03 février 2023
Alors que s’ouvre aujourd’hui à Vancouver la conférence internationale sur les aires marines protégées, BLOOM sort une analyse inédite embarrassante pour la France puisqu’elle révèle que le mille-feuilles administratif particulièrement complexe qui caractérise le réseau d’aires marines dites « protégées » de l’Hexagone est une caricature d’inefficacité qui ne correspond à aucun critère international et échoue entièrement à protéger l’océan.
Les chercheurs de BLOOM ont analysé le statut de l’ensemble des aires marines protégées de France métropolitaine (pas moins de 450 aires marines protégées – AMP – dans l’hexagone et 641 dans l’ensemble des eaux sous juridiction française) et relevé les anomalies et absurdités de la conception française des AMP :
Inutile, coûteux et absurde, le réseau français d’aires marines, faussement « protégées », est donc incapable de fournir les bénéfices économiques et écologiques attendus, notamment la régulation du climat et la régénération de la vie marine et des forêts animales existant sous l’eau.
Dans un rapport inédit, BLOOM révèle le résultat d’un travail laborieux consistant à dénombrer les aires marines protégées françaises et à reconstituer le nombre exact de catégories considérées comme des AMP en France, avant de les comparer avec les critères internationaux de définition de ce qu’est, à proprement parler, une « aire marine protégée ». Le résultat est saisissant. Aucune des 14 catégories que nous avons recensées en France métropolitaine ne correspond à la définition d’une aire protégée selon l’UICN, qui établit notamment que « la pêche intensive (c’est-à-dire industrielle) à grande échelle n’est compatible avec aucune des catégories de gestion et ne devrait pas avoir lieu dans les aires marines protégées ou à proximité ».
Le tableau ci-dessous synthétise le problème français : aucune catégorie de « protection à la française » en métropole ne correspond à une aire marine protégée au sens des normes internationales !
N.B. : Le détail de ce tableau est disponible dans les ressources complémentaires associées à l’étude.
L’étude de BLOOM, menée par Paco Lefrançois, révèle une autre anomalie importante : les différentes catégories d’AMP en France sont d’une telle diversité que leur chiffrage exact est impossible. Il en existe au moins 14 sur le territoire métropolitain mais plus de 18 dans l’ensemble des eaux sous juridiction française. Le droit français ne prévoit aucun critère pour définir ce qu’est une aire marine protégée. En fait, le cadre juridique des aires marines protégées répond à une logique arborescente de cumuls successifs de textes variés. A l’extrémité de chaque ramification pousse un site protégé répondant à une gouvernance propre, des objectifs de gestion uniques et des autorisations et interdictions spécifiques (dans les rares cas où de telles régulations existent).
Face à ce qui se révèle être un véritable labyrinthe kafkaïen, inutile d’attendre de l’administration française une gestion efficace ni même la publication d’un panorama exhaustif de la réglementation de la pêche en mer, imbriquée dans des strates juridico-administratives indémêlables. C’est tout simplement impossible puisque le régime de réglementation associé à chacune des 641 aires marines protégées est le fruit d’une construction unique.
Les seuls à maîtriser ce morcellement sont ceux à qui il profite, c’est-à-dire les représentants de la pêche industrielle, notamment les comités des pêches maritimes et de l’aquaculture, l’Union des Armateurs à la Pêche de France ou l’Association Nationale des Organisations de Producteurs, qui ont verrouillé la gouvernance des AMP. On les retrouve partout associés à l’élaboration des normes et à la gestion des sites, de telle sorte qu’au bout de chaque catégorie d’AMP (parcs naturels marins, réserves naturelles nationales, sites Natura 2000, entre autres), on retrouve une coquille vide qui autorise les méthodes de pêche impactantes que les aires marines protégées sont supposées interdire. Au point que, dans l’écrasante majorité des cas, ce réseau de « parcs de papiers » n’offrent quasiment pas plus de régulations à l’intérieur qu’à l’extérieur de leur périmètre(2).
Cette situation alarmante, à l’heure de l’effondrement sans précédent du vivant et d’un changement climatique qui met en péril la possibilité même pour les humains d’occuper la planète, mérite une reprise en mains volontaire au plus haut niveau de l’État. Emmanuel Macron a annoncé que nous devions « simplement doubler le taux d’effort par rapport à ce qu’on a fait ces cinq dernières années » vis-à-vis de nos émissions de CO2. La Conférence ‘IMPAC5’ au Canada est l’occasion pour la France de commencer à traiter l’océan comme un allié dans la lutte contre le changement climatique plutôt que comme un ennemi. A peine deux mois après avoir torpillé le volet marin de l’accord mondial sur la Biodiversité de la COP15, la France s’entête et refuse encore d’aligner ses aires marines faussement « protégées » sur les recommandations scientifiques internationales. Bien au contraire, le gouvernement s’efforce de légitimer un modèle de protection « à la française » vide d’ambition et qui évite à tout prix de définir un cadre normatif clair pour les aires marines protégées.
En amont de la prochaine conférence de l’ONU sur l’océan que la France accueillera à Marseille en 2025, le gouvernement doit impérativement relever le niveau de son ambition écologique en annonçant mettre ses actes en conformité avec les standards internationaux. Cela commence par proscrire, dès à présent, toute activité industrielle, y compris le chalutage de fond, dans les aires marines protégées et protéger « strictement » (c’est-à-dire intégralement) 10% des eaux françaises à l’horizon 2030.
Bannir toutes les activités extractives des aires « strictement » protégées et réserver le reste des aires marines protégées à la pêche artisanale, voilà qui placerait la France, première puissance maritime européenne, à la hauteur de ses engagements et de ses responsabilités.
(1) Niveaux de protection ici : https://mpa-guide.protectedplanet.net/explore/levels-of-protection/by-level. Publication scientifique ici : Grorud-Colvert et al. (2021) The MPA Guide: A framework to achieve global goals for the ocean.
(2) Dès lors la pêche industrielle a accès à la quasi-totalité du territoire et la moitié de l’activité de pêche de ces navires avait lieu dans les AMP en 2021, d’après l’étude de BLOOM, « La pêche industrielle à l’assaut des aires marines protégées ».
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