09 janvier 2025
Le tribunal administratif de Rennes vient de se prononcer par voie d’ordonnance – c’est à dire sans contradictoire ni audience – sur les recours engagés par BLOOM contre deux décisions écocidaires et rétrogrades du Conseil régional de Bretagne : l’adoption de la Feuille de route halieutique bretonne le 16 février 2024 et la décision du 28 juin 2024 en faveur de la création du fonds illégal “Breizh Up Pêche” qui vise expressément à contourner les règles européennes sur les aides d’État interdisant d’utiliser l’argent public pour financer la construction de nouveaux navires de pêche. BLOOM va faire appel de ces décisions inacceptables, qui conduisent à minimiser une affaire prenant la tournure d’un scandale politique.
La justice, censée être impartiale et rationnelle, est venue au niveau local, au secours de décisions iniques du politique. Alors que le Président de la région Bretagne, Loïg Chesnais-Girard vient de susciter une passe d’armes sur les réseaux sociaux avec la fondatrice de BLOOM, Claire Nouvian, en réaction à ses propos sur France Inter le 2 janvier dénonçant l’alliance néfaste entre les élus et les lobbies de la pêche industrielle, le tribunal administratif de Rennes a prêté main forte au Conseil régional en validant la possibilité de création d’un fonds illégal contraire au droit européen.
Le tribunal administratif de Rennes s’est montré d’une vélocité rare : alors que BLOOM a déposé son recours le 20 décembre, le jour du début des vacances de Noël, le tribunal s’est prononcé le 6 janvier ! Une célérité dont bénéficient les politiques au cas présent.
Et pour cause, le tribunal administratif de Rennes a choisi, pour rejeter les deux recours engagés par BLOOM contre la Feuille de route halieutique bretonne et le fonds illégal BreizhUp Pêche, de statuer par voie d’ordonnance : une modalité de jugement qui permet de rejeter manu militari, sans contradictoire ni audience, les requêtes considérées comme ne nécessitant pas d’analyse de fond.
Or, la rédaction de ces deux ordonnances fait apparaître une application particulièrement extensive de cette modalité pourtant strictement encadrée.
D’une part, le Tribunal a prétexté que BLOOM n’avait pas d’intérêt à agir contre les décisions en cause du Conseil régional. Il prétend en ce sens que ces décisions n’auraient que des “effets exclusivement locaux”, et qu’elles ne concerneraient donc pas l’objet social de BLOOM. Un tel positionnement traduit une parfaite méconnaissance des impacts destructeurs de la pêche industrielle, lesquels ne tiennent pas compte du découpage administratif français. Rappelons tout de même que la flotte bretonne représente 20,5% de la flotte française et que ces navires opèrent partout en Europe et même dans le monde.
D’autre part, alors que le choix de statuer par voie d’ordonnance implique l’absence de nécessité d’un examen au fond, les éléments invoqués par le Tribunal dans sa motivation laissent au contraire apparaître une analyse des impacts tant de la feuille de route que du fonds Breizh Up Pêche. “Le Tribunal a en réalité livré dans ces deux ordonnances une appréciation des impacts de la feuille de route et du Fonds BreizhUp Pêche, dépassant donc largement le constat d’une irrecevabilité “manifeste” comme le prévoit pourtant le code de justice administrative en la matière. C’est un problème de procédure grave » relève Aymeric Thillaye du Boullay, responsable juridique chez BLOOM. « Nous ferons appel de ces décisions, désormais pour deux raisons : d’une part pour protéger l’océan, le climat et les pêcheurs artisans, et d’autre part pour empêcher un tel dysfonctionnement de la justice » poursuit-il.
Valérie Le Brenne, responsable de la campagne sur les subventions chez BLOOM, ajoute : « En tant que Bretonne, en tant que spécialiste des subventions publiques, en tant que citoyenne, je suis scandalisée par les décisions du tribunal administratif de Rennes et heurtée de penser que celles et ceux qui cherchent à défendre l’avenir de leur région ne peuvent s’appuyer sur l’analyse impartiale de la justice administrative pour mettre un frein à la course des industriels vers la destruction du milieu marin et des équilibres socio-économiques des pêcheurs artisans. Les pêcheurs industriels sont invariablement les bénéficiaires des décisions publiques. Mais ce soutien est court-termiste : augmenter la capacité de pêche génère la ruine des écosystèmes et du secteur. C’est une fuite en avant qui met l’économie en tension et force ensuite le politique à réparer les dégâts avec des rustines et des montages scabreux, voire franchement illégaux, comme l’illustre le scandale Ker-Oman”1Initié en 2019, ce projet porté par la SEM Keroman (qui gère le port de Lorient) vise à concevoir et gérer le port de Duqm à Oman en vue d’importer ensuite le poisson à Lorient. Ce projet, qui a bénéficié de 725 000 euros d’avances remboursables accordées par Lorient Agglomération (actionnaire majoritaire de la SEM) et de la région Bretagne, a fait l’objet d’un signalement au Parquet national financier. En avril 2024, le PNF a ouvert une enquête préliminaire pour prise illégale d’intérêts, détournement de fonds publics, recel ainsi que blanchiment de ces infractions et mené des perquisitions au siège de la SEM Keroman le 26 novembre 2024..
“La justice devrait être l’arbitre qui contient et, idéalement, empêche les dégâts générés par l’alliance entre les élus et les industriels, certainement pas sa protectrice. C’est une immense déception démocratique », ajoute Valérie Le Brenne.
Suite à sa divulgation par le média d’investigation breton Splann !, BLOOM a découvert la Feuille de route halieutique qui a été élaborée par la région Bretagne sans aucune consultation publique digne de ce nom. En lisant ce document de 112 pages, nous avons été stupéfaits de constater que la pêche artisanale n’y était pas mentionnée une seule fois !
Par “pêche artisanale”, nous entendons la pêche pratiquée par des navires de moins de 12 mètres sans engin traînant telle que définie par l’Union européenne, et non la pêche artisanale « à la française » qui désigne tout navire de moins de 25m avec armateur embarqué. Interrogé par la presse sur ce silence assourdissant, le vice-président à la mer Daniel Cueff s’était à l’époque tant bien que mal défendu en invoquant un simple « oubli ». En revanche, la Feuille de route halieutique offre un boulevard à la pêche industrielle en soutenant notamment le renouvellement de la flotte bretonne grâce à la construction de navires semi-hauturiers et hauturiers d’ici 2027.
Malgré notre mobilisation et celle des citoyens avant le vote, le Conseil régional de Bretagne a adopté la Feuille de route halieutique le 16 février 2024. BLOOM a donc engagé un premier recours en demandant au Conseil régional de Bretagne d’annuler cette décision. En l’absence de réponse, BLOOM a donc attaqué la décision du Conseil régional de Bretagne auprès du tribunal administratif le 12 août 2024.
La région Bretagne n’a pas tardé à mettre en œuvre ce programme en soumettant au Conseil régional le principe de la création d’un fonds privé appelé « Breizh Up Pêche » avec la participation financière de la région qui en est l’actionnaire unique. Doté d’une enveloppe de trois millions d’euros, ce projet vise à financer le renouvellement de la flotte de pêche bretonne, alors que ces aides sont pourtant interdites par l’Union européenne depuis 2002.
À la suite de ce vote désastreux, l’association BLOOM a de nouveau demandé à la région de retirer cette décision et effectué, en parallèle, un signalement auprès de la Commission européenne au titre de sa mission de contrôle des aides d’État. Face au refus induit par l’absence de réponse de la région Bretagne à notre demande, BLOOM a de nouveau saisi le tribunal administratif de Rennes le 20 décembre 2024 pour obtenir l’annulation de cette décision qui va à l’encontre des priorités actuelles en matière de subventions publiques à la pêche.
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Non seulement BLOOM fera appel de ces deux ordonnances mais, prenant à nouveau la mesure du dysfonctionnement grave du Conseil régional de Bretagne, s’engage désormais à resserrer sa veille sur les tractations de la région Bretagne favorisant les pratiques industrielles climaticides et allant contre l’intérêt des citoyens et des pêcheurs artisans.
08 janvier 2025
Le 20 décembre 2024, BLOOM a saisi le tribunal administratif de Rennes pour faire annuler une délibération du Conseil régional de Bretagne approuvant le principe de la création du fonds « BreizhUp Pêche » qui vise notamment à construire de nouveaux navires de pêche industriels alors que ces aides sont pourtant interdites par l’Union européenne depuis 2002 ! En contradiction totale avec le droit européen, ce fonds va également à l’encontre des objectifs de durabilité des pêches et des recommandations scientifiques.
07 janvier 2025
Nous avons presque cru à un miracle en lisant cette réaction du président de la région Bretagne Loïg Chesnais-Girard après le passage de notre fondatrice Claire Nouvian dans l’émission de Charles Pépin « Sous le soleil de Platon » sur France Inter le 2 janvier : “Oui, Claire Nouvian a raison, il faut contrôler la pêche industrielle.”
12 août 2024
Aujourd’hui, BLOOM saisit le Tribunal administratif de Rennes pour faire annuler la feuille de route halieutique adoptée par le Conseil régional de Bretagne le 16 février 2024 qui vise à soutenir la pêche industrielle, notamment la construction de navires semi-hauturiers et hauturiers. En effet, ce plan d’action qui définit les mesures régionales prioritaires pour la filière pêche et aquacole est en complète contradiction avec l’urgence de protection de l’océan, du climat et de la pêche artisanale.