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Quel est le problème ?

Devant la profusion d’avantages qu’offrent les aires marines protégées, les États se sont mobilisés pour en faire un levier clé dans la lutte contre l’érosion du vivant et du climat — du moins sur le papier.

Quelle réalité derrière les objectifs ambitieux des états ?

La volonté de protéger l’océan a fait un bond en avant lors de la 10ème Conférence des Parties de la Convention sur la diversité biologique (“CDB”) à Nagoya en 2010 où les États ont adopté un plan stratégique dans lequel ils se sont engagés à conserver 10% des zones côtières1Convention pour la Diversité Biologique (2010) Décision adoptée par la conférence des parties à la convention sur la diversité biologique à sa dixième réunion, bien que cet engagement soit bien en deçà des recommandations de l’UICN de 2003 de protéger 20 à 30% de tous les habitats marins à l’horizon 20122International Institute of sustainable development (2003) Summary report of the Vth IUCN World Parks Congress : benefits beyond boundaries 8-17 September 2003. Ces objectifs ont été revus à la hausse fin 2022 lorsque le cadre mondial pour la biodiversité a été adopté à la Conférence des Parties de la Convention pour la diversité biologique : les États se sont engagés à protéger 30% des mers et océans d’ici 2030 comme le recommande plus récemment l’UICN.3UICN (2016) WCC-2016-Res-050-FR Accroître l’étendue des aires marines protégées pour assurer l’efficacité de la conservation de la biodiversité

Cependant, entre promesses politiques et réalité, l’écart est béant : au niveau mondial, seulement 2,9% de l’océan sont fortement ou intégralement protégé des impacts de la pêche et autres activités extractives.4Marine Conservation Institute, Marine protection atlas, consulté le 14 février 2023 En réponse à ce délitement des objectifs de protection de l’océan, la communauté scientifique internationale a produit une classification des AMP selon leur degré de conservation et de mise en œuvre.5Grorud-Colvert et al. (2021) The MPA Guide: A framework to achieve global goals for the ocean C’est notamment ce travail qui a permis de révéler, derrière les discours, l’état désastreux des aires marines dites « protégées » en Europe et en France.

Des aires « protégées » intensément exploitées en Europe et en France

Aujourd’hui en Europe, les aires marines « protégées » (AMP) subissent le passage de redoutables engins de pêche industrielle qui raclent les fonds et détruisent les écosystèmes, comme le chalut de fond ou la senne démersale (une méthode apparentée au chalutage) :

En France, la situation n’est pas plus enviable. En 2021, près de la moitié de l’effort de pêche des navires de plus de 15 mètres avait lieu dans les aires marines protégées en métropole.

Ramené à la surface occupée par les différentes catégories d’aires marines protégées françaises, l’intensité de pêche est même plus forte en 2021 dans les sites Natura 2000 et les parcs naturels marins, symboles d’un modèle de protection « à la française », que dans les zones non protégées.

carte de France des zones pêchées et des AMP superposées

Les aires marines « protégées » promues en exemple par la France, comme le parc marin de la Mer d’Iroise, sont totalement inefficaces pour protéger le milieu marin.

 

Une protection quasi-inexistante en france

La France s’illustre par sa médiocrité en matière de protection de la biodiversité océanique. Bien que notre pays forme la deuxième puissance maritime mondiale après les États-Unis (par l’immense étendue de notre ZEE), nous sommes classés au 17ème rang en ce qui concerne notre ratio d’aires marines protégées. Alors que les États-Unis protègent 23% de leur ZEE et que le Royaume-Uni a sanctuarisé 39% de ses eaux (voir le MPA Atlas), la France en protège réellement moins de 4%. Ces aires protégées se situent majoritairement dans des zones éloignées et peu fréquentées de l’Océan austral.

En France métropolitaine, loin des annonces du Président Macron claironnant que la France protège “plus de 30%” de son territoire marin, le pourcentage de protection tombe à un niveau quasiment inexistant :  en Manche, Atlantique et Mer du Nord, seul 0,005% des eaux françaises sont totalement protégées.1Claudet et al. (2021) Critical Gaps in the Protection of the Second Largest Exclusive Economic Zone in the World

Ainsi, bien que les aires marines protégées (AMP) soient des solutions indispensables pour restaurer la biodiversité océanique, les habitats marins et le climat de la planète, force est de constater que leur mise en œuvre est un échec : aujourd’huil’immense majorité des aires marines dites “protégées” françaises ne le sont pas le moins du monde.

L’imposture des normes « à la française »

Un exemple très parlant de sabotage est celui du décret portant sur la définition de la « protection forte »1Le Premier Ministre, Décret n° 2022-527 du 12 avril 2022 pris en application de l’article L. 110-4 du code de l’environnement et définissant la notion de protection forte et les modalités de la mise en œuvre de cette protection forte, Journal officiel, n°0087, 13 avril 2022 qui remplace la « protection stricte » recommandée par la Commission européenne.2European Commission (2022) Criteria and guidance for protected areas designations – Staff Working Document Tandis qu’Emmanuel Macron annonçait en grandes pompes le 11 février 2022 à Brest que le pays comblerait son retard en matière de protection marine3Emmanuel Macron (2022) Déclaration de M. Emmanuel Macron, président de la République, sur la préservation de l’Océan mondial, à Brest le 11 février 2022le gouvernement avait déjà anéanti la définition même de protection stricte. Dans un paroxysme de cynisme politique, le ministère de la transition écologique avait déjà rédigé un projet de décret d’une grande perversité technique permettant de démolir et de supplanter la notion de « protection stricte » proposée par la Commission européenne pour créer un ovni juridique « à la française » : la « protection forte ». Pire encore, le gouvernement mais avait déjà clos la période de consultation publique sur le texte avant même les annonces du Président.4Ministère de la transition écologique, «Projet de décret pris en application de l’article L. 110-4 du code de l’environnement et définissant la notion de protection forte et les modalités de la mise en œuvre de cette protection forte», 14 janvier 2022.

La stratégie française de sabotage des standards internationaux s’est achevée à Montréal lors de la COP15 pour la biodiversité. La délégation de l’Union européenne – soutenue par la France et les Pays Bas entre autres – a refusé de défendre les recommandations de la Commission européenne pour la protection stricte de 10% des océans. La France, tenant fermement à sa définition creuse de « protection forte » et à son modèle de protection « à la française » a milité pour que l’objectif de 30% des océans protégés adopté à l’issue de la COP15 soit un objectif vide sans aucune mention de la qualité de ladite protection.

L’ambition vide du « cadre mondial pour la biodiversité » adopté à Montréal ne fait que conforter la France dans son modèle de protection. Un modèle qui, derrière une multitude de catégories d’AMP, et une complexité kafkaïenne de la réglementation de la pêche en mer et dans les espaces dits « protégés », sert pleinement les intérêts de la pêche industrielle.

En effet, au lieu de se conformer aux normes internationales de classification des aires marines protégées, le gouvernement français évite à tout prix de définir ce qu’est une aire marine protégée, et ce qui doit être interdit dans un tel espace. En lieu et place d’un cadre clair et précis concernant la protection des océans – cadre déjà établi par l’Union Internationale pour la Conservation de la Nature (UICN) – le Code de l’environnement français établit une liste non exhaustive d’outils de protection aux objectifs, champs d’application et sources de droit multiples. Il existe ainsi en France métropolitaine au moins 14 catégories distinctes de protection, quand l’UICN en recommande six1IUCN (2019) Guidelines for applying the IUCN protected area management categories to marine protected areas et la communauté scientifique quatre2Kirsten Grorud-Colvert et al. (2021) The MPA Guide: A framework to achieve global goals for the ocean.

Pire encore, aucune de ces catégories n’interdit systématiquement les activités industrielles si bien qu’aucune ne peut être considérée comme une véritable aire marine protégée selon les standards internationaux. Remodeler les classifications de protection permet ainsi au Président Macron de claironner avoir dépassé les objectifs de 30% d’AMP, et ce, sans avoir à protéger l’océan.

Le modèle d’exception « à la française » cultivé par le gouvernement et les représentants de la pêche industrielle, se caractérise également par un imbroglio de textes réglementaires, buissonnant d’exceptions, de dérogations et de régimes spécifiques en tout genre impossible à démêler et qui tient à l’écart toute appropriation du sujet par l’opinion publique. Un imbroglio dont l’effet très concret est de permettre aux entreprises de pêche industrielle de poursuivre leurs activités sans être gênées par des zones de protection.

Le gouvernement d’Emmanuel Macron organise ainsi l’impuissance du concept même d’aire marine « protégée » et orchestre les conditions de l’imposture française vis-à-vis des recommandations scientifiques internationales et des objectifs européens de protection environnementale.

Une hypocrisie aux conséquences bien réelles

Des manquements désastreux pour les écosystèmes marins, les pêcheurs, et la planète

La protection faible ou inexistante qu’offrent les AMP est tout d’abord dévastatrice pour les écosystèmes marins, qui ne trouvent pas de refuge contre la pression qu’exercent les activités humaines à fort impact comme la pêche industrielle, première cause de destruction des océans.1L’IPBES identifie la surpêche comme la principale menace qui pèse sur la biodiversité marine (IPBES (2019) Global assessment report on biodiversity and ecosystem services of the Intergovernmental Science-Policy Platform on Biodiversity and Ecosystem Services).Or l’immense majorité des captures est issue de la pêche industrielle. (Mariani et al. (2020) Let more big fish sink, fisheries prevent blue carbon sequestration- half in unprofitable areas)

De plus, face à l’érosion de la biodiversité et l’effondrement des stocks de poisson, les pêcheurs artisans voient leur source de subsistance disparaître, entrainant le délitement du tissu socio-économique côtier. Pour certains pays en voie de développement qui dépendent fortement de la pêche, cela provoque même de graves problèmes d’insécurité alimentaire.

A l’heure du réchauffement climatique, l’imposture que représente une majorité d’AMP, qui autorisent les engins de pêche comme le chalutage de fond, est d’autant plus problématique que les sédiments marins constituent le plus grand réservoir de stockage de carbone au monde. Les experts de la biodiversité réunis dans la Plateforme intergouvernementale scientifique IPBES alertent : « à l’échelle mondiale, on estime que la perturbation du carbone des sédiments marins par le chalutage libère l’équivalent de 15 à 20 % du CO2 atmosphérique absorbé chaque année par l’océan ».2IPBES (2019) Global assessment report on biodiversity and ecosystem services of the Intergovernmental Science-Policy Platform on Biodiversity and Ecosystem Services

Comment l’océan pourrait-il jouer son rôle essentiel de régulateur climatique si nous ne le protégeons pas contre les pratiques de pêche climaticides ?

Des millions d’euros engloutis

Bien qu’inefficaces, voire contre-productives, les fausses aires marines protégées sont gourmandes en ressources. En France, BLOOM a pu reconstituer qu’un minimum de 5,3 millions d’euros issus de fonds européens avaient été alloués à l’Office français de la biodiversité et ses prédécesseurs pour la mise en place d’aires qui n’existent que sur le papier. Rien que les parcs naturels marins qui en métropole couvrent 6,5% des eaux sous juridiction française, représentent un investissement annuel de 500 000 à 1 million d’euro selon les parcs.3Entretien avec un agent de l’OFB (2022).

Urgence

Cet inquiétant état des lieux reflète non seulement la grande résistance du secteur de la pêche au principe même de la protection, mais aussi son poids inacceptable dans le façonnage des mesures gouvernementales. A l’heure où les chercheurs de la biodiversité et du climat (IPBES et GIEC) alertent à l’unisson des conséquences irréversibles de l’inaction pour la planète et pour l’humanité, notre devoir est d’agir sans relâche pour obtenir des politiques publiques aptes à mettre l’humanité à l’abri de dérèglements sans précédent.

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