27 mars 2025
La tenue du sommet « SOS Océan ! », organisé à Paris par Emmanuel Macron les 30 et 31 mars, en amont de la 3ème Conférence des Nations Unies sur l’océan qui aura lieu en juin, aura au moins eu un mérite : forcer le gouvernement à clarifier la position qu’il allait défendre sur la scène française et internationale en matière de protection de l’océan… Cette clarification fut émise le 21 mars par la ministre de la transition écologique Agnès Pannier-Runacher… et ce n’est pas brillant. La ministre a annoncé qu’elle optait pour une approche de la protection « au cas par cas », expression reprise des défenseurs des pêches au chalut, considérées comme les plus destructrices de toutes les méthodes de pêche.
Cette protection « au cas par cas » inventée par les lobbies industriels et reprise par la ministre a pour effet de faire de la « dentelle » dans la protection et in fine, de ne jamais protéger le milieu et les animaux marins. Cette approche est précisément celle qui explique que notre pays, bien qu’il soit la première puissance maritime européenne et la deuxième au niveau mondial, protège moins de 0,1% de son territoire marin métropolitain, loin des 30% affichés dans les déclarations officielles.
Au sommet « SOS Océan ! », BLOOM appelle le Président de la République à faire preuve de courage politique pour annoncer la mise en place d’une véritable protection maritime et donc une interdiction immédiate des méthodes de pêche destructrices comme le chalutage de fond et le chalutage pélagique dans 30% des eaux françaises, par façade maritime, et la mise en place d’un tiers de ces zones sous protection « stricte » sans aucune activité extractive. Nous demandons également une interdiction des navires de plus de 25 mètres dans les eaux côtières (12 milles nautiques) et l’engagement d’une transition du secteur de la pêche permettant de lui redonner un horizon de viabilité économique et sociale. Face à l’inaction des pouvoirs publics, BLOOM appelle également les distributeurs à prendre leurs responsabilités pour répondre à l’urgence écologique ainsi qu’aux aspirations des citoyens en cessant d’acheter progressivement leurs poissons s’ils proviennent de chalutiers ayant pêché dans des zones protégées. BLOOM a mis à disposition des supermarchés une liste rouge mondiale des chalutiers pêchant dans les aires marines supposées être « protégées ».
En reprenant à son compte le discours du lobby de la pêche industrielle, la ministre s’est rangée du côté de l’action antiécologique et antiscientifique. Aux citoyen·nes mobilisé·es pour leur avenir et la lutte contre un changement climatique galopant et une redoutable disparition des espèces sauvages, il ne reste désormais que la figure présidentielle pour sauver la France du déshonneur. Les attentes de la société civile sont fortes vis-à-vis du Président de la République.
Année après année, les alertes scientifiques se font plus pressantes pour enrayer l’effondrement de la biodiversité et le dérèglement climatique, évoquant une récession majeure de l’économie mondiale et des milliards de morts, la mise en péril du « tissu même de la vie sur Terre », et des « risques en cascade sur fond de conflits, d’instabilité politique et de risque financier systémique ».
Dans ce contexte, protéger l’océan et les fonds marins relève de la nécessité absolue, les cinq premiers centimètres de sédiments marins stockant, à eux seuls, à l’échelle mondiale, quelques 80 gigatonnes de carbone organique, soit l’équivalent de dix années d’émissions mondiales de CO2. Le panel intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), dans son rapport de mars 2023, soulignait à ce propos que la protection et restauration des écosystèmes représentait le second levier le plus efficace pour lutter contre les effets du dérèglement climatique.
Dans cette perspective, l’Union européenne s’est dotée dans la Stratégie de l’UE en faveur de la biodiversité à l’horizon 2030, d’un objectif de 30% d’aires marines protégées, dont un tiers sous « protection stricte ». L’Union internationale pour la conservation de la nature a établi un cadre clair en la matière, soulignant que pour être considérée comme protégée, une zone « protégée » doit interdire les techniques de pêche destructrices telle que le chalutage.
Selon cette définition, en France métropolitaine, ce sont moins de 0,1% de nos eaux qui sont « protégées », le chalutage ayant lieu quotidiennement dans les aires marines désignées comme « protégées », véritables coquilles vides en raison d’une politique publique contrôlée par le lobby de la pêche industrielle sous couvert d’une approche « au cas par cas ».
Ce vendredi 21 mars, lors d’un point presse en amont d’une réunion du Conseil à Bruxelles, la ministre de la Transition écologique, de la Biodiversité, des Forêts, de la Mer et de la Pêche Agnès Pannier-Runacher, à rebours du consensus scientifique qui pointe sans relâche l’inaction de la France en matière de protection de l’océan, dans les colonnes de la prestigieuse revue scientifique Nature ou dans les colonnes du Monde, a repris mot pour mot les éléments de langage du lobby du chalut, expliquant que « la France soutiendra une vision au cas par cas », avec une « dentelle française des aires marines protégées ».
Ce « cas par cas », fondé sur la mise en œuvre parcellaire et laborieuse d’« analyses risques pêche » menées sous l’égide des comités des pêches et des préfets, constitue la pierre angulaire de la « protection à la française » qui, loin de mettre en œuvre les travaux et recommandations scientifiques, permet à des méga-chalutiers d’opérer dans les eaux françaises.
L’annonce de Madame Pannier-Runacher n’est donc pas un énième exemple d’inaction ou de renoncement en matière environnementale, mais bien un recul délétère. Le refus réitéré par le cabinet de la ministre de « s’opposer à une interdiction généralisée » du chalutage dans les aires marines protégées a déjà des conséquences néfastes perceptibles sur la scène européenne. L’absence d’ambition de la France a en effet déjà mené le Commissaire européen chargé de la Pêche et des Océans, Kostas Kadis, à se positionner en faveur d’une approche au « cas par cas » lors des Journées européennes de l’océan, début mars.
–> La France s’était déjà activement positionnée contre toute forme de protection en prenant la tête de la riposte européenne à l’interdiction du chalutage annoncée par le Royaume-Uni.
Le secteur de la pêche dans son ensemble n’aura que des bénéfices à protéger l’environnement marin. C’est du bon sens. L’urgence écologique justifie une mise en place immédiate d’aires marines protégées. Par ailleurs, le secteur chalutier est condamné à pêcher des subventions. Ce n’est pas digne des professionnels. Il a besoin d’un horizon de viabilité économique et d’un engagement de transition.
Cette annonce de la ministre ne peut constituer un horizon satisfaisant. De l’aveu même des scientifiques les plus enclins à défendre la pêche industrielle, et notamment la pêche électrique, interdite en Europe, « le chalutage de fond est, de loin, la plus grande source de destruction physique des écosystèmes marins ».
Consistant à tracter des filets sur les fonds marins et dans la colonne d’eau, les chalutiers français pulvérisent chaque année 670 000 km2 de fonds marins, jusque dans les aires marines protégées. La France détient d’ailleurs le triste record de l’aire marine « protégée » la plus chalutée d’Europe. Or le bilan du chalutage est déficitaire à tous les égards : une étude des chercheurs de l’Institut Agro et du Muséum national d’Histoire naturelle parue cette semaine révèle que les chaluts français sont responsables de la pêche de 88% des ressources surexploitées et 72% des émissions de CO₂ de la flotte de pêche française, et captent 70% des subventions publiques à la pêche, sans lesquelles les chalutiers feraient faillite, leur modèle économique étant structurellement déficitaire.
Mais il n’y a aucune fatalité à tout cela, selon les mêmes chercheurs : 85% des volumes pêchés au chalut de fond sur des navires de moins de 40 mètres sont techniquement transférables à des navires de taille de classe équivalente utilisant des arts dormants (casiers, lignes et filets).
La sortie du chalut doit être effective le plus rapidement possible dans les aires marines dites protégées. Du reste, sa sortie de flotte doit être intelligemment organisée.
Les enseignes de la grande distribution, qui se targuent de politiques d’achat « responsables » ne peuvent en effet se réfugier derrière une politique publique aveugle à l’urgence sociale, climatique et environnementale. La grande distribution a un pouvoir d’influence très important sur l’industrie de la pêche : elle vend deux tiers des poissons du marché français et européen, et opère sur un marché extrêmement concentré.
BLOOM appelle la grande distribution à la responsabilité et publie une liste rouge mondiale des chalutiers pour que les enseignes revoient leurs pratiques d’approvisionnement afin de s’aligner sur le consensus scientifique et les attentes citoyennes en cessant d’acheter du poisson ayant été pêché au chalut dans les aires marines « protégées ».
Notre analyse des données de Global Fishing Watch (GFW), qui utilise les signaux AIS pour estimer l’effort de pêche à partir du comportement des navires, nous a permis d’identifier quelques 4500 navires pour constituer cette liste rouge. L’algorithme de reconnaissance de l’effort de pêche de GFW est fiable à 95 % et fait office de référence dans la littérature scientifique pour étudier la pêche industrielle. La sélection des navires se concentre sur les arts trainants, identifiés soit par leur déclaration dans le registre européen des flottes de pêche, soit par leur classification par GFW. Les données relatives à l’effort de pêche sont croisées avec la base mondiale des AMP (WDPA). Seuls les événements de pêche d’une durée supérieure à 20 minutes et les navires ayant pêché plus de 5 heures dans des aires marines protégées (AMP) en 2024 sont retenus.
08 janvier 2025
À cinq mois jour pour jour du lancement de la Conférence des Nations Unies sur l’océan accueillie par la France, BLOOM lance le radar du chalutage dans les aires marines françaises supposément « protégées ». Cet outil rend visible la destruction massive occasionnée par le chalutage de fond sur des écosystèmes vulnérables et précieux. Cette technique de pêche destructrice pour la biodiversité, le climat et la justice sociale se déroule aujourd’hui avec la bénédiction de l’État, qui autorise le chalutage dans les aires marines dites « protégées ».
12 mars 2025
À l’issue des Journées européennes de l’océan, les principales organisations de défense des océans, BLOOM, Blue Marine Foundation, Défense des Milieux Aquatiques, National Geographic Pristine Seas, Oceana, Only One, et Seas At Risk, en collaboration avec des pêcheurs et scientifiques, demandent en urgence au commissaire Kadis d’appeler à l’interdiction des pratiques de pêche destructrices telles que le chalutage de fond dans les aires marines protégées (AMP). Ceci intervient en réaction aux commentaires du Commissaire européen Costas Kadis, qui, interrogé cette semaine sur la pertinence d’une interdiction du chalutage de fond dans les aires marines protégées (AMP), a déclaré : « Ma réponse est : cela dépend ». Notre message est clair : les pratiques de pêche telles que le chalutage de fond ont non seulement un impact négatif sur les écosystèmes marins, mais elles compromettent également la pérennité économique de la pêche durable, épuisent les stocks de poissons et compromettent la capacité des océans à atténuer le changement climatique.
12 septembre 2022
Communiqué de presse – Paris – Bruxelles, le 12 septembre 2022