marins et des stocks de thon de l’océan Indien.
Retrouvez toutes les étapes de notre campagne dans l’ordre chronologique.
BLOOM lance la campagne sur les pêches thonières en Afrique avec une révélation tonitruante qui épingle un cas scandaleux de complicité néfaste entre l’Etat français et les lobbies de la pêche industrielle
14 novembre : BLOOM et ANTICOR alertent sur un cas de transfuge entre le public et le privé qui provoque un conflit d’intérêts manifeste dans le secteur de la pêche thonière, alors qu’est renégocié au niveau européen le cadre global de contrôle des flottes de pêche. Les lobbies industriels pourraient obtenir un changement ahurissant qui leur permettrait d’augmenter massivement leurs captures officielles, et de régulariser des années de captures illégales et de fraude fiscale.
En effet, la France a octroyé en 2015 une dérogation à ses thoniers leur permettant d’outrepasser la « marge de tolérance » réglementaire, raison pour laquelle la Commission européenne a ouvert une procédure d’infraction contre la France. Malgré les délais allègrement dépassés et nos multiples relances, la Commission européenne refuse pour le moment d’aller plus loin et de porter plainte contre la France à la Cour de justice de l’Union européenne.
16 novembre : BLOOM et Corporate Europe Observatory (CEO) déposent une plainte officielle auprès du registre de transparence de l’UE contre le lobby français du thon Orthongel et le lobby européen de la pêche industrielle Europêche. Les ONGs considèrent que ces lobbies ont violé le code de conduite du registre en recrutant l’ancienne personne en charge des flottes thonières pour le gouvernement français à la direction du « groupe thon » d’Europêche.
2 décembre : Le Parquet national financier (PNF) ouvre une enquête pour prise illégale d’intérêts à la suite de nos révélations.
6 décembre : Frédéric Le Manach, directeur scientifique chez BLOOM, co-signe une publication dans la revue scientifique Frontiers examinant la relation entre les subventions dont ont bénéficié les nations de pêches lointaines à leur développement dans l’océan Indien et les négociations d’allocation de possibilités de pêche actuellement en cours au sein de la Commission des thons de l’océan Indien (CTOI).
Sinan et al. (2022, 6 décembre). Subsidies and allocation : A legacy of distortion and intergenerational loss. Frontiers.
Dans l’océan Indien, l’Union européenne protège, coûte que coûte, les pratiques destructrices d’une poignée d’entreprises françaises et espagnoles. Ces flottes sont les premières utilisatrices d’une méthode non sélective, les « dispositifs de concentration de poissons » (DCP), des radeaux artificiels qui provoquent de nombreuses prises accessoires et la capture d’une grande part de poissons juvéniles, qui ne se sont encore jamais reproduits.
11 janvier : BLOOM révèle les résultats choquants d’une étude inédite portant sur le poids des lobbyistes au sein des délégations officielles de l’Union européenne durant vingt années de négociations sur le thon tropical en Afrique, entre 2002 et 2022. « Les lobbies thoniers font la loi » met en lumière, pour la première fois et de façon chiffrée, la domination écrasante des lobbies industriels au cœur de la représentation publique.
30 janvier : Alors que commencent à Mombasa (Kenya) deux réunions cruciales de la CTOI, BLOOM révèle que la Commission européenne a tout tenté pour saborder les négociations, notamment en menaçant le Kenya, fer de lance historique de la lutte contre les DCP, de supprimer des aides au développement s’ils continuaient d’exiger des contraintes pénalisant les pêcheurs européens. BLOOM appelle l’Union européenne à changer radicalement de position en adoptant les mesures urgentes proposées par l’Inde pour protéger l’environnement marin.
5 février : La proposition de l’Indonésie pour une interdiction temporaire des dispositifs de concentration de poissons (DCP) dérivants durant trois mois par an est adoptée lors d’une réunion de la Commission des thons de l’océan Indien (CTOI) à Mombasa. L’Union européenne a néanmoins déjà menacé de s’opposer à cette nouvelle résolution.
BLOOM poursuit ses assignations et révélations pour limiter la toute-puissance et l’impact des activités opaques de pêche lointaine, excessivement destructrices pour la vie marine et la santé de l’océan.
6 mars : En plus de porter devant les tribunaux le comportement anormal de l’administration française, BLOOM révèle aujourd’hui les résultats d’une étude inédite, montrant que l’État français n’a mis absolument aucun objectif concret de contrôle de ses pêches thonières en 2022 et 2023. Nous saisissons le Tribunal administratif de Paris, à la suite d’un avis favorable de la Commission d’accès aux documents administratifs, pour exiger la transparence et enjoindre l’administration française de nous communiquer les données concernant les flottes thonières françaises (localisations satellites, données de contrôle, etc.).
L’Union européenne exerce une pression énorme sur les pays en développement pour qu’ils s’opposent aux progrès environnementaux dans l’Océan Indien.
29 mars : La Commission européenne soumet officiellement sa proposition d’objection aux États membres de l’UE contre la seule mesure écologique jamais votée en faveur de la reconstitution des populations de poissons et de la pêche sélective dans l’océan Indien,à savoir l’interdiction annuelle de 72 jours des « dispositifs de concentration de poissons » (DCP) dérivants adoptée début février dans la zone.
5 avril : BLOOM décrypte la manière dont les lobbies de la pêche industrielle au thon s’allient politiquement pour défendre leurs pratiques destructrices en Afrique. Notre nouveau rapport « Lining up the Ducks » plonge dans les coulisses de la politique pour démystifier les faux arguments avancés par les lobbies industriels, la Commission européenne et les parlementaires.
9 avril : Les lobbies européens de la pêche — Europêche, OPAGAC et ANABAC — oublient d’anonymiser les dernières modifications qu’ils ont faites sur la position officielle des Seychelles, entièrement favorable à leurs intérêts, dans deux documents mis en ligne en vue d’une conférence internationale sur la gestion du thon tropical.
11 avril : La Commission européenne dépose formellement son objection auprès du secrétariat de la CTOI pour que cette résolution ne s’applique pas à ses navires. Trois jours plus tard, la France — qui bénéficie d’un siège supplémentaire à la CTOI grâce à ses « Iles Éparses » (quelques îlots inhabités dans le Canal du Mozambique) — fait de même.
La situation actuelle dans l’océan Indien est le résultat de plusieurs décennies de surenchère technologique de la part des flottes de pêche lointaines pour capturer le plus de poissons, au mépris de la santé de l’écosystème dans son ensemble.
27 avril : BLOOM publie un rapport inédit — « Tuna war games, La guerre des thons » — qui retrace pour la première fois de façon exhaustive l’histoire du déploiement industriel high tech des pays du Nord dans les eaux du Sud : un siphonage méthodique ultra efficace qui est en train de pousser la vie marine au bord du gouffre.
9 mai : BLOOM demande le statut d’observateur à la Commission thonière de l’océan Indien.
10 mai : BLOOM dépose deux recours auprès de la Commission européenne et de la Direction générale française des affaires maritimes, de la pêche et de l’aquaculture (DGAMPA), suite aux objections déposées par ces deux institutions contre la décision prise par la CTOI d’interdire partiellement les « Dispositifs de concentration de poissons » (DCP). Si ces demandes gracieuses venaient à être refusées, nous nous réservons le droit de déposer des recours, contentieux cette fois, auprès de la Cour de justice de l’Union européenne et du Conseil d’État pour obtenir le retrait de ces objections.
La présence récurrente de violations des droits humains tout au long de la chaine d’approvisionnement du thon a été documentée par plusieurs organisations internationales.
16 mai : BLOOM publie le rapport « Violence en boîte : Brutalité et violations des droits humains dans l’industrie du thon » en collaboration étroite avec la Clinique internationale de défense des droits humains de la Faculté de Droit de l’Université de Harvard. Ce rapport démontre l’ignorance délibérée des États et des entreprises, ainsi que leur incapacité à lutter contre les abus des droits humains et à garantir la protection et le respect des droits des travailleurs de l’industrie thonière au niveau mondial.
30 mai : Les négociations portant sur la révision du « Règlement de contrôle » ont été conclues sur le fil. Des avancées majeures en termes de transparence et de suivi des activités de pêche ont été obtenues, mais une poignée de thoniers français et espagnols se frotte les mains…
BLOOM a analysé les données AIS (pour Automatic Identification System) de la flotte thonière française. En plus d’être destructrice du vivant, cette pêche opère dans la plus grande illégalité.
1 juin : BLOOM et Blue Marine Foundation portent plainte auprès de la Procureure de la République du tribunal judiciaire de Paris contre l’intégralité des 21 navires de la flotte de pêche thonière tropicale immatriculés en France, pour extinction illégale de leurs balises de localisation AIS. En dehors de la petite pêche, tout navire doit garder sa balise AIS allumée à chaque instant. Or, entre le 1er janvier 2021 et le 25 avril 2023, ces navires thoniers ont éteint leurs balises 37% à 72% du temps. Cette plainte fait écho à notre rapport « Les yeux grands fermés » sur l’absence de contrôle de la flotte thonière française.
27 juin : La Commission de la pêche du Parlement européen a adopté l’accord provisoire du « Règlement de contrôle » à 20 voix contre 8.
4 août : Coup de tonnerre. La résolution pour l’interdiction temporaire des DCP dans l’océan Indien est annulée à la suite du lobbying intense de la Commission européenne et des lobbies européens de la pêche thonière.
5 septembre : Dans un édito, la revue scientifique Nature alerte sur les décisions antiécologiques prises par l’UE afin de défendre les intérêts des flottes industrielles françaises et espagnoles : « L’UE elle-même (…) s’est opposée aux mesures de conservation dans l’océan Indien qui permettraient d’enrayer la surpêche chronique du thon albacore. Les navires français et espagnols pêchent jusqu’à un tiers du thon dans ces eaux à l’aide de dispositifs de concentration de poissons – de grandes structures flottantes en bois ou en plastique qui attirent les poissons, y compris les juvéniles, et sont associées à des pêcheries non durables. »
De nombreuses enseignes et marques de la grande distribution se basent sur l’écolabel MSC (« Marine Stewardship Council ») pour vendre des produits de la mer issus d’une pêche supposément « durable » à leurs consommateurs, mais c’est une imposture avec des conséquences dramatiques sur les écosystèmes marins.
13 septembre : Dans le rapport « Le label de la mort », BLOOM révèle que les captures des pêcheries certifiées MSC utilisant des DCP ont explosé ; elles représentent aujourd’hui plus de la moitié des captures totales de thon certifiées dans le monde, soit 1,2 des 2,2 milliards de kilos, et près de la moitié des captures de thon dans le monde sont déjà certifiées MSC.
8 novembre : BLOOM publie le classement inédit « Délibérément Ignorants » des enseignes européennes sur leur approvisionnement en thon. Notre enquête révèle que les supermarchés ne prennent pas les mesures nécessaires pour éviter de vendre des boîtes de thon associées à des violations graves des droits de l’homme et au massacre à grande échelle de la vie marine.
Le même jour, BLOOM lance une pétition pour que les supermarchés cessent de détruire l’océan. En parallèle, nous avons mis en demeure Carrefour, 1ère enseigne en France et 7ème au monde, pour manquement flagrant à son devoir de vigilance concernant son approvisionnement en thon.
03 décembre 2022
11 janvier 2023