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19 septembre 2024

Audience cruciale au Conseil d’État pour la protection de l’océan et du climat

Vendredi 20 septembre se tiendra au Conseil d’État une audience cruciale pour l’avenir de l’océan, du climat et donc de nos sociétés. La France possède le premier espace maritime européen et le deuxième au niveau mondial, mais a jusqu’ici lamentablement échoué à protéger autre chose que le minuscule lobby du chalut(1) qui ravage, sans relâche, l’espace maritime français, y compris dans les zones supposément « protégées ».  

En 2022, BLOOM a ainsi initié un recours contre un décret gouvernemental1BLOOM attaque l’imposture écologique marine du gouvernement devant le Conseil d’Etat supposé définir le plus haut niveau de protection en France. Malheureusement, la protection « forte » à la mode française ne correspond même pas au niveau minimal de protection prôné unanimement par les scientifiques ainsi que par la Commission européenne.   

Sans grande surprise, le rapporteur public présentera des conclusions défavorables à notre recours, mais le Conseil d’État, qui forme la plus haute juridiction administrative en France, est une institution indépendante dont les magistrats ne sont absolument pas tenus de suivre les conclusions du rapporteur public.  

A quelques heures du lancement officiel par la Présidence de la République, le samedi 21 septembre, de « l’Année de la mer », et alors que notre planète est ravagée par des incendies hors normes, des canicules et des inondations meurtrières, l’audience de vendredi devant la juridiction administrative suprême porte en elle des enjeux littéralement existentiels de protection des écosystèmes, identifiés par les rapports successifs du GIEC26ème rapport du GIEC 19 March 2023 comme le second levier le plus efficace, après la réduction des gaz à effets de serre, pour réussir dans notre lutte contre le dérèglement climatique. La décision du Conseil d’Etat, qui interviendra quelques jours après l’audience, aura des conséquences indirectement vitales pour le destin de nos sociétés. Si le Conseil d’État se déclare impuissant à contraindre le politique à cesser de protéger les intérêts court-termistes des destructeurs et à agir avec volontarisme contre l’anéantissement de la biosphère tout entière, alors où devrons-nous accrocher notre espoir ?  

L’imposture française sur la « protection forte »

Le 16 avril 2022, dans l’entre-deux tours de l’élection présidentielle, Emmanuel Macron annonçait à Marseille : « ce quinquennat sera écologique ou ne sera pas »3https://www.francetvinfo.fr/elections/presidentielle/presidentielle-2022-a-marseille-emmanuel-macron-soigne-sa-gauche-en-promettant-une-politique-qui-sera-ecologique-ou-ne-sera-pas_5085424.html. Pourtant, quatre jours plus tôt, en catimini, le Président de la République orchestrait l’adoption d’un décret sur la « protection forte »4Décret no 2022-527 du 12 avril 2022 pris en application de l’article L. 110-4 du code de l’environnement et définissant la notion de protection forte et les modalités de la mise en œuvre de cette protection forte qui réalisait l’exploit de tourner le dos aux recommandations scientifiques internationales et aux objectifs européens sur la protection de l’océan et du climat.  

En 2019, les panels intergouvernementaux sur l’évolution du climat (GIEC) et la biodiversité (IPBES) soulignaient tous deux la nécessité absolue de protéger et restaurer nos écosystèmes en mettant en place un réseau cohérent d’aires protégées pour faire face au dérèglement climatique et à l’effondrement de la biodiversité5rapport du GIEC sur l’océan et la cryosphère de 2019 et rapport de l’IPBES rapport de l’évaluation mondiale de la biodiversité et des services écosystémiques. En 2020, l’Union européenne se fixait un objectif de 30% d’aires marines protégées, dont un tiers sous « protection stricte », dans lesquelles toutes les activités extractives et à fort impact seraient interdites.  

Mais loin de mettre en œuvre ces recommandations, le décret sur la « protection forte » est venu parachever l’imposture française sur la protection du milieu marin en refusant d’exclure par principe la moindre activité dans les zones protégées, au prétexte que « les pressions engendrées par les activités humaines susceptibles de compromettre la conservation des enjeux écologiques » devraient simplement y être « absentes, évitées, supprimées ou fortement limitées ». Ce texte abscons synthétise à lui seul l’approche inopérante du « cas par cas »6Plus de 80 % des zones marines protégées de l’Union européenne ne réglementent que marginalement les activités humaines. bien difficilement défendu par l’administration française au regard de son inefficacité manifeste. 

En refusant de se mettre en conformité avec les recommandations internationales et d’interdire explicitement la pêche, les infrastructures et les activités industrielles dans les zones « protégées », ce décret hautement problématique répond au lobbying intense des pêcheurs industriels qui œuvrent d’arrache-pied pour que le chalutage de fond, une technique de pêche qui consiste à racler des filets lestés sur les fonds marins, puisse se poursuivre dans les zones de « protection forte ». Là où la « protection stricte » européenne prône une vision écosystémique dans un objectif de protection de la nature, la « protection forte » française ouvre la porte aux tractations au cas par cas, sous l’emprise des lobbies. 

La contestation puis l’attaque du décret par BLOOM

Pour mettre fin au déni entretenu par Emmanuel Macron et le gouvernement, nous avons contesté ce décret auprès de la Première ministre Elisabeth Borne le 8 juin 20227https://www.lemonde.fr/idees/article/2022/06/07/claire-nouvian-le-decret-sur-les-zones-de-protection-forte-revele-l-escroquerie-ecologique-d-emmanuel-macron_6129270_3232.html, avant de déposer un recours devant le Conseil d’État le 7 octobre 20228https://bloomassociation.org/amp-conseil-etat/. Depuis lors, nous avons multiplié les enquêtes, recherches, procédures juridiques, décryptages, tribunes et initiatives collectives pour montrer l’étendue et les implications de la posture écocide de la France concernant ses aires marines « protégées »9Bulldozés, Une analyse inédite de la pêche au chalut dans les aires marines « protégées » européennes / Beaucoup de bruit pour rien / La pêche industrielle à l’assaut des aires marines dites protégées 

Le Conseil d’État peut contraindre la France à agir sérieusement contre la destruction de l’océan et du climat

Notre combat pour mettre fin à l’imposture de la protection « à la française » va connaître un tournant historique ce vendredi 20 septembre avec une première audience au Conseil d’État qui lance la bataille judiciaire pour que la France se conforme aux recommandations scientifiques internationales et aux objectifs européens. 

Cette audience a lieu au moment où l’océan connaît, en raison du réchauffement climatique, des canicules marines records qui elles-mêmes accentuent la déstabilisation du climat et déclenchent des événements cataclysmiques, à l’image des inondations meurtrières ravageant actuellement l’Europe centrale. Malgré un contexte de plus en plus tragique pour les humains et alors que 2023 se conclut sur le constat que la planète a perdu la plupart de ses puits de carbone terrestres et a dépassé toute l’année le seuil de 1,5°C de réchauffement global, qui était l’objectif de réchauffement maximal de l’Accord de Paris à l’horizon 2100, le Conseil d’État estime pour le moment que notre recours serait irrecevable car ce décret n’aurait juridiquement « pas d’effet concret », ne constituerait pas une menace crédible et ne porterait pas encore préjudice à l’océan en demeurant à un stade de simple définition. 

Vendredi, nous plaiderons avec nos avocats pour tenter de démontrer au contraire que la « protection forte » n’est pas une définition remisée au fond d’un placard, mais bien une menace concrète et quotidienne pour l’océan qui risque, en prime, si elle n’est pas désamorcée immédiatement, de nous placer en violation des recommandations scientifiques et des objectifs européens sur la protection de l’environnement :  

  • Le gouvernement s’est déjà fixé l’objectif, dans notre Code de l’environnement, de placer 10% de nos eaux sous ce statut10La loi n° 2021-1104 du 22 août 2021, dite « climat et résilience », qui a inscrit dans le Code de l’environnement (article L. 110-4) la mise sous protection forte d’au moins 10 % de l’ensemble du territoire national et des espaces maritimes 
  • Le gouvernement a déjà soumis, à l’occasion du débat public « La mer en débat » mené par la Commission nationale du débat public (CNDP), une cartographie détaillée des zones à classer sous le régime de la « protection forte »12https://www.debatpublic.fr/la-mer-en-debat 
  • L’Inspection générale de l’environnement et du développement durable (IGEDD) travaille déjà sur la liste exacte des activités devant être interdites au cas par cas, selon les circonstances.  

Face à l’urgence climatique, nous ne pouvons pas nous permettre d’attendre qu’une définition ancrée dans notre droit soit mise en œuvre et déployée dans nos eaux, pour pouvoir en montrer les conséquences désastreuses et enfin la contester.  

Au moment où nos sociétés doivent agir à marche forcée pour éviter les points de bascule vers un état irréversiblement modifié des conditions de vie sur Terre, nous n’avons plus le temps de jouer avec le feu et de nous brûler pour constater ce que nous savons déjà : que le feu est un danger bien réel.  

Nous comptons sur le Conseil d’État pour protéger l’intérêt général, le climat, les écosystèmes et les générations futures en contraignant dès maintenant le gouvernement à aligner nos critères de protection sur les objectifs européens.  

Tout retard à procéder de la sorte bénéficiera aux destructeurs de l’océan et du climat. A personne d’autre.  


Pour aller plus loin

De nombreuses études pour dénoncer des AMP chalutées quotidiennement

Sur la scène internationale, la France clame haut et fort protéger 30% de ses eaux, mais la politique de protection marine de la France se résume à une politique du chiffre qui permet à la pêche industrielle d’opérer en France métropolitaine en toute impunité, comme nous l’avons montré dans notre rapport « Beaucoup de bruit pour rien », dans une analyse sur les Terres australes et une autre sur les AMP en Nouvelle-Calédonie. Les aires marines françaises dites « protégées » demeurent de simples « coquilles vides », à l’image de l’aire protégée du talus du Golfe de Gascogne, la plus chalutée d’Europe, avec quelques 200 000 heures de pêche au chalut en 2023. 

Nous avons dû dénoncer le greenwashing du gouvernement ainsi que les mensonges du secrétaire d’État à la Mer auprès de la Cour de Justice de la République, de l’ARCOM et du CDJM. Nous avons attaqué les dérogations permettant aux chalutiers d’opérer à quelques encablures des îles de Houat et Hoëdic dans une zone Natura 2000 au détriment des pêcheurs artisans et des écosystèmes, et avons déposé un recours gracieux contre le chalutage illégal dans les aires protégées de Méditerranée. Nous avons relayé auprès des décideurs et de l’opinion publique les prises de position des scientifiques qui, dans la prestigieuse revue scientifique Nature, ou dans Le Monde, ont appelé la France à mettre fin à son hypocrisie.  

Enfin, nous avons uni nos forces au sein d’une « coalition citoyenne pour la protection de l’océan » pour porter 15 points auprès d’Emmanuel Macron, du gouvernement et des institutions européennes afin que la France, qui accueillera dans quelques mois la troisième conférence des Nations unies sur l’océan à Nice, et qui lance ce week-end son « Année de la Mer » à l’occasion des Journées européennes du patrimoine, mette en œuvre une véritable politique de protection de nos eaux. 

(1) Le lobby du chalut représente une part infime d’acteurs. D’après le CSTEP – Comité Scientifique, Technique et Economique des Pêches, on compte dans la flotte française 920 navires aux engins traînants (chalutiers, dragues, senneurs).

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