08 novembre 2023
Aujourd’hui, BLOOM dévoile dans le rapport « Délibérément ignorants » comment la grande distribution est complice d’un massacre de la vie marine et de violations graves des droits humains. L’objet du crime ? Les boîtes de thon vendues dans les rayons des supermarchés en Europe.
Le rapport établit un classement inédit des plus grandes enseignes européennes en fonction de leurs pratiques d’approvisionnement en thon tropical. Les résultats sont sans appel : la grande distribution vend aux consommateurs européens des produits à base de thon associés à des drames humains et écologiques. Pour faire cesser cette brutalité intolérable, BLOOM s’appuie d’une part sur la justice en mettant Carrefour en demeure pour manquement à son devoir de vigilance, et d’autre part sur la puissance citoyenne en lançant une pétition.
À mesure que la campagne « TunaGate » de BLOOM progresse, le désastre qu’est la pêche thonière tropicale ne cesse de prendre de nouvelles dimensions, et ses protagonistes sont révélés au grand jour. Alors que le thon est le poisson le plus consommé en France et en Europe, sa capture entraîne la destruction effrénée d’écosystèmes marins et des abus des droits humains sordides : travail forcé, menaces physiques et verbales, violences sexuelles, servitude pour dettes, retenue et non-paiement des salaires, conditions de travail dangereuses, abusives et inhumaines à bord des navires de pêche, absence de soins, malnutrition…
Le rapport « Délibérément ignorants » expose les graves insuffisances de la grande distribution européenne, qui, en acceptant de vendre ce thon tropical – et en n’hésitant pas à le présenter comme « durable » – est la clé de voûte qui permet à ce commerce toxique de perdurer.
« La grande distribution ferme délibérément les yeux sur les réalités dramatiques de la pêche au thon » : c’est le constat accablant que fait Pauline Bricault, principale auteure du rapport, réalisé avec le soutien des ONG britanniques Blue Marine Foundation et Human Rights at Sea. Un travail colossal de prise de contact avec les enseignes et d’analyse de plus de 300 documents officiels, lettres et bases de données a permis de classer les 36 principaux distributeurs français, britanniques, italiens, espagnols, allemands et belges sur leur approvisionnement en thon.
La grande majorité des distributeurs s’approvisionnent en thon tropical auprès de pêcheries industrielles qui utilisent des méthodes de pêche redoutablement destructrices : les dispositifs de concentration de poisson (DCP). Il s’agit de radeaux à la pointe de la technologie, sous lesquels s’agrègent les thons et d’autres animaux marins. Ils sont capturés sans distinction, y compris des espèces menacées d’extinction comme les requins soyeux et les tortues marines. Ces radeaux de la mort contribuent inexorablement à l’effondrement des populations de thons en attrapant plus de 95% de thons juvéniles, qui finissent en boîte avant même d’avoir eu le temps de se reproduire. La grande majorité des DCP sont finalement abandonnés en mer, continuant d’étouffer la vie marine dans ses filets et polluant les écosystèmes côtiers des pays tropicaux.
Malgré la connaissance des dégâts générés par les pêches thonières industrielles, certains produits thoniers trônant sur les rayons des enseignes arborent un label mensonger « pêche responsable » alors qu’ils sont directement issus de ces pêches destructrices – comme c’est le cas de la marque ‘Petit Navire’ – voire proviennent de pêcheries identifiées comme illégales ou illicites.
Le rapport de BLOOM « La guerre des thons » sur la course technologique fatale contre le thon et la vie marine
La grande distribution manque cruellement d’ambition quand il s’agit de politiques d’approvisionnement respectueuses de l’environnement et des droits humains.
La plupart du temps, les enseignes se réfugient derrière des labels trompeurs, comme le MSC, qui ne donnent aucune garantie fiable sur la durabilité des pêches ni même sur la traçabilité de la chaîne de transformation. Comme l’a récemment révélé l’enquête ‘The Outlaw Ocean Project’ du journaliste d’investigation Ian Urbina, 11 usines chinoises de transformation de poisson et de filets de calamars1Voir articles parus dans Undercurrent News et dans Le Monde
labellisés MSC, sont impliquées dans le travail forcé des Ouïghours.
Les enseignes vont même jusqu’à inventer des formulations mensongères ou des standards auto-proclamés dans le but de mettre le consommateur en confiance. C’est par exemple le cas de la première enseigne italienne Esselunga, qui a développé son propre label « pesca sostenibile » (pêche durable) censé garantir aux consommateurs que le thon labellisé ne provient pas de stocks surpêchés. Or nous avons trouvé des boîtes de thon ornées de ce label contenant du thon albacore de l’océan Indien, une espèce surpêchée.
Le rapport de BLOOM « Le label de la mort » sur le MSC, ce label faussement durable
mais réellement destructeur des populations de thons.
Les violations des droits humains sont très répandues dans les pêcheries thonières dans l’océan Indien et l’océan Pacifique. Les enseignes se contentent des déclarations de leurs fournisseurs concernant l’application de principes éthiques dans leurs activités, sans s’assurer du strict respect des normes juridiques internationales applicables aux droits humains dans l’industrie des produits de la mer.
83% des enseignes interrogées ne citaient d’ailleurs aucun texte de loi international relatif à la protection des droits humains en mer. Bien qu’elles connaissent parfaitement les conditions souvent inhumaines et parfois barbares du travail en mer, une majorité d’enseignes ne mentionne pas une seule mesure spécifique de protection des droits humains effective dans leurs politiques d’approvisionnement en produits de la mer. Pourtant, les droits des travailleurs ainsi que leur intégrité physique et mentale sont particulièrement menacés à bord des navires et dans les usines de transformation du thon.
Alors que la pêche en mer est l’étape la plus à risque à ce sujet, car les travailleurs y opèrent loin des yeux de tous, aucun distributeur ne déclare avoir réalisé des audits sociaux sur les navires.
Comme d’autres secteurs industriels des produits de la mer, l’industrie du thon est pourtant associée à l’esclavage, à la traite des êtres humains et à d’autres violations graves et systémiques des droits humains, tant au stade de la pêche qu’à celui de la transformation.
Le rapport de BLOOM « Violence en boîte » sur les violations des droits humains généralisées dans la pêche thonière.
Nous avons évalué les enseignes en fonction de deux critères principaux : leur niveau de coopération et l’ambition de leurs politiques d’achats. De manière générale, les distributeurs ont été réticents à nous fournir des données sur leur approvisionnement en thon. Un tiers d’entre eux obtient d’ailleurs une note inférieure à 1/10 en matière de coopération.
Classement des enseignes en fonction de leur degré de coopération et de leurs politiques d’achat
Seul Marks & Spencer au Royaume-Uni a fait preuve d’un niveau de coopération satisfaisant : l’enseigne nous a fourni l’intégralité de ses données d’approvisionnement en thon, ce qui n’est le cas d’aucun autre supermarché.
Le reste des enseignes ont refusé de communiquer les données relatives aux ventes de produits de marques nationales comme Petit Navire et Saupiquet, alors que notre analyse a révélé que ces produits étaient généralement les plus problématiques. Même Système U, qui a été transparent quant à ses données de produits de marque distributeur à base de thon, n’a pas souhaité nous partager d’informations relatives à ses ventes de produits de marques nationales…
Au bas du classement se trouve un des leaders du secteur, E. Leclerc, qui détient près d’un quart des parts de marché de la distribution alimentaire en France. Malgré cette responsabilité, E. Leclerc entretient une opacité totale sur son approvisionnement en thon. Aucune politique d’achat des produits de la mer n’est disponible concernant la protection des droits humains et de l’environnement marin, alors que nombre de leurs produits affichent des logos trompeurs comme « Nos engagements vers une pêche durable ». E. Leclerc a également refusé de collaborer avec BLOOM et de fournir les données quantitatives demandées. Nous avons également constaté qu’un nombre important de boîtes de conserve en magasin contenait des espèces de thon albacore de l’océan Indien, une espèce surexploitée depuis 2015. Les deux notes d’E. Leclerc sur la coopération et les politiques d’achats situent l’enseigne tout en bas de notre classement.
Les enseignes européennes de la grande distribution ont une responsabilité majeure dans l’effondrement des populations de thons. Elles font le choix de ne pas voir la réalité environnementale et humaine sordide du commerce thonier. Pourtant, ce sont elles qui peuvent et doivent mettre fin au carnage.
Il est urgent que les enseignes de la grande distribution révisent leurs politiques d’approvisionnement de manière ambitieuse afin de répondre dès aujourd’hui et de façon appropriée à la catastrophe écologique et sociale en cours, en cessant de vendre du thon issu de pêcheries dévastatrices.
BLOOM met Carrefour en demeure de mettre fin à la destruction de l’océan et lance une pétition pour mobiliser le grand public.
Pour approfondir les résultats et la méthodologie du rapport :
Exemples de lettres que nous avons envoyées aux distributeurs :
08 novembre 2023
Après des mois de recherches et de révélations sulfureuses sur la destructivité et les abus multi-dimensionnels des pêches thonières tropicales (voir notre série « TunaGate »), BLOOM franchit aujourd’hui une étape décisive pour que les enseignes de la grande distribution, et en premier lieu la plus importante d’entre elles, Carrefour, prennent les mesures urgentes qui s’imposent pour mettre fin au drame humain et écologique qui se joue derrière les boîtes de thon tropical.
16 mai 2023
Persistantes. Inlassables. Implacables. Les atteintes aux droits humains sont omniprésentes dans l’industrie thonière. C’est la conclusion d’un rapport que BLOOM publie aujourd’hui en collaboration étroite avec la clinique internationale de défense des droits humains de la faculté de droit de l’Université de Harvard, aux Etats-Unis.
Au cours de l’été 2023, BLOOM, Blue Marine Foundation et Greenpeace UK ont enquêté sur l’origine des produits de thon de 36 enseignes de la grande distribution européennes en France, au Royaume-Uni, en Espagne, en Italie, en Allemagne et en Belgique. Les résultats de cette enquête ont donné lieu au classement inédit « Délibérément ignorants » des principaux supermarchés d’Europe quant à leurs pratiques d’approvisionnement en thon.