Association Bloom

Contre la destruction de l'océan, du climat et des pêcheurs artisans

Une ONG 100% efficace

Vous mobiliser Faire un don

26 mars 2024

Palmarès européen : la France a l’aire marine « protégée » la plus chalutée

En démontrant que les méthodes de pêche les plus destructrices, comme le chalutage de fond, sévissent quotidiennement dans les aires marines supposément protégées d’Europe, BLOOM publie une étude scientifique majeure qui met en lumière le chemin qu’il reste à parcourir à l’Union européenne pour atteindre ses objectifs de protection et de restauration des écosystèmes marins.

Nous avons analysé le temps de pêche de l’ensemble des chalutiers de plus de 15 mètres opérant dans les aires marines européennes dites « protégées » (AMP) de l’Union européenne en 2023 et montrons qu’accorder un statut de « protection » à certaines zones marines n’a aucune influence sur le déploiement du chalutage. Nous avons, dans l’étude, créé pour chaque pays une carte résumant la pêche au chalut dans les AMP nationales ainsi que le top 30 des AMP les plus chalutées (voir les annexes du rapport).

Une réalité qui défie les annonces politiques

Les experts des panels intergouvernementaux sur l’évolution du climat et la biodiversité du GIEC et de l’IPBES ont souligné l’importance de développer un réseau cohérent d’AMP pour protéger véritablement le climat, la biodiversité et la pêche artisanale, victimes collatérales depuis des décennies de la pêche industrielle (1). En 2020, l’Union européenne (UE) a ainsi adopté sa Stratégie en faveur de la biodiversité, dans laquelle elle se fixe l’objectif d’atteindre 30% d’AMP d’ici 2030. Les recommandations de l’Union internationale pour la protection de la nature (UICN) dictent d’exclure la pêche industrielle de toutes les AMP, tandis que le cadre européen demande d’accorder le statut de « protection stricte », c’est-à-dire sans aucune pêche (pas même artisanale), à un tiers des zones déclarées « protégées ». (2)

En France, le Président de la République Emmanuel Macron se targue d’avoir déjà dépassé cet objectif. Mais, au-delà des grands discours, le constat est amer :BLOOM révèle ici que les aires marines dites « protégées » n’ont pas ou peu d’influence sur l’effort de pêche au chalut à l’échelle de l’UE, pourtant considérée comme l’une des techniques de pêche les plus destructrices. Pire : l’intensité de pêche au chalut – soit le nombre d’heures de chalutage par kilomètre carré – était 1,4 fois supérieure dans les AMP qu’à l’extérieur de ces zones en 2023, et les méga-chalutiers de plus de 80 mètres opèrent tous dans les AMP européennes.

Des aires marines supposément protégées qui subissent des méthodes de pêche parmi les plus destructrices, comme le chalutage de fond (3)

Notre étude révèle qu’en 2023, le chalutage sévissait dans plus de 60 % de la surface des AMP en Europe. Au total, en 2023, l’UE comptabilise près de 6,2 millions d’heures de pêche au chalut dans ses eaux, dont environ 1,7 million à l’intérieur de ses AMP. Ainsi,  environ un quart (26,7 %) de l’effort de pêche au chalut en Europe se déroule à l’intérieur des AMP. Cet effort de pêche n’est pas distribué de façon homogène : trois pays, l’Espagne, la France et l’Italie, concentrent à eux seuls plus de deux tiers de l’effort de pêche au chalut dans les AMP. L’AMP la plus chalutée en Europe est une AMP française : le Talus du Golfe de Gascogne, qui concentre à lui seul plus de 200 000 heures de pêche au chalut en 2023.

Du simple chalut au méga-chalutier, cartographie des techniques de pêche en AMP

La pêche au chalut dans les AMP est aussi pratiquée par les méga-chalutiers pélagiques, de gigantesques navires pouvant mesurer jusqu’à 145 mètres de long, capturer 400 tonnes de poissons par jour soit autant que 1 000 navires de pêche artisanale en une journée (4). Parmi les navires de plus de 80 mètres considérés dans cette analyse, tous ont pêché au moins une fois dans une AMP européenne en 2023. Par exemple, le Scombrus, méga-chalutier français de 80 mètres de long, a consacré plus d’un tiers de son effort de pêche à l’intérieur des AMP. Le Joseph Roty II, méga-chalutier de 90 mètres de long, a passé 906 heures à pêcher dans les AMP, soit un quart de son temps (calculé en effort de pêche). Les méga-chalutiers sont particulièrement friands des AMP françaises, telle que l’AMP du Talus du Golfe de Gascogne qui concentre à elle seule plus de 1 000 heures de pêche par ces navires. Ainsi, les zones désignées pour la protection de la biodiversité ne protègent pas les écosystèmes marins et la pêche artisanale des plus grands navires de pêche industrielle, dont l’impact sur les écosystèmes, le climat et les pêcheurs artisans est pourtant catastrophique (5).

Ce rapport souligne une nouvelle fois l’écart gigantesque entre les chiffres de protection déclarés par les gouvernements européens et la réalité. Dans ces conditions, les AMP ne peuvent remplir leur rôle primordial de protection et restauration de la vie marine, de sauvegarde de la pêche artisanale et de conservation des puits de carbone océaniques. En vue du sommet mondial de l’ONU sur l’océan en 2025 (UNOC), l’Europe a l’opportunité de clarifier ce qui constitue ou non une aire marine protégée en adoptant les standards fixés par l’Union Internationale de Conservation de la Nature (UICN) à savoir que toutes les AMP doivent, par définition, exclure la pêche industrielle. Les zones de protection qui ne remplissent pas ces standards ne doivent pas être comptabilisées dans les chiffres de protection officiels des pays. 

→ Cette étude sera présentée ce soir, le 26 mars, lors d’une soirée exclusive à l’Assemblée nationale pour lancer une grande coalition citoyenne de protection de l’Océan initiée par BLOOM.


NOTES

(1) Intergovernmental Panel On Climate Change (Ipcc), The Ocean and Cryosphere in a Changing Climate ; IPBES, « Summary for Policymakers of the Global Assessment Report on Biodiversity and Ecosystem Services ».

(2) Stratégie biodiversité de l’EU Pour 2023.

(3) Steadman et al., « New Perspectives on an Old Fishing Practice » ; Dureuil et al., « Elevated Trawling inside Protected Areas Undermines Conservation Outcomes in a Global Fishing Hot Spot » ; Perry et al., « Extensive Use of Habitat-Damaging Fishing Gears Inside Habitat-Protecting Marine Protected Areas ».

(4) Voir notre communiqué : Le plus grand chalutier pélagique du monde arrive en France.

(5) Eigaard et al., « Estimating Seabed Pressure from Demersal Trawls, Seines, and Dredges Based on Gear Design and Dimensions ».

Vous aussi, agissez pour l'Océan !

Faire un don
Réservation en ligne
Je réserve un hôtel solidaire

Je réserve un hôtel solidaire

Achat solidaire
Je fais un achat solidaire

Je fais un achat solidaire

Mobilisation
Je défends les combats de BLOOM

Je défends les combats de BLOOM

Contre-pouvoir citoyen
J’alerte les décideurs

J’alerte les décideurs