24 octobre 2024
À l’heure où les États du monde entier sont rassemblés à la Conférence des Nations Unies sur la biodiversité (CDB COP16), les Açores frappent fort en annonçant la protection de 30 % de leurs eaux, créant ainsi le plus grand réseau d’aires marines protégées de l’Atlantique Nord.
Ce geste ambitieux doit alerter les nombreux pays à la traîne, à commencer par la France, qui malgré ses prétentions de « championne de l’océan », et à quelques mois du sommet des Nations Unies sur l’océan qu’elle accueillera en juin prochain, ne protège réellement que 0,1 % de ses eaux métropolitaines.
Cette décision historique a pour but de préserver 30 % des eaux autour de l’archipel des Açores, soit 287 000 km². Les Açores s’alignent en effet sur le cadre international défini par l’Union Internationale pour la Conservation de la Nature (UICN) et montre ainsi la voie à suivre aux autres États pour une protection efficace de leurs eaux.
En premier lieu, la moitié de cette zone bénéficie d’une vraie protection stricte, c’est-à-dire sans aucune activité extractive, créant ainsi un espace unique pour la préservation de précieux habitats, riches en biodiversité, tels que les coraux d’eau profonde et les monts sous-marins.
Par ailleurs, l’autre moitié bénéficie d’une haute protection, en interdisant les activités et infrastructures industrielles tout en autorisant les méthodes de pêche à faible impact, pour permettre aux pêcheurs artisans utilisant des techniques de pêche plus douces de tirer parti des bénéfices des aires marines protégées.
L’archipel des Açores s’était déjà engagé vers une meilleure protection de ses eaux en y interdisant le chalutage de fond en 2005. Cette décision vient apporter une pierre de plus à sa politique de protection marine alignée sur les recommandations scientifiques et internationales. Les Açores peuvent et doivent aller plus loin dans leur démarche ambitieuse en continuant le travail de protection, notamment vis-à-vis du tourisme de masse, et en l’élargissant aux zones où pourraient continuer des activités industrielles dévastatrices.
Cette décision fait écho à une nouvelle annoncée par les iles Samoa lors de la réunion des chefs de gouvernement du Commonwealth du 24 octobre 2024 concernant la création d’un plan d’espace marin (le Marine Spatial Plan) qui établira une protection intégrale de 30 % (full protection) des eaux, c’est-à-dire sans aucune activité extractive, y compris la pêche. Cela passera par un réseau de zones marines protégées couvrant 36 000 kilomètres carrés et intégrant les zones côtières gérées par les communautés. Les îles Samoa s’inscrivent ainsi elles aussi dans la droite ligne des critères IUCN et reprend les recommandations scientifiques du MPA Guide qui soutiennent que les mesures de protection les plus efficaces sont celles en protection “high”/haute et en “full”/intégrale. Ce gouvernement montre ainsi le chemin pour les autres Etats vers une réelle protection de l’océan.
L’annonce des Açores tombe à un moment clé, alors que les États du monde entier sont rassemblés lors de la COP16 pour engager des mesures d’application concrètes de l’accord de Kunming-Montréal, cadre qui établit comme objectif international la protection de 30 % des terres et des océans d’ici 2030. Comme le dit José Manuel Bolieiro, président du gouvernement régional des Açores, “la décision que nous avons prise à l’issue d’un processus scientifique et participatif, qui a abouti à la protection de 30 % de nos mers, est un exemple que d’autres régions doivent suivre dès à présent pour garantir la santé future de la planète”.
A rebours de ces engagements ambitieux, la France continue d’appliquer un régime de protection “à la française” complètement creux, qui ne trompe plus personne sur la scène internationale.
Un an après que la prestigieuse revue scientifique Nature ait dénoncé dans son édito l’hypocrisie de la France en matière de protection marine, dénonçant “le décalage inquiétant entre les promesses et les actions des champions autoproclamés des océans”, le gouvernement refuse toujours de s’aligner sur le cadre international de l’UICN et continue à autoriser les activités les plus destructrices dans ses AMP, à l’instar de la pêche industrielle qui opère quasiment la moitié de son temps dans les aires marines dites “protégées” de l’Hexagone.
En laissant le chalutage opérer dans les AMP, la France laisse advenir sous ses yeux un désastre pour la biodiversité mais aussi pour le climat, puisqu’en raclant les fonds marins, ces navires relâchent au niveau mondial plusieurs centaines de millions de tonnes de dioxyde de carbone tous les ans, contribuant directement à la catastrophe climatique.
L’océan est notre allié et joue un rôle essentiel dans la régulation du système climatique et le maintien de conditions de vie durables sur Terre, en absorbant jusqu’à un tiers de nos émissions de CO2 et plus de 90% de l’excès de chaleur émis par les activités humaines, et en produisant plus de la moitié de l’oxygène sur Terre. Protéger l’océan, c’est donc lutter efficacement contre le dérèglement climatique, comme le rappelle le GIEC qui montre que la protection des écosystèmes est le second levier le plus efficace que nous devons actionner face à la crise climatique.
Alors que la France accueillera dans moins d’un an, en juin 2025, le sommet des Nations Unies sur l’Océan (UNOC), le constat reste amer : l’AMP la plus chalutée d’Europe est française, la France se fait même le porte-parole des lobbies de la pêche industrielle pour qu’ils puissent chaluter dans des aires marines dites “protégées” et elle se drape derrière un concept unique et inventé de toute pièce par ses soins de “protection forte” pour échapper aux recommandations européennes et scientifiques qui appellent à la “protection stricte”, excluant toute activité extractive.
Pour être à la hauteur de son ambition, la France doit impérativement s’aligner sur les recommandations internationales et scientifiques, en interdisant dès à présent le chalutage dans ses aires marines dites “protégées” , et en plaçant 10% de ses eaux sous « protection stricte ».
Crédit image : Silvia Tavares
23 octobre 2024
Tandis que les États sont réunis en Colombie à l’occasion de la COP16 sur la biodiversité pour s’accorder sur des mesures concrètes et contraignantes permettant d’enrayer l’effondrement de la biodiversité et la catastrophe climatique, les députés qui débattent cette semaine en hémicycle du projet de loi de finances pour 2025 ont une occasion historique de mettre fin au régime fiscal qui nous rend toutes et tous complices de la destruction des écosystèmes marins et du climat.
18 octobre 2024
Tandis que l’humanité se tient au bord du gouffre, menacée par le dérèglement climatique et l’effondrement de la biodiversité, la 16ème « Conférence des Parties » (COP) à la Convention des Nations unies sur la diversité biologique (CDB) qui s’ouvre ce lundi 21 octobre à Cali en Colombie représente une opportunité historique pour protéger et restaurer les écosystèmes, reconnus comme le deuxième levier le plus efficace pour lutter contre le dérèglement climatique, et nous permettre de sortir de « l’enfer climatique » décrit par le Secrétaire général des Nations Unies António Guterres (1). Mais après avoir saboté l’ambition de la COP15 en décembre 2022, la France s’apprête à réitérer sa diplomatie antiécologique et à ignorer, une nouvelle fois, dans une posture climatosceptique dangereuse pour l’ensemble des nations, les faits comme les recommandations scientifiques.
08 octobre 2024
Alors que la mer Méditerranée est en proie à des canicules marines sans précédent et que la surpêche y fait des ravages, la France propose, dans une consultation publique qui vient de se clore, une énième mesure de protection de ses eaux qui, loin de répondre aux véritables enjeux écologiques, poursuit purement et simplement une politique du chiffre. Il est temps pour le gouvernement de prendre les mesures essentielles pour le climat, la biodiversité et l’avenir de la pêche en mer Méditerranée en engageant enfin un plan de déchalutisation de la flotte française, et en protégeant effectivement ses aires marines dites protégées, et pourtant bien chalutées.