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30 mai 2023

Un nouveau Règlement de contrôle après cinq années de négociations

Mardi 30 mai, les négociations portant sur la révision du « Règlement de contrôle » ont été conclues sur le fil, lors du dernier trilogue prévu sous la Présidence suédoise du Conseil de l’Union européenne. Des avancées majeures en termes de transparence et de suivi des activités de pêche ont été obtenues, mais une poignée de thoniers français et espagnols se frotte les mains…

L’Espagne, qui prendra le relais de la Suède le 1er juillet, ne voulait en aucun cas récupérer ce dossier, dont les négociations ont été très douloureuses : la proposition législative de révision de ce règlement de 2009 a été publiée en 2018,1Proposition législative disponible à : https://www.europarl.europa.eu/RegData/docs_autres_institutions/commission_europeenne/com/2018/0368/COM_COM(2018)0368_EN.pdf. et cela faisait donc cinq ans que les deux colégislateurs européens — le Parlement européen et le Conseil de l’Union européenne — n’arrivaient pas à se mettre d’accord, le tout sous la menace constante de la Commission européenne de retirer le texte si certaines lignes rouges étaient franchies.

Un enjeu majeur : la « marge de tolérance »

Ligne rouge parmi les lignes rouges, la fameuse « marge de tolérance » aura été la source de débats houleux jusqu’au dernier moment. En cause, les positions radicalement opposées de la Commission européenne et des deux autres institutions : la Commission voulait garder cette « marge de tolérance » telle qu’elle est définie dans le règlement actuel2Règlement disponible à : https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/PDF/?uri=CELEX:32009R1224&qid=1686729168036. — à savoir une tolérance de 10% entre la déclaration faite par le pêcheur du poids capturé de chaque espèce et les captures réelles pesées en cas d’inspection — alors que le Conseil et le Parlement — alignés sur les demandes des lobbies industriels, notamment thoniers — voulaient affaiblir cette marge, en l’appliquant au total des captures, peu importe l’espèce. Comme nous l’avons expliqué à plusieurs reprises3Voir par exemple dans notre dossier : https://bloomassociation.org/wp-content/uploads/2022/11/Dossier-BLOOM-La-Far-West-de-la-peche-thoniere.pdf. et comme la Commission l’a très clairement explicité,4Voir par exemple : https://www.theguardian.com/environment/2023/mar/16/loophole-quotas-overfishing-endangered-species-eu-papers. une telle modification remettrait entièrement en question certains principes fondateurs de la Politique commune de la pêche de l’UE, tels que le suivi scientifique de l’état de santé des populations de poissons, ou la mise en place de quotas.

Les « dispositifs de concentration de poissons » : la source du problème

La marge de tolérance de 10% par espèce est un problème majeur pour les thoniers français et espagnols, car ces derniers dépendent des « dispositifs de concentration de poissons » (DCP) pour la quasi-intégralité de leurs captures.

Dans l’océan Indien, qui est la zone de pêche au thon la plus importante pour les entreprises françaises et espagnoles, 72% et 85% des captures de ces deux flottes ont été réalisées, respectivement, autour des DCP ces dix dernières années. En 2018, ce chiffre a même atteint 98% pour l’Espagne. Actuellement, les navires sous capitaux européens représentent environ 95 % des captures de thon officiellement réalisées autour des DCP dans l’océan Indien.

Les DCP sont le nœud du problème car la grande majorité de leurs captures est constituée de juvéniles, qui n’ont pas encore eu l’occasion de se reproduire. Les données de la Commission thonière de l’océan Indien (CTOI) montrent que 93% des albacores et 99% des thons obèses — deux espèces surpêchées depuis 20151https://iotc.org/sites/default/files/documents/science/species_summaries/english/4_Yellowfin2021E.pdf.   et 2022,2https://iotc.org/sites/default/files/documents/2022/10/IOTC-2022-WPTT24-10.pdf. respectivement — capturés sous DCP sont des individus juvéniles et immatures.3Données de tailles de la CTOI. Disponible à : https://iotc.org/data/datasets. Données pour la France et l’Espagne, 2020-2021. C’est précisément parce qu’ils capturent un grand nombre de juvéniles de ces deux espèces de thon (sans oublier les captures importantes de requins, tortues, etc.), qui se ressemblent au stade d’individus immatures, qu’ils ne peuvent respecter la marge de tolérance actuelle et qu’ils ont un impact aussi important sur la dégradation des écosystèmes marins.

En France, la petite vingtaine de thoniers actifs dans l’océan Indien et au large de l’Afrique de l’Ouest ne représentent que 0,4% de la flotte, mais environ 20% des captures annuelles du pays (chiffres similaires en Espagne). Peu nombreux, leur impact est pourtant colossal et tout ce qui les concerne devrait donc être étudié avec la plus grande attention.

Partie gagnée pour les industriels ?

Malheureusement, il semblerait que cela n’ait pas été le cas lors de négociations européennes : pour débloquer les négociations et les conclure, un blanc-seing a été donné aux thoniers français et espagnols, en échange de quelques avancées concernant la transparence et le suivi des activités de pêche en métropole. D’après les informations parcellaires qui nous sont remontées (l’accord provisoire n’est pas public), les thoniers semblent en effet avoir gagné la partie, puisque l’accord provisoire issu du Trilogue inclurait une marge de tolérance de 10% sur l’ensemble des captures pour les navires débarquant dans certains ports, dont la liste devra être publiée dans les six mois suivants la mise en œuvre du nouveau règlement. Au regard de la réaction discrète d’Europêche — et notamment d’Anne-France Mattlet —,4http://europeche.chil.me/post/442464/political-agreement-on-new-fisheries-control-rules. il ne fait guère de doute que les ports de préférence des thoniers français et espagnols (Seychelles, Maurice, etc.) seront bien inclus dans cette liste, et que les thoniers pourront donc continuer de piller les eaux de l’Afrique et d’en détruire les écosystèmes en toute quiétude.

En accord avec la procédure législative, cet accord provisoire doit maintenant être validé par le Conseil de l’UE et par le Parlement. Avant un vote en séance Plénière qui aura lieu en juillet, la Commission de la pêche du Parlement devra d’abord se prononcer par un vote unique à la majorité des suffrages exprimés le mardi 27 juin. Le groupe « Renew/Renaissance » — très important en Commission de la pêche du Parlement — ayant accueilli favorablement l’accord provisoire,5https://www.reneweuropegroup.eu/news/2023-05-31/fisheries-control-renew-europe-welcomes-a-balanced-agreement-between-fishing-activities-and-the-protection-of-marine-biodiversity. il semblerait que la victoire définitive pour les lobbies thoniers se rapproche…

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