Association Bloom

Contre la destruction de l'océan, du climat et des pêcheurs artisans

Une ONG 100% efficace

Vous mobiliser Faire un don

05 avril 2023

La Commission européenne outrepasse son mandat environnemental et humanitaire et agit en tant que lobbyiste industriel en Afrique

Alors que les lobbies industriels thoniers font l’objet d’une enquête judiciaire en France pour prise illégale d’intérêts, les actions néocoloniales de la France et de l’Espagne continuent de faire des ravages en Afrique avec le plein soutien de la Commission européenne.

Après avoir exercé une pression énorme sur les pays en développement pour qu’ils s’opposent aux progrès environnementaux dans l’Océan Indien, la Commission européenne vient de proposer au Conseil de l’UE de déposer une objection contre la seule mesure écologique jamais votée en faveur de la reconstitution des populations de poissons et de la pêche sélective dans l’Océan Indien, à savoir l’interdiction annuelle de 72 jours des dispositifs de concentration de poissons (DCP) dérivants qui a été adoptée début février dans la zone.

Le 5 février 2023, les pays côtiers avaient réussi un véritable tour de force, en obtenant (par 16 voix contre 23) une première interdiction annuelle des DCP dans l’océan Indien — cette interdiction temporaire étant appliquée dans tous les autres océans par mesure de conservation et par principe de précaution. Mais en raison du lobbying intense de la Commission européenne et des lobbies industriels, les chances que cette résolution de la Commission thonière de l’océan Indien (CTOI) entre en vigueur sont désormais nulles.

L’utilisation antidémocratique des objections par l’UE

La gouvernance de la Commission thonière de l’océan Indien est telle que si un de ses membre s’oppose à une résolution, celle-ci devient inapplicable à sa flotte. En outre, si un tiers des membres de la CTOI (c’est-à-dire 11 d’entre eux) s’oppose à une nouvelle résolution, celle-ci devient automatiquement caduque. Cela ouvre la voie à un lobbying anti-démocratique post-vote pour renverser les décisions. Une possibilité que l’UE a pleinement exploitée. 

Dès l’adoption de la résolution, les lobbies thoniers européens ont fait savoir haut et fort qu’ils demanderaient à la Commission européenne et aux membres de la CTOI de s’y opposer.1Voir le communiqué de presse d’Europêche : https://europeche.chil.me/post/tuna-purse-seine-fleets-and-associated-developing-economies-swept-up-in-geopolit-429505 Cela a été confirmé peu après par la Commission européenne,2L’option de l’objection a été confirmée le 1er mars par M. Luis Molledo, agissant en tant que chef de l’unité « Organisations régionales de gestion de la pêche » (MARE.B.2) de la direction générale des affaires maritimes et de la pêche de la Commission européenne (DG MARE). qui a maintenant officiellement soumis sa proposition d’objection aux États membres lors du Conseil de l’UE du 29 mars.3Document disponible à l’adresse suivante : https://t.co/Fv50fMaHQL Si les États membres approuvent la proposition d’objection de la Commission, le seuil d’annulation sera sans aucun doute atteint et la première interdiction des DCP, insuffisante mais indispensable, tombera.

La proposition d’objection de la Commission européenne est une honte pour l’UE

Le rôle joué par l’UE est incroyablement néfaste, car l’annulation de l’interdiction des DCP mettra les populations de thon et des économies côtières entières en danger d’effondrement. Nous exhortons les États membres de l’UE à rejeter la proposition d’objection de la Commission, dans l’intérêt des écosystèmes marins et des communautés côtières de l’océan Indien, mais aussi pour signaler aux lobbies industriels et à leurs alliés politiques que l’ère de l’impunité est révolue pour eux et que les institutions de l’UE seront désormais du côté du climat et des citoyens. Les citoyens européens doivent retrouver la confiance dans leurs régimes démocratiques qui subissent les assauts constants des lobbies industriels. Les institutions européennes doivent rester fermes sur leurs principes éthiques. Les enjeux sont trop importants en Afrique et en Europe.

Comment les lobbies industriels ont-ils « aligné leurs pions » ?

Dans un nouveau rapport intitulé « Lining up the ducks », BLOOM décrypte la manière dont les lobbies de la pêche industrielle au thon s’allient politiquement pour défendre leurs pratiques destructrices en Afrique. Nous avons plongé dans les coulisses de la politique pour démystifier les faux arguments avancés par les lobbies industriels, la Commission européenne et les parlementaires.

Une série de mensonges

Pour justifier l’injustifiable, la Commission européenne et plusieurs parlementaires français, espagnols et néerlandais ont en effet repris la sémantique des lobbies, trompant les autres parlementaires, les États membres et 447 millions de citoyens au profit d’une poignée d’entreprises privées. Dans un paroxysme de cynisme, le parlementaire espagnol Gabriel Mato (Parti populaire européen ; PPE) a même déclaré que le fait que la proposition IOTC ait été soumise à un vote — qu’elle a remporté avec une majorité des deux tiers — était anti-démocratique !1Commentaire complet de  M. Mato : “La decisión de la IOTC del 5 de febrero que impone por votación, lo que es curioso porque siempre se suelen hacer por consenso, es una medida que desde luego no tiene precedentes. Yo digo que es absolutamente injusta, desproporcionada, y además también en cierta parte anti-democrática”.  Alors que c’est plutôt le fait que des pays puissent éviter une résolution en s’y opposant après un vote démocratique qui devrait être considéré comme un processus « anti-démocratique », car il permet des pressions et des chantages cachés, indus et inqualifiables.

Une Commission européenne sans tête et des États membres corrompus

Le fait que Gabriel Mato soutienne aveuglément les intérêts espagnols n’est pas une surprise, puisqu’il a fait carrière en tant que lobbyiste institutionnel. Mais le comportement complètement schizophrène de la Commission européenne est très inquiétant sur deux dossiers entièrement liés. D’un côté, l’institution avertit que la modification d’un élément clé du « règlement de contrôle » appelé « marge de tolérance » menacerait les principes fondamentaux de la politique commune de la pêche,2https://www.theguardian.com/environment/2023/mar/16/loophole-quotas-overfishing-endangered-species-eu-papers de l’autre, la Commission refuse de poursuivre la France pour avoir permis à ses pêcheurs de la piétiner, et soutient les lobbies industriels de l’UE dans leur lutte contre toute contrainte imposée aux DCP.

Pour rappel, une procédure d’infraction a été ouverte en juin 2021 par la Commission européenne à l’encontre de la France à deux titres :

En novembre 2022, BLOOM et l’ONG anticorruption Anticor ont également signalé au parquet français un cas de transfuge entre l’administration française et le lobby de la pêche industrielle Europêche, avec une mission politique claire de saboter le règlement de contrôle.6https://bloomassociation.org/conflits-dinterets-et-destruction-environnementale-bloom-et-anticor-alertent/ En décembre 2022, le bureau du procureur a confirmé avoir ouvert une enquête.

L’interdiction des DCP est la seule solution

La « marge de tolérance » est un problème pour les flottes thonières européennes pour une seule raison : les thoniers utilisent des « dispositifs de concentration de poissons » (DCP), dont l’utilisation entraîne la capture d’énormes quantités de thons juvéniles, en particulier d’albacore et de thon obèse. Comme les juvéniles de ces deux espèces se ressemblent, les thoniers ne peuvent pas déclarer leurs captures par espèce. Mais il s’agit là d’un choix et non d’une fatalité. Le PDG de la Sapmer, l’une des trois sociétés françaises qui ciblent le thon tropical, l’a dit plus clairement que quiconque : « Le moins de DCP possible, c’est la voie de la vertu. Mais c’est un suicide économique« .1« Le moins de DCP possible, c’est la voie de la vertu. Mais c’est un suicide économique ». https://lemarinblog.wordpress.com/2016/09/22/la-reunion-les-voyants-sont-au-vert/.

Pour replacer cette dépendance dans son contexte, quelques chiffres sont particulièrement frappants : en 2020 et 2021 (c’est-à-dire les deux dernières années pour lesquelles des données ont été communiquées), les thoniers senneurs à senne coulissante français et espagnols ont réalisé 87 % de leurs captures à l’aide de DCP dérivants, ce qui a représenté 94,5 % de toutes les captures d’espèces de thon tropical associées à des DCP dans la zone.2Données CTOI.  Cependant, comme nous le soulignons dans notre dernier épisode du TunaGate — Lining up the ducks 3https://bloomassociation.org/wp-content/uploads/2023/04/Lining-up-the-ducks_FR.pdf —, l’albacore4https://iotc.org/sites/default/files/documents/science/species_summaries/english/4_Yellowfin2021E.pdf et le thon obèse5https://iotc.org/sites/default/files/documents/2022/10/IOTC-2022-WPTT24-10.pdf sont tous deux surexploités dans l’océan Indien, et la bonite est pêchée au-delà des limites de capture convenues par la Commission.6https://iotc.org/sites/default/files/documents/2022/10/IOTC-2022-WPTT24-03c_-_SKJ_data.pdf Globalement, 93 % de l’albacore et 94 % du thon obèse capturés dans l’océan Indien sont des poissons juvéniles, ce qui pourrait entraîner l’effondrement total de l’espèce dans l’océan Indien.7Les données relatives à la fréquence des tailles sont disponibles sur le site :  https://iotc.org/data/datasets.

La Commission européenne ne peut pas avoir le beurre et l’argent du beurre. Si elle veut protéger les populations de thonidés et préserver l’intégrité de la politique commune de la pêche, elle doit 1) poursuivre la France devant la Cour de justice de l’Union européenne, 2) retirer sa proposition de réforme du règlement de contrôle en cas de dilution de la marge de tolérance, et 3) retirer sa proposition au Conseil de l’UE visant à objecter à la nouvelle résolution de la CTOI sur les DCP et convaincre ses pays partenaires — en premier lieu les Seychelles et Maurice — de ne pas s’opposer ou de retirer leur objection.

Vous aussi, agissez pour l'Océan !

Faire un don
Réservation en ligne
Je réserve un hôtel solidaire

Je réserve un hôtel solidaire

Achat solidaire
Je fais un achat solidaire

Je fais un achat solidaire

Mobilisation
Je défends les combats de BLOOM

Je défends les combats de BLOOM

Contre-pouvoir citoyen
J’alerte les décideurs

J’alerte les décideurs