13 juin 2023
Jeudi 15 juin, les députés de la Commission Environnement du Parlement européen voteront une proposition historique de règlement, pilier du Green Deal européen pour restaurer et protéger les écosystèmes européens : la Loi sur la restauration de la nature.
Alors que les effets tragiques du dérèglement climatique affectent désormais notre planète à une vitesse accélérée, alors que le Canada brûle et que New York suffoque, que les scientifiques constatent qu’il est déjà trop tard pour sauver la banquise arctique estivale et que le réchauffement s’accroît à un rythme sans précédent de plus de 0,2°C par décennie, la Loi sur la restauration de la nature, vitale pour la protection de l’environnement, la restauration des services écosystémiques et l’adaptation au changement climatique, est menacée dans son existence même par une alliance antiécologique de l’extrême-droite, de la droite conservatrice et eurosceptique et de la droite libérale.
Après avoir révélé le 6 juin la performance écologique globale des groupes politiques européens, BLOOM publie aujourd’hui la performance écologique individuelle des membres de la Commission Environnement du Parlement européen.
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En amont du vote du 15 juin, notre évaluation permet d’identifier celles et ceux qui peuvent faire basculer le scrutin en faveur de la protection des écosystèmes européens. Le résultat est clair : tous les espoirs se portent sur le groupe RENEW formé par le Président Macron au Parlement européen en 2019. Or jusqu’à présent, RENEW a fait partie de l’opération de sabotage de la loi menée par le front de droite et d’extrême droite.
Retour sur les événements et décryptage des enjeux à venir.
Depuis des mois, les parlementaires européens des groupes de l’extrême-droite (ID) et de la droite conservatrice et eurosceptique (PPE et ECR), avec l’appui de la droite libérale (RENEW), où siègent les parlementaires du parti présidentiel Renaissance, se livrent à un sabotage en bonne et due forme de la Loi sur la restauration de la nature.
Lors des votes des Commissions de l’Agriculture (le 23 mai) et de la Pêche (le 24 mai) du Parlement européen, cette alliance antiécologique est parvenue à tuer dans l’œuf les débats parlementaires en rejetant toute la législation en bloc.
Jeudi 15 juin, c’est au tour de la Commission Environnement du Parlement européen d’examiner ce dossier avant le vote en session plénière du Parlement au mois de juillet. Or le 31 mai dernier, lors de l’ultime round de négociations sur les « amendements de compromis » destinés à être soumis au vote jeudi 15 juin, le groupe RENEW a négocié son ralliement à l’adoption du texte à la seule condition d’en saboter les dernières mesures aptes à sauver le climat, la biodiversité et l’humanité. C’est ainsi que, déjà amoindri par le chantage constant de la droite, de l’extrême-droite et des libéraux, le texte a perdu la notion centrale de non-détérioration des écosystèmes ainsi que la mention indispensable de « protection stricte ». Le diable est dans les détails et la droite antiécologique ne s’y trompe pas.
Notre évaluation révèle que la Commission de l’Environnement, composée de 171 parlementaires (88 membres, 83 suppléants) n’est guère plus « écolo » que le reste du Parlement. On y retrouve les mêmes dynamiques de vote par couleur politique avec un écart franc entre trois groupes très polarisés : la gauche écologique (Les « Champions de la Terre »), forte de 66 parlementaires, fait face à la droite conservatrice et eurosceptique (les « Destructeurs de la Planète ») et ses 73 membres. Les libéraux (les « Flips flops de l’Écologie »), au nombre de 24, sont de nouveau ceux qui peuvent casser ou faire passer les votes, tout comme huit députés « non-inscrits ».
Au sein du PPE quelques parlementaires font exception, à l’image de la Finlandaise Sirpa Pietikäinen, suppléante en Commission Environnement, qui se prévaut d’une note de 16/20. Ce mercredi 13 juin le député Tchèque Stanislav Polčák, noté à 10/20, annonçait son intention d’adopter la Loi sur la restauration de la nature malgré les menaces explicites du groupe PPE contre ses députés qui oseraient s’aventurer du côté de la défense du climat et de la nature. Si ces rares annonces se multiplient dans les prochaines 48 heures, nous pourrions espérer un retournement inespéré de la droite après des négociations rythmées par les grandes annonces et claquements de porte de la délégation du PPE.
Le groupe RENEW a fait du Green Deal européen et de la protection de la nature deux engagements phares de la mandature 2019-2024, plaidant « en faveur d’un Pacte Vert pour l’Europe ambitieux et d’une législation climatique européenne efficace » et appelant l’UE à « renforcer la protection de la nature en s’appuyant sur une ambitieuse stratégie en faveur de la biodiversité à l’horizon 2030 visant à mettre un terme à cette tendance en Europe et dans le monde ». Mais, avec des notes allant de 4/20 à 19/20, et une moyenne à 12/20, le bloc libéral apparaît divisé, incohérent et sans conviction en matière d’écologie, y compris au sein de la Commission de l’Environnement, alors qu’on aurait pu attendre des députés y siégeant une plus grande ferveur écologique.
Les parlementaires français de RENEW au sein de la Commission de l’Environnement ont des notes supérieures à la moyenne de leur groupe (Pascal Canfin – président de la Commission, 14/20, Catherine Chabaud 15/20, Max Orville 15/20 et Véronique Trillet-Lenoir 13/20), mais ne réussissent pas à neutraliser les parlementaires farouchement antiécologiques de leur formation (tels qu’Asger Christensen 5/20, Andreas Glück 4/20, Jan Huitema 7/20, Ondrej Knotek 4/20 et Susana Solis Pérez 7/20). Cette poignée de députés est précisément celle qui a mis une énorme pression sur le rapporteur de la Loi sur la restauration de la nature, le socialiste espagnol César Luena, pour achever la portée déterminante pour la nature et le climat.
En l’absence de ligne écologique affirmée, le groupe RENEW est la cible privilégiée des lobbies qui cherchent à amoindrir l’ambition des textes à portée environnementale. Le prosélytisme antiécologique d’une large partie du groupe RENEW (44 députés, soit près de la moitié des parlementaires du groupe RENEW, ont moins de 10/20) [1] leur assure une oreille attentive et des relais efficaces pour torpiller de l’intérieur les normes environnementales européennes.
Le groupe européen, fondé par Emmanuel Macron à l’issue des dernières élections européennes, est dirigé par un Français proche du Président, Stéphane Séjourné. C’est ultimement sur lui et sur l’eurodéputé Pascal Canfin, qui préside la Commission Environnement, que repose la double responsabilité non seulement d’adopter la Loi sur la restauration de la nature mais également de réintégrer les amendements ambitieux qui ont été perdus au cours de l’entreprise de sabotage opérée ces derniers mois afin qu’ils assurent au texte une efficacité immédiate pour le climat et la nature.
Le vote en Commission de l’Environnement du 15 juin et le vote en plénière prévu la semaine du 10 juillet seront des épreuves du feu pour le parti présidentiel : ils permettront de juger concrètement du pouvoir d’influence de Renaissance ainsi que de la capacité des macronistes à tenir un groupe européen, car l’enjeu n’est pas d’assurer une discipline de vote au sein de la seule délégation française, mais bien de l’ensemble du groupe RENEW. Une tâche à laquelle Pascal Canfin semble enfin s’atteler timidement, après des mois de négociations aux conséquences catastrophiques : ce dernier fustige sur Twitter la « faiblesse politique » de la droite qui tient son groupe par la peur, le vote de jeudi 15 juin permettra de juger si son groupe respecte son « Soft Power ».
Pour redonner une cohérence politique à leur groupe, les 24 parlementaires de RENEW doivent donc tout mettre en œuvre pour s’assurer de l’adoption d’une « Loi sur la restauration de la nature » prenant en compte les urgences non négociables de l’environnement et du climat.
Le suspense se résume donc à cette question : le front antiécologique des Libéraux va-t-il adopter ou rejeter le texte ?
Réponse le 15 juin en fin de matinée.
[1] Données tirées de notre évaluation générale de l’ensemble des 705 députés du Parlement européen.
02 juin 2023
C’est une opportunité historique. Pour la première fois, l’Union européenne propose de fixer aux États des objectifs contraignants de restauration des écosystèmes dégradés de façon à « ramener la nature dans nos vies », mettant ainsi en œuvre la « Stratégie de l’Union européenne (UE) pour la biodiversité à l’horizon 2030 » que les députés ont votée en juin 2021. Après l’adoption d’une loi climat pour atteindre la neutralité carbone d’ici 2050, le Parlement européen et le Conseil doivent désormais se prononcer sur une pièce maîtresse du Green Deal européen, la « Loi sur la restauration de la nature », qui propose de restaurer un minimum de 20% des terres et des eaux européennes d’ici 2030, et l’intégralité des écosystèmes dégradés d’ici 2050.