25 janvier 2024
Alors que le secteur de la pêche artisanale, en crise, n’a pas d’autre défenseur que les ONG environnementales, BLOOM saisit aujourd’hui l’ARCOM et le Conseil de déontologie journalistique et de médiation (CDJM) pour dénoncer la communication mensongère et favorable aux pêches industrielles du secrétaire d’État Hervé Berville lors de l’émission de France 2 du 28 novembre 2023 sur « les super-pouvoirs de l’océan » et pour s’assurer que des sanctions et mesures adaptées seront prises pour garantir une information de qualité.
La clarification sur la formation du nouveau gouvernement progresse très lentement. Aujourd’hui, une étape a été franchie : le secrétaire d’État à la mer Hervé Berville est officiellement destitué de ses fonctions, sans que l’on sache si le secrétariat d’État qu’il occupait sera conservé.
Cela ne doit pas empêcher l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (ARCOM) et le Conseil de déontologie journalistique et de médiation (CDJM) de prendre les mesures ou sanctions adaptées aux propos graves que ce représentant du gouvernement français a tenus en fin d’année 2023, à l’aube de « l’Année de la Mer 2024 ».
À une heure de grande écoute sur une chaîne du service public (France 2), le secrétaire d’État à la mer Hervé Berville a tenu le 28 novembre à maintes reprises un discours mensonger destiné à tromper l’opinion publique en affirmant que (1) les navires de pêche industrielle n’opéraient pas dans les aires marines françaises dites « protégées », ce qui est faux, que (2) les navires-usines n’avaient pas le droit de pêcher dans les aires marines protégées, ce qui est également faux, et (3) que la France était parmi les plus grands protecteurs de l’océan dans le monde, ce qui est outrageusement faux.
Les propos tenus par Hervé Berville :1) « Il faut à la fois rétablir des vérités, et c’est pour ça que je me permets de vous dire qu’il n’y a pas de pêche industrielle dans les aires marines protégées en France« . 2) « Déjà la première chose c’est que la France et l’Europe n’autorisent pas, et notamment dans les aires marines protégées, ce bateau [navire-usine] n’a pas le droit de pêcher« . 3) « Force est de constater que la France est le seul pays au monde à avoir à la fois des surfaces de protection mais aussi des interdictions qui sont les plus fortes en Europe et dans le monde« . |
Cette communication publique de Monsieur Berville en fin d’année 2023 a consisté tout à la fois à (1) préserver les intérêts du lobby de la pêche industrielle en faisant croire au public que les aires marines protégées interdisaient leurs activités, ce qui n’est pas le cas, (2) à protéger les intérêts des industriels étrangers qui ravagent les eaux françaises et les activités des pêcheurs côtiers français avec des navires-usines de plus de 80 mètres, qui pêchaient bel et bien dans les aires marines dites « protégées » au moment où M. Berville affirmait le contraire en direct, (3) à faire croire que le gouvernement agit favorablement pour la protection de l’océan, ce qui est à l’opposé de la réalité factuelle et enfin (4) à laisser entendre que ceux qui véhiculent de fausses informations sont les scientifiques, institutions européennes, activistes et associations de protection de l’environnement.
Un tel chapelet de mensonges a des conséquences graves pour la protection de l’océan, sachant que la politique antiécologique menée par le gouvernement est dénoncée par les scientifiques et les associations et que ce dernier a jusqu’en mars 2024 pour se mettre en conformité avec les injonctions de protection effective des aires marines dites « protégées » de la Commission européenne. Les propos outranciers de M. Berville verrouillent également la possibilité d’un débat public apaisé sur la transition du secteur de la pêche.
Une stratégie de communication trumpienne se plaçant dans le régime de la post-vérité porte également atteinte au bon fonctionnement de la démocratie française et contribue à détruire la confiance dans la parole publique.
Les choix de communication du gouvernement confirment que celui-ci a choisi son camp : protéger la pêche industrielle « quoi qu’il en coûte », ignorer la détresse des pêcheurs artisans et empêcher un débat sur la transition écologique du secteur, qui bénéficierait aux pêcheurs artisans qu’il refuse obstinément de défendre.
Les affirmations trompeuses de M. Berville contreviennent ainsi aux dispositions de l’article 1er de la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication qui établit que la communication au public par voie électronique est libre sous réserve que soient respectées les « exigences de service public », au titre desquelles figurent la fiabilité et la confiance.
Après des décennies d’incurie ayant mené à l’abandon des pêcheurs artisans pour favoriser une flotte de pêche industrielle destructrice des emplois, du climat, de l’environnement et des finances publiques, la pêche française est, à nouveau, en crise. Ne restent plus que les ONG pour défendre les pêcheurs : contre les ravages de la pêche électrique et de la senne démersale, contre une répartition inique des quotas, contre la destruction des écosystèmes marins, ou contre le pillage des ressources par des méga-chalutiers, ce sont les associations qui sont aux côtés des pêcheurs pour inventer une pêche durable et conserver un océan vivant.
BLOOM, qui se battait encore la semaine dernière au Parlement européen pour la défense des pêcheurs et des écosystèmes marins face aux tenants du statu quo, à l’instar du député macroniste Pierre Karleskind et du député Les Républicains François-Xavier Bellamy, saisit aujourd’hui l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (ARCOM) et le Conseil de déontologie journalistique et de médiation (CDJM) pour s’assurer que le mensonge ne devienne pas la nouvelle méthode de gouvernement pour enterrer tout débat sur la transition de la pêche française et européenne.
Entre le débat public sur les « documents stratégiques de façade », l’année 2024 décrétée « Année de la Mer » par le Président de la République, les élections européennes et l’accueil à Nice en juin 2025 de la troisième conférence des Nations unies sur l’océan, il y a urgence pour que les institutions publiques indépendantes et les conseils de déontologie journalistiques s’assurent que les 18 prochains mois, cruciaux pour l’océan, le climat et les pêcheurs, ne soient pas le théâtre d’une campagne gouvernementale de désinformation massive.