10 octobre 2023
Alors que le secteur de la pêche traverse une nouvelle crise avec l’annonce de l’arrêt des aides d’État au gasoil le 15 octobre, le gouvernement refuse de planifier la transition vers des pratiques socialement et écologiquement justes et persiste à accorder les quotas de pêche en priorité aux pêcheurs industriels. L’entêtement de l’État à protéger un modèle qui détruit à la fois l’océan et les emplois montre que la seule préoccupation du gouvernement est de conforter les intérêts des industriels qui trouvent leur compte à laisser disparaître la pêche française.
Aujourd’hui, 70% des captures sont faîtes par 30% des pêcheurs. Cette injustice fondamentale est le nœud gordien qui détermine l’avenir de la pêche : si la France veut régénérer l’emploi, elle doit véritablement protéger l’océan et redistribuer les quotas avec justice et transparence pour soutenir les pêches artisanales durables. Face à la forteresse formée par l’État et les lobbies industriels, BLOOM et des pêcheurs artisans ont décidé de saisir la justice.
Le gouvernement se fourvoie dans une vision court-termiste qui ne répond pas au problème structurel du secteur, qui doit opérer une transition vers des méthodes à faible impact et donc modifier la répartition des quotas en faveur des méthodes les plus vertueuses. Cette transition doit s’accompagner de la création de véritables aires marines protégées pour assurer un avenir au secteur de la pêche artisanale.
Vendredi 2 octobre, BLOOM, trois associations de pêcheurs et un pêcheur normand ont saisi le juge administratif pour demander une répartition transparente et équitable des quotas de pêche. Cette requête fait suite au recours gracieux déposé le 26 mai dernier par BLOOM, Pleine Mer, les Ligneurs de la Pointe de Bretagne, la Plateforme de la Petite Pêche et un pêcheur adhérant à l’Organisation des Pêcheurs Normands dans lequel nous demandions l’abrogation de l’arrêté répartissant les quotas de pêche à l’échelle nationale. Nous appelions les autorités à réexaminer la répartition des quotas et à réformer en profondeur cette politique discriminatoire afin de restaurer la justice et l’équité dans l’accès aux ressources marines. Malheureusement, l’administration n’a pas daigné nous répondre, nous forçant ainsi à saisir le Tribunal administratif de Rennes pour solliciter du juge l’annulation de cet arrêté.
Les quotas, qui constituent un des principaux outils de gestion des pêches, sont chaque année répartis entre les pêcheurs français. Les quotas sont fléchés à chacune des organisations de producteurs, qui se chargent ensuite de les redistribuer entre leurs pêcheurs adhérents. Cette répartition doit se faire selon les règles de la politique commune de la pêche (PCP) de l’Union européenne qui prévoit des « critères transparents et objectifs, y compris les aspects environnementaux, sociaux et économiques » (1). Pourtant, en France, l’allocation des quotas (2), fondée sur les captures passées (c’est le système des antériorités de pêche), ne prend pas en considération l’impact environnemental des méthodes de pêche ni les répercussions socio-économiques de la pêche artisanale et des communautés côtières.
Lorsque l’on analyse la répartition entre les organisations de producteurs, le constat est sans appel : les droits de pêche sont détenus par une poignée d’industriels dont les pratiques détruisent l’environnement. A titre d’exemple, l’organisation de producteurs boulonnaise le FROM Nord se voit allouer la plus grosse part pour les espèces pélagiques, avec notamment 98,6% du quota de hareng ou 100% du quota de merlan bleu. En effet, parmi les adhérents au FROM Nord, neuf navires sont industriels et détenus par les armements France Pélagique, la Compagnie des Pêches de Saint-Malo et Euronor, des entreprises à capitaux néerlandais. En comparaison, bien qu’ils représentent 70% de la flotte, les navires de moins de 12 mètres pratiquant des techniques passives débarquent seulement 10% des captures. Ce système de quotas profite non seulement aux industriels, dont les méthodes de pêche sont préjudiciables à l’environnement marin, mais il prive également les pêcheurs côtiers de leurs moyens de subsistance. « En soutenant la pêche industrielle au détriment des petits pêcheurs, la France transgresse le droit européen et met en péril la gestion durable de la pêche. Le refus du gouvernement français de réexaminer la répartition des quotas est une illustration de plus de sa complicité avec les pires pratiques de pêche. Par la voix de son lobbyiste-secrétaire d’État Hervé Berville, la France s’était « totalement, clairement et fermement opposé » à la protection de l’océan via la création d’aires marines protégées », analyse Claire Nouvian, directrice de BLOOM.
En plus de contester l’arrêté, BLOOM avait également adressé une demande à l’administration pour obtenir les plans de gestion des organisations de producteurs, des documents approuvés par le ministère et censés contenir les règles de répartition des quotas entre les pêcheurs au sein de ces organisations. En effet, l’arrêté en question répartit les quotas entre les organisations de producteurs, mais ne spécifie pas comment ils sont ensuite attribués aux navires. Cependant, notre demande d’informations s’est de nouveau heurtée à la résistance de l’administration qui a rejeté notre demande en prétextant que ces documents étaient préparatoires. Cet argument est fallacieux étant donné qu’elle doit les valider conformément au Code rural et de la pêche maritime (3). Face à ce refus, BLOOM a saisi la CADA (Commission d’accès aux documents administratifs) le 28 août pour obtenir un avis sur le caractère communicable de ces informations, étape obligatoire pour ensuite contraindre l’administration à coopérer.
A l’heure où le secteur de la pêche doit évoluer et opérer de toute urgence une transition vers des méthodes à faible impact pour stopper l’effondrement de la biodiversité marine et de la pêche artisanale, et face à la résistance du gouvernement français, nous espérons que la justice forcera une transparence totale sur les quotas de pêche et leur juste répartition.
(1) Article 17 du règlement (UE) n°1380/2013 relatif à la politique commune de la pêche.
(2) En vertu du livre IX du Code rural et de la pêche maritime, la répartition des quotas est arrêtée par le Ministre, après consultation du Comité national des pêches et des élevages marins (article R912-3 du code précité).
(3) Article R921-61 du Code rural et de la pêche maritime.
30 mai 2023
La coupe est pleine : BLOOM et trois associations de pêcheurs demandent une transparence totale sur les quotas de pêche et leur juste répartition.
29 novembre 2012
Le ministre français de la pêche, M. Frédéric Cuvillier se félicite déjà de « résultats positifs » pour les quotas d’espèces profondes : une augmentation de près de 70% pour le sabre noir et le grenadier de roche, c’est-à-dire les principales espèces pêchées par les chalutiers français.
13 octobre 2016
BLOOM, la Deep Sea Conservation Coalition, Seas at Risk et le WWF ont envoyé une lettre commune à la Commission européenne pour lui faire part de leurs inquiétudes à propos des allocations de quotas pour les espèces profondes pour la période 2017-2018.