15 juin 2023
La “Loi pour la restauration de la nature” est à l’image de la politique d’Emmanuel Macron pour l’écologie : en pause.
Ce texte essentiel pour l’avenir de nos écosystèmes et du climat était voté ce matin à 8h30 en Commission de l’Environnement du Parlement européen : ni rejeté ni adopté, le vote a été suspendu à 12h00, après trois heures sous tension où les votes à 44 voix contre 44 voix se sont succédé. Une situation qui préfigure la bataille féroce qu’il faudra livrer pour remporter le vote final en Commission Environnement, prévu le 27 juin, avant un vote en Plénière pour le moment prévu début juillet.
Le vote des eurodéputés, qui s’est déroulé dans une tension électrique et dont le résultat détaillé sera analysé par BLOOM d’ici peu, donne une image fidèle de l’état des forces politiques au Parlement. Comme prévu, c’est sur la droite libérale (le groupe RENEW formé par Emmanuel Macron en 2019) que reposait le rejet ou l’adoption de ce texte majeur.
Si les députés libéraux avaient une ligne de conduite écologique claire, le texte aurait été adopté à une majorité au minimum de 46 voix1Nombre de députés par formation politique : ECR : 8, EPP : 22, Greens/EFA : 10, GUE/NGL : 6, ID : 8, NI : 4, Renew : 12, S&D : 18, étant donné qu’aucune surprise n’était à attendre de la droite conservatrice et de l’extrême-droite, qui avaient ouvertement mené une guerre d’usure contre ce règlement européen, pourtant apte à restaurer nos écosystèmes dégradés, pollués et à bout de souffle au moment où nous avons le plus besoin d’une nature en bonne santé pour résister et lutter contre le changement climatique.
La division des parlementaires du groupe RENEW, tiraillés entre l’urgence écologique et leur allégeance aux lobbies, s’est reflétée dans les votes de ce matin : de nombreux amendements ont recueilli un score de 44 voix pour et 44 voix contre, synonyme de non-adoption.
Déjà désossé par l’alliance antiécologique de droite, le vote sur ce texte sur la « restauration de la nature » doit prendre fin le 27 juin, pour savoir quelle issue lui sera réservée. Mais il devra, quoi qu’il en soit, être restauré en plénière des entailles profondes qui ont anéanti son ambition et sa portée.
La « Loi sur la restauration de la nature », pièce maîtresse du Green Deal européen, qui propose de restaurer au moins 20% des terres et des eaux européennes d’ici 2030, et l’ensemble des écosystèmes dégradés d’ici 2050 pour combattre le dérèglement climatique et l’effondrement de la biodiversité, a fait l’objet d’un dépeçage minutieux et d’attaques incessantes de la part des formations antiécologiques du Parlement européen. Malgré la mobilisation massive de la société civile et des scientifiques, la déclaration de soutien de plus de 1000 chercheurs, les courriers adressés aux institutions politiques par l’UICN et le Consortium européen des muséums d’histoire naturelle et jardins botaniques et la publication de la performance écologique des divers groupes politiques européens et des membres de la Commission Environnement, le scrutin a démarré par un vote de rejet de 44 voix contre 44 voix, ouvrant une longue session de vote, amendement par amendement.
« Le monde brûle, la banquise disparaît et l’Afrique se désertifie, mais les députés de la droite européenne (PPE, ECR, RENEW) et de l’extrême-droite (ID), englués dans des considérations électoralistes et des manœuvres politiques de court terme, restent intraitables et sourds à l’évidence, à la science et à la catastrophe climatique », constatait Swann Bommier, chargé de plaidoyer chez BLOOM.
Le no man’s land du texte, suspendu à un vote final en Commission Environnement le 27 juin, face à 44 parlementaires inconscients, signe l’acte d’irresponsabilité de la droite libérale et conservatrice, tout autant que de l’extrême droite.
Les votes sur les amendements individuels, que nous avons pu suivre depuis le Parlement à Strasbourg, seront analysés par BLOOM.
Il y a un an, la droite européenne avait fixé son opposition farouche à la “Loi sur la restauration de la nature” avant même que la Commission européenne n’ait eu le temps de sortir sa proposition législative. Le communiqué de presse du PPE (le ‘Parti Populaire Européen’, dans lequel siègent les députés Les Républicains) ouvrait les hostilités en fustigeant une législation présumée “réduire la production alimentaire européenne”. La droite s’est accrochée à cette ligne argumentaire faible, démentie par les faits objectifs et les recherches scientifiques, car il lui fallait un prétexte pour défendre des positions indéfendables. Mais chacun sait que le débat n’a rien eu à voir avec le fond.
À un an des élections européennes et de la bataille pour la présidence de la future Commission, la “Loi pour la restauration de la nature” a servi de théâtre d’affrontement politique, laissant libre cours à la revanche, au calcul et au clientélisme. Pour la droite, les enjeux existentiels des temps ne sont pas la continuité du monde et de nos sociétés, mais la conquête du pouvoir. Quitte à faire régner un climat de terreur dans ses rangs.
En amont du vote en Commission de l’Environnement, la guerre déclarée du PPE envers la “Loi sur la Restauration de la nature” a pris une autre dimension avec l’instauration d’un véritable climat de terreur au sein du groupe en ayant recours à des méthodes autoritaires et non démocratiques pour imposer une consigne de vote antiécologique inflexible : menaces d’exclusion pour tout parlementaire réfractaire, tentatives de dissidence tuées dans l’œuf, jeu de remplacement des députés frondeurs par des antiécolos radicaux, pression par les ministres en exercice dans des gouvernements de droite etc.
L’acharnement inouï de la droite traditionnelle (PPE) a donné un prétexte public à la droite libérale (le groupe de Macron, RENEW) pour se distinguer d’elle et se faire subitement passer pour des champions de la défense de la nature. Ce serait trop vite oublier que, sous couvert de défense des agriculteurs européens, c’est une alliance honteuse de RENEW, groupe pivot du Parlement européen, avec les forces antiécologiques et réactionnaires qui a torpillé le texte et conduit à son rejet pur et simple au cours des votes antérieurs en Commissions de l’Agriculture (le 23 mai) et de la Pêche (le 24 mai). Ce serait aussi avoir la mémoire courte que de ne pas souligner le rôle des députés RENEW qui l’ont sévèrement amoindri avant le vote d’aujourd’hui en Environnement.
Le député macroniste Pascal Canfin s’est autorisé à condamner ouvertement dans un post sur LinkedIn les “fake news” de la droite et à exprimer sa “consternation de voir la droite européenne dériver de plus en plus vers le populisme d’extrême droite, au détriment de la nature, de l’économie et des agriculteurs”.
Cette déclaration opportuniste ne résiste pas à l’examen de la responsabilité de RENEW dans l’entreprise de destruction de la “Loi sur la restauration de la nature” : durant des mois, alors que la gauche écologiste (Greens, S&D, The Left) cherchait coûte que coûte à rallier le groupe de la droite libérale RENEW à sa cause, celui-ci ne s’est jamais désolidarisé publiquement de la droite et de l’extrême droite, profitant à plein de la menace d’un rejet du texte pour obtenir de nouvelles concessions, notamment le rejet du principe de “non-détérioration” des écosystèmes, ou la mention de la “protection stricte” des aires protégées et restaurées.
Pascal Canfin a bien fait de rappeler que “chaque vote comptera durant les votes en Commission Environnement et en Plénière” car c’est en effet l’inconstance de son propre groupe parlementaire RENEW (rebaptisé “Les Flip Flops de l’écologie” par BLOOM), qui explique le psychodrame qui se noue autour de l’incertitude de l’adoption de cette loi, rappelons-le, essentielle pour sauver les écosystèmes naturels et le climat.
→ Voir notre classement de la performance écologique des groupes politiques européens et des membres de la Commission Environnement.
En janvier 2023, les députés Marie Toussaint, Yannick Jadot, Jutta Paulus et Grace O’Sullivan (Greens), Delara Burkhardt (S&D), Marina Mesure, Younous Omarjee, Anja Hazekamp, Clare Daly et Mick Wallace (The Left) et Sirpa Pietikäinen1Dans notre évaluation de la performance écologique et le classement des députés de la commission ENVI du Parlement européen, la députée finlandaise Sirpa Pietikäinen est la seule élue du PPE à obtenir une bonne note avec 16,5/20. Voir notre classement ici: https://europeennes.bloomassociation.org/ (PPE) déposaient une série d’amendements clés pour la protection et la restauration des écosystèmes marins. En réponse aux recommandations scientifiques, ces amendements permettaient d’engager une politique publique de protection immédiate de l’océan, à la hauteur des enjeux écologiques et au bénéfice de la pêche artisanale et côtière :
Cependant, ces amendements et bien d’autres, ont été démantelés au cours des négociations :
Le saccage de l’ambition dont est responsable l’axe antiécologique de droite permettrait la poursuite de l’imposture française sur les aires marines dites “protégées” et dans lesquelles la pêche industrielle opère aujourd’hui près de la moitié de son temps.
À l’issue d’une matinée ponctuée par les votes lamentables de la Commission Environnement face aux enjeux de la “Loi sur la restauration de la nature”, le constat est amer : le ralliement des parlementaires du groupe RENEW fondé par Emmanuel Macron laisse ce texte vital en suspens jusqu’au 27 juin, sans avoir pu éviter un désossement de grande ampleur.
Tout reste à faire en vue du vote en plénière, prévu début juillet, pour réhausser l’ambition de ce règlement destiné à protéger et restaurer les écosystèmes européens.
15 juin 2023
Le destin de la « Loi sur la restauration de la nature » est en pause en raison d’une suspension du vote de la Commission de l’Environnement du Parlement européen. Le vote reprendra le 27 juin. Avant le résultat final, le moment est venu de regarder de plus près le rôle néfaste joué par le groupe parlementaire RENEW formé par Emmanuel Macron en 2019 au Parlement européen quant à l’adoption de ce texte.
15 juin 2023
Il ne fait pas bon être député de droite ces jours-ci à Bruxelles.
Ignorant la multiplication d’évènements climatiques extrêmes et faisant fi de rapports scientifiques toujours plus alarmants, le groupe de la droite conservatrice PPE (où siègent les députés « Les Républicains ») a tenu une ligne dure contre la proposition de « Loi sur la restauration de la nature », au point de créer un climat de terreur à l’encontre de ses députés qui oseraient défier les consignes de vote inflexibles données par la présidence.
Ce qui se joue en trame de fond derrière cet acharnement inouï contre un texte essentiel pour la nature et le climat, c’est une grande manœuvre politicienne en vue des élections européennes dans un an. La stratégie de la droite consiste, d’une part, à mener une offensive en règle de conquête de la future Commission européenne en infligeant un échec cuisant avec ce texte au vice-président de la Commission européenne, le socialiste Frans Timmermans, et d’autre part, à soigner le clientélisme électoraliste auprès des agriculteurs conventionnels européens en défendant les règles du « vieux monde » (monocultures intensives, subventions, pesticides, présentation de la nature comme un ennemi à maîtriser etc.)
13 juin 2023
Jeudi 15 juin, les députés de la Commission Environnement du Parlement européen voteront une proposition historique de règlement, pilier du Green Deal européen pour restaurer et protéger les écosystèmes européens : la Loi sur la restauration de la nature.