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30 mai 2023

Quotas de pêche : les associations montent au créneau

La coupe est pleine : BLOOM et trois associations de pêcheurs demandent une transparence totale sur les quotas de pêche et leur juste répartition.

Loin d’être équitable, la répartition des quotas de pêche est un enjeu stratégique pour les pêcheurs. En France, l’opacité fait loi, perpétuant un système qui favorise les industriels. Afin de protéger l’océan et les communautés de pêcheurs artisans – ce qu’il en reste – l’association BLOOM, la Plateforme de la petite pêche artisanale, les Ligneurs de la Pointe de Bretagne, l’association Pleine Mer ainsi qu’un pêcheur normand ont décidé de ne plus subir le diktat des pêcheurs industriels et tenants de méthodes à fort impact écologique et social et d’agir, notamment en justice, pour obtenir une répartition juste, durable et transparente des quotas de pêche.

Quatre actions pour changer la répartition des quotas

Les quotas de pêche sont des outils qui visent à gérer de façon durable et équitable les stocks de poissons. En France, ces quotas sont répartis entre les organisations de producteurs (OP) qui se chargent ensuite de les allouer à leurs adhérents en fonction de leurs captures passées (c’est le système des antériorités de pêche).

Le vendredi 26 mai, BLOOM et les pêcheurs ont déposé un recours gracieux contre l’arrêté répartissant les quotas de pêche entre les organisations de producteurs pour l’année 2023 car il favorise la pêche industrielle au détriment des écosystèmes marins et des meilleures pratiques de pêche. Parallèlement, BLOOM a adressé trois demandes d’informations au Secrétaire d’État à la mer, Hervé Berville, concernant respectivement : 1) les échanges de quotas entre la France et les autres États membres de l’Union européenne, 2) l’avis du Comité national des pêches sur lequel se fonde la répartition des quotas et 3) un accès aux plans de gestion des organisations de producteurs approuvés par le Ministère.

Le diktat des antériorités de pêche : un système qui récompense ceux qui ont le plus pêché

Le système de répartition des quotas est fondé essentiellement sur la loi immuables des antériorités de captures, c’est-à-dire sur ce que le navire a pêché entre 2001 et 2003. Autrement dit, plus un navire a pêché dans le passé, plus la part de quotas qu’il obtient est importante. À l’inverse, les nouveaux pêcheurs n’ayant pas d’antériorité ont très peu de chances de pouvoir adhérer à une organisation de producteurs étant donné que les règles de répartition des quotas sont figées.

En revanche, le système de répartition actuel ne tient absolument pas compte de l’impact écologique de l’engin, ni des retombées socio-économiques. C’est l’analyse du Comité scientifique, technique et économique des pêches (CSTEP) qui émet les avis scientifiques pour la Commission européenne : « Le CSTEP conclut que les droits de pêche historiques constituent le principal critère utilisé pour l’attribution des quotas de pêche. Les critères environnementaux et sociaux sont à peine utilisés et n’ont qu’un impact limité sur l’allocation finale« .[1] Il en résulte une marginalisation systématique des pêcheurs artisans et des meilleures pratiques de pêche au profit des puissants intérêts économiques. Bien qu’ils représentent 70% de la flotte, les navires de moins de 12 mètres pratiquant des techniques passives débarquent 10% des captures.[2] Au lieu d’encourager une pêche durable, ce système récompense au contraire ceux qui ont la plus grande part de responsabilité dans l’effondrement des populations de poissons.

Cette façon de répartir les quotas viole les objectifs de la Politique commune de la pêche, qui vise à garantir une exploitation durable des ressources marines et à promouvoir l’équité dans la répartition des possibilités de pêche. L’article 17 précise que « les États membres utilisent des critères transparents et objectifs, y compris les critères à caractère environnemental, social et économique ».[3]

Le FROM Nord obtient, à lui tout seul, 44% des quotas français

Ce système de répartition favorise une organisation de producteurs : le FROM Nord qui se taille la part du lion pour l’ensemble des espèces pélagiques, avec notamment 98,6% du quota de hareng ou 100% du quota de merlan bleu. Au total, le FROM Nord obtient plus de 117 000 tonnes de quotas pour ses 155 navires adhérents alors que l’OPN (« les Pêcheurs Normands ») n’en reçoit que 6 500 tonnes, toutes espèces confondues, à partager entre ses 220 navires adhérents.

Le cas du maquereau est emblématique. Sur les 10 404 tonnes attribuées à la France en Manche pour cette espèce, l’organisation de producteurs FROM Nord en a reçu 6 102 tonnes, soit près de 59%. En comparaison, les navires non-adhérents à des organisations de producteurs n’ont que 81 tonnes à se partager, soit moins de 0,008% du quota de maquereau. Seulement huit jours après la publication de l’arrêté, la pêche au maquereau a été fermée aux non-adhérents. Le Comité régional des pêches de Normandie a réagi sur Facebook en déclarant : « La question de la répartition des quotas a déjà été posée et nécessite un travail national !« . Le recours déposé par BLOOM et les associations de pêcheurs co-signataires est justement l’opportunité de rebattre les cartes.

Les industriels néerlandais font main basse sur les quotas français

Un tel accaparement par le FROM Nord s’explique par la présence de neuf navires industriels détenus par les armements France Pélagique, la Compagnie des Pêches de Saint-Malo et Euronor. « Ces trois entreprises appartiennent aux géants néerlandais Cornelis Vrolijk et Parlevliet & Van der Plas (P&P). Certains de ces navires sont capables de pêcher plusieurs centaines de tonnes de poissons par jour et de les transformer à bord. Non seulement, ces quotas profitent aux industriels dont les pratiques de pêche sont destructrices pour l’océan, mais ils dépossèdent les pêcheurs côtiers qui font vivre le littoral », analyse Laetitia Bisiaux, chargée de projet à BLOOM.

BLOOM et les pêcheurs co-signataires ont demandé aux autorités compétentes de réexaminer de toute urgence la répartition des quotas et appelé à une réforme profonde de cette politique discriminatoire afin de restaurer la justice et l’équité dans l’accès aux ressources marines.

Échanges opaques et exclusifs du bien commun

Les quotas peuvent être échangés entre les États membres par l’intermédiaire des organisations de producteurs, une fois encore dans l’opacité absolue.[4] Par exemple, le Margiris, un navire-usine de 136 mètres de long pavillonné en Lituanie (et sous capitaux néerlandais) pêche chaque jour plusieurs centaines de tonnes de poissons alors que cet État membre n’a aucun quota de pêche pour les espèces pélagiques, à l’exception de 97 tonnes de harengs et 97 tonnes de maquereaux.[5]

Afin de satisfaire l’appétit vorace de ces navires industriels, la Lituanie doit échanger des quotas avec d’autres pays tels que la France. Un marché transfrontalier du bien commun se déploie alors de manière totalement opaque, favorisant encore plus les industriels. 

Vers une plus grande concentration des quotas ?

L’association BLOOM sera attentive à la répartition des quotas provenant des navires ayant bénéficié d’un plan de casse financé par l’argent public à la suite au Brexit. Deux entreprises, la Scapêche (flotte d’Intermarché) et La Houle ont annoncé avoir mis plusieurs navires à la démolition mais soutiennent que les possibilités de pêche de leur flotte resteront peu changées.[6] Ces armements veulent ainsi transférer, par décision unilatérale, les quotas vers leurs navires actifs restants. Or, ces quotas doivent être répartis, entre autres, à l’ensemble des adhérents de l’organisation de producteurs à laquelle le navire appartenait.[7]

Si ces deux entreprises venaient à obtenir le transfert de leurs quotas, le secteur verrait alors se concentrer encore plus les droits de pêche entre les mains d’une poignée d’industriels.

REFERENCES

[1] Traduction libre p7 du rapport du CSTEP disponible à : https://stecf.jrc.ec.europa.eu/documents/43805/43235972/STECF+22-14+-+Fisheries+social+data.pdf/d6903c4d-d908-4560-8748-ee8da82b0998?version=1.0

[2] Source : rapport annuel du CSTEP de 2021 rapportant les données de l’année 2019. Parmi les espèces débarquées, certaines ne sont pas soumises à quotas.

[3]   Règlement 1380/2013 (Politique commune de la pêche) : https://eur-lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=OJ:L:2013:354:0022:0061:fr:PDF 

[4] Conformément à l’article 16 du règlement 1380/2013, les Etats membres, après notification à la Commission, peuvent échanger tout ou partie des possibilités de pêche qui leur sont allouées.

[5] Voir le règlement 2023/194 : https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/PDF/?uri=CELEX:32023R0194&from=EN 

[6] Pour la Scapêche : « Même si le départ de ces navires provoquera une diminution annuelle comprise entre 2 500 à 3 000 tonnes de poissons et de crustacés dans les criées de Bretagne sud, la Scapêche estime que le nouvel équilibre de répartition des quotas devrait permettre une augmentation du volume de certaines captures pour ses navires toujours en activité. »

Pour la Houle : « La Houle table sur le retrait de trois à quatre de ses plus vieilles unités, afin de produire demain presque autant qu’aujourd’hui, soit 2 700 à 2 800 tonnes de captures et 11,5 millions d’euros de chiffre avec une cinquantaine de navigants. Et des navires donc moins nombreux mais plus performants. »

[7] Article R921-44 : « L’arrêt définitif d’activité du navire d’un producteur entraîne la mise en réserve nationale de 30 % des antériorités du navire considéré. Les 70 % restants sont affectés à la réserve de l’organisation de producteurs à laquelle le producteur était adhérent à la date de sortie de flotte de ce navire. »

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