18 juillet 2024
BLOOM engage une procédure auprès de la Commission européenne pour s’attaquer au chalutage sur les herbiers de posidonie de Méditerranée et faire respecter le droit européen.
Véritable joyau de la grande bleue, la posidonie constitue un habitat exceptionnel et particulièrement vulnérable. Mais, alors que la France accueillera dans moins d’un an la troisième conférence des Nations unies sur l’océan, elle met tout en œuvre pour déroger au droit européen et maintenir le statu quo pour permettre à des chalutiers d’opérer dans le Parc national de Port-Cros et la rade d’Hyères, quitte à sacrifier des écosystèmes marins exceptionnels dans la manœuvre.
La Commission européenne doit révoquer cette dérogation illégale et mettre fin à l’imposture chaque jour plus criante de la « protection à la française ».
Les herbiers de posidonie assurent un rôle majeur pour la bonne santé de la mer Méditerranée et sont considérés parmi les écosystèmes marins les plus importants. Ils constituent des puits de carbone essentiels, protègent le littoral de l’érosion, fournissent de l’oxygène aux eaux côtières à travers la photosynthèse et fournissent un habitat essentiel aux animaux marins en servant de frayère (lieu de ponte) et de nurserie (refuge des juvéniles). Cependant, en 100 ans, les herbiers de posidonie de Méditerranée ont perdu 10% de leur surface, principalement en raison de la multiplication des activités humaines destructrices et de l’aggravation du réchauffement climatique. En conséquence, la communauté scientifique alerte sur la réduction substantielle de la capacité de cet écosystème côtier clé à séquestrer le carbone, réduisant ainsi la capacité de puits de carbone de la région méditerranéenne.
Afin de protéger ces écosystèmes essentiels au bon état écologique de la Méditerranée, l’Union européenne a interdit dès 2006 le chalutage au-dessus des prairies sous-marines, notamment des herbiers de posidonie, et dans les aires marines protégées désignées pour assurer leur sauvegarde. Pourtant, la France cherche encore et toujours à s’affranchir du droit européen en la matière.
En mai dernier, aux côtés de l’association ClientEarth, BLOOM avait engagé une procédure juridique contre le gouvernement français, qui viole délibérément le droit européen en autorisant le chalutage dans les aires marines protégées désignées pour la conservation des habitats vulnérables de Méditerranée.
Mais l’histoire ne s’arrête pas là : profitant d’une disposition insérée par le lobby du chalut dans ce règlement européen, la France déroge depuis des années au droit européen pour autoriser le chalutage au gangui sur les herbiers de posidonie.
La pêche au gangui, qui consiste à tracter un filet sur les fonds marins, y compris sur les herbiers de posidonie, détruit tout sur son passage. Mais alors que cette technique de pêche, spécifique à la Méditerranée, est en perte de vitesse, la France a obtenu de la Commission européenne une nouvelle dérogation le 23 mai 2024 pour permettre à 7 navires utilisant le gangui de continuer à pêcher spécifiquement au-dessus des herbiers de posidonies dans les aires marines protégées de la rade d’Hyères et du Parc national de Port-Cros.
Cette dérogation, en plus d’aller à rebours de toutes les recommandations scientifiques en exploitant un vide juridique instauré par le lobby du chalut il y a 18 ans, est parfaitement illégale puisqu’elle contrevient au droit européen qui interdit explicitement le chalutage dans les aires marines protégées désignées au titre de la protection des posidonies, du maërl et des coraux, comme c’est le cas pour la zone Natura 2000 de la rade d’Hyères et pour le Parc national de Port-Cros.
Face à l’urgence climatique et écologique, BLOOM engage une procédure auprès de la Commission européenne pour faire annuler cette dérogation afin que les dispositions relatives à la protection des écosystèmes vulnérables de Méditerranée ne servent pas seulement de vitrine à l’UE, mais qu’elles soient réellement appliquées et respectées.
Il est en effet inconcevable que la France obtienne encore et toujours, avec la complicité de l’administration européenne, des dérogations qui compromettent des écosystèmes fragiles censés être protégés.
Car la France, consciente de l’effet néfaste du chalutage sur les écosystèmes marins, a déjà interdit la pêche au gangui dans le cœur du parc de Port-Cros. Mais la France souhaite que cette activité, « exercée traditionnellement au-dessus des prairies de posidonies », se poursuive dans le reste de la rade d’Hyères et du Parc national de Port-Cros. Une demande à laquelle la Commission européenne a donné, contre toute attente, une suite favorable au motif que « le risque de compromettre les objectifs de conservation des prairies de posidonies (Posidonia oceanica) en raison de la pêche au gangui est modéré ». Et d’ajouter, au mépris des mesures de protection que l’UE a elle-même pris pour protéger les écosystèmes de Méditerranée, que « la pêche n’a pas d’incidence significative sur l’environnement marin ».
Ce tour de passe-passe administratif entre la France et la Commission européenne, à l’œuvre depuis plus de dix ans pour perpétuer une activité destructrice, et qui balaie d’un revers de main la littérature scientifique abondante démontrant le bilan dévastateur du chalutage sur les plans écologiques, économiques et sociaux, doit maintenant cesser.
Dans moins d’un an, la France accueillera à Nice, sur les rives de la Méditerranée, la Conférences des Nations unies sur l’océan. Au cours des dernières années, le gouvernement s’est évertué à maintenir envers et contre tout le statu quo d’une politique antiécologique. Comme le soulignaient plus de 260 chercheurs spécialistes des sciences de l’océan en avril dernier, « malgré les menaces que l’humanité fait peser sur son environnement, le gouvernement tient des discours déconnectés du réel et pratique la course de lenteur ». La France s’est engagée auprès de la Commission européenne à ne pas prolonger cette dérogation au-delà de mai 2025. Mais nous ne pourrons pas nous contenter, à Nice, d’un plan pour la sauvegarde de la posidonie se bornant à mettre fin à une pratique illégale.
A l’heure où le Haut conseil pour le climat rappelle que « la réponse de la France au changement climatique doit monter en puissance », l’urgence est à engager des réformes structurelles pour respecter le droit européen, protéger effectivement les écosystèmes vulnérables, interdire le chalutage dans l’ensemble des aires marines protégées françaises, et engager une véritable transition écologique du secteur.
Image : Espirat – Licence Creative Commons