L’équipe de BLOOM a sélectionné des textes essentiels relatifs au climat, à l’océan et à la biodiversité qui ont été adoptés durant la 9e législature du Parlement européen (2019-2024). Que ce soient des lois ou des rapports, ces textes témoignent de visions distinctes de la protection de l’environnement à court et moyen termes et reflètent donc, avec une grande netteté, les positions sur l’écologie et les choix de politiques publiques. Il ne s’agit donc ni d’une liste exhaustive, ni d’un échantillon représentatif (c’est-à-dire aléatoire) de tous les textes adoptés autour de ces thématiques, mais plutôt des textes qui nous semblent les plus importants en termes d’impact (positif ou négatif) sur la nature.
Plusieurs amendements ont ensuite été sélectionnés dans chaque texte selon deux critères cumulatifs :
Ces deux critères nous ont permis de nous assurer que les amendements choisis étaient décisifs, puisque seuls les amendements d’une certaine importance sont votés par « roll call », c’est-à-dire qu’un groupe de députés demande la publication des détails du vote. Le deuxième critère nous a également permis de nous assurer que les députés ne pouvaient pas ignorer, à travers les recommandations transmises par les ONG, quel vote aurait un effet protecteur ou au contraire préjudiciable sur la nature.
Au total, 20 amendements relatifs à 11 textes ont été sélectionnés et analysés pour classer les députés. En revanche, les votes finaux sur les textes n’ont pas été retenus car seuls les votes sur les amendements ayant pour objectif de renforcer l’ambition écologique d’un texte permettent de rendre compte de la ligne suivie par un groupe politique. Signalons également que ces choix ont précédé l’évaluation des groupes à proprement parler, si bien qu’il n’était pas possible d’anticiper les résultats qui allaient être obtenus.
Pour chaque amendement, des points ont ensuite été attribués ou retirés en fonction du vote des députés, comme suit :
Les différents types de vote | Nombre de points |
Vote qui protège la nature | +1 |
Vote qui détruit la nature | -1 |
Abstention | 0 |
La somme de ces points a ensuite été calculée et calibrée pour être comprise entre 0 et 20. Dans le calcul, nous avons veillé à prendre en compte les dates de début et de fin de mandat car certains députés sont arrivés en cours de législature pour remplacer des députés qui avaient commencé un mandat dans leur pays ou qui avaient quitté le parlement en raison du Brexit. Pour ces députés, seuls les textes votés pendant leur mandat ont été pris en compte pour le calcul de la note.
Notre analyse intègre un nombre total de 736 députés européens après le retrait des députés britanniques. Ce nombre élevé d’élus par rapport au nombre actuel de 705 députés européens est lié au fait qu’un certain nombre d’entre eux quittent leur poste en cours de législature et sont ensuite remplacés. Nous avons choisi d’intégrer l’ensemble des députés dans nos calculs – y compris ceux qui sont partis et ceux qui sont arrivés au cours de la législature 2019-2024- à condition qu’ils aient voté sur au moins un des textes que nous avons sélectionnés pour l’analyse.
Les notes moyennes de chaque groupe politique du Parlement européen ont ensuite été calculées. Les députés qui ont changé de groupe politique en cours de législature n’ont pas été intégrés à l’analyse.
Un dégradé de couleur a ensuite été attribué à chaque groupe politique :
Résolution sur « une dynamique pour les océans: renforcer la gouvernance des océans et la biodiversité » (Thème : Océan)
En février 2022, alors que la France présidait le Conseil européen, le président de la République Emmanuel Macron a organisé le « One Ocean Summit » à Brest. Dans le prolongement de ce sommet, cette résolution vise à définir la feuille de route du Parlement européen en matière de gouvernance des océans et de protection de la biodiversité. Entre autres, la résolution souligne que le Parlement européen « demande à l’UE de jouer un rôle de chef de file dans la protection des océans », « soutient un moratoire international sur l’exploitation minière des grands fonds marins » et « exprime sa déception quant au fait que le traité de la haute mer n’a finalement pas été adopté lors de la cinquième conférence intergouvernementale ».
Rapport : Révision du règlement de contrôle de la pêche (Thème : Océan)
Le système de contrôle de la pêche de l’UE est la pierre angulaire de la politique commune de pêche de l’UE. Il établit les règles de surveillance et de contrôle des activités de pêche dans les eaux de l’UE. Sans une surveillance étroite des navires de pêche, une déclaration systématique des captures et des sanctions efficaces, les stratégies de gestion durable des stocks de poissons risquent de ne pas être respectées. Le 10 mars 2021, le Parlement européen a approuvé la révision de cette législation. Plus de 300 amendements ont été déposés, principalement par la commission PECH, la plupart d’entre eux reflétant l’influence des lobbies de la pêche industrielle sur certains députés européens.
Résolution : Vers une économie bleue durable au sein de l’Union : le rôle des secteurs de la pêche et de l’aquaculture (Thème : Océan)
En 2021, la Commission européenne a publié sa vision d’une « économie bleue durable » en Europe. Quelques mois plus tard, le Parlement européen a rédigé une résolution soulignant la nécessité d’assurer la durabilité des secteurs européens de la pêche et de l’aquaculture. Trois amendements sur les engins de pêche destructeurs et les zones marines protégées ont fait l’objet de débats intenses.
Résolution d’opposition à l’acte délégué sur la taxonomie de l’UE (Thème : Climat)
La taxonomie de l’UE vise à promouvoir les activités économiques considérées comme durables en facilitant l’octroi de subventions par les États membres de l’UE ou de prêts par la Banque européenne d’investissement. L’industrie gazière et nucléaire a exercé un lobbying intense auprès des institutions européennes pour obtenir l’inclusion dans la taxonomie de l’UE. Les députés qui ont refusé cette inclusion ont déposé une résolution pour s’opposer à l’acte délégué de la Commission.
Rapport sur la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil établissant le Fonds pour une transition juste (Thème : Climat)
Doté d’un budget de 17,5 milliards d’euros, le Fonds de transition juste vise à soutenir les régions les plus dépendantes des combustibles fossiles, principalement du charbon, dans leur transition. Un amendement controversé suggère que le Fonds de transition pourrait soutenir des investissements dans des « activités liées au gaz naturel », prolongeant ainsi la dépendance de l’Europe aux combustibles fossiles.
La nouvelle politique agricole commune (Thème : Biodiversité)
Le Parlement européen a voté la réforme de la politique agricole commune (PAC) en juin 2022. Face à la crise du climat et de la biodiversité, un débat public s’est engagé pour savoir si cette nouvelle PAC fixait les contraintes environnementales nécessaires à la protection de l’environnement, et si elle favorisait une transition adéquate de l’agriculture industrielle vers des pratiques plus respectueuses de la société et de l’environnement. Une coalition de 43 ONG a plaidé « pour une nouvelle PAC » et a demandé « la suppression du système actuel de la PAC, qui accorde un tiers de ses subventions au 1 % d’exploitations ayant les plus grandes superficies, au premier rang desquelles les exploitations industrielles (…). Nous devons aider les agriculteurs à produire des aliments sains et respectueux de l’environnement ». Nous avons identifié deux amendements clés. Pour les députés qui s’y sont opposés, cette nouvelle PAC n’impose pas assez de contraintes en matière de protection de l’environnement, et favorise une fois de plus les plus grandes surfaces agricoles, et non celles qui sont les plus respectueuses de la planète.
Résolution : Violations des droits de l’homme en Ouganda et en Tanzanie liées à des investissements dans des projets d’énergie fossile (Thème : Climat)
Le 15 septembre 2022, le Parlement européen a adopté une résolution d’urgence demandant à TotalEnergies de rendre compte des violations des droits de l’homme et des atteintes à l’environnement commises en Ouganda et en Tanzanie dans le cadre du projet EACOP, qui comprend le forage de plus de 400 puits et la construction d’un oléoduc de 1 443 km de long. Dans ce contexte, un amendement visait à réitérer le soutien du Parlement européen à une législation européenne et à un traité international sur les entreprises et les droits de l’homme.
Motion de rejet de la liste de projet d’intérêt commun (Thème : Climat)
Selon la Commission européenne, « les projets d’intérêt commun (PIC) sont des projets d’infrastructure transfrontaliers essentiels qui relient les systèmes énergétiques des pays de l’UE. Ils sont destinés à aider l’UE à atteindre ses objectifs en matière de politique énergétique et de climat : une énergie abordable, sûre et durable pour tous les citoyens (…) ». En 2020, le Parlement européen a voté sur une liste de « projets d’intérêt commun ». Un amendement visait à rejeter la proposition de la Commission à la lumière de l’urgence climatique, car elle incluait le financement de nouvelles infrastructures de gaz fossile.
Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil établissant le cadre requis pour parvenir à la neutralité climatique et modifiant le règlement (UE) 2018/1999 (loi européenne sur le climat) (Thème : Climat)
La loi européenne sur le climat visait à inscrire le Green Deal européen dans la législation afin d’atteindre la neutralité climatique d’ici 2050. Afin de fixer des objectifs intermédiaires, la Commission européenne visait une réduction de 55 % des émissions de gaz à effet de serre d’ici 2030. Un amendement a demandé un objectif plus ambitieux de 60 % de réduction des émissions de gaz à effet de serre.
Résolution sur la 15ème réunion de la Conférence des Parties (COP15) à la Convention sur la diversité biologique (Thème : Biodiversité)
En amont de la COP15 sur la biodiversité, les membres du Parlement européen ont adopté une résolution appelant l’UE à montrer la voie dans les négociations qui allaient avoir lieu à Montréal, afin de parvenir à un accord international capable de répondre à l’effondrement en cours de la biodiversité. Plusieurs amendements relatifs aux pesticides, aux objectifs juridiquement contraignants dans le cadre de la stratégie de l’UE en faveur de la biodiversité et à la protection juridique des biens communs mondiaux et des écosystèmes ont été essentiels pour définir le mandat de négociation de l’UE.
Résolution sur la Stratégie de l’UE en matière de biodiversité à l’horizon 2030 : Ramener la nature dans nos vies (Thème : Biodiversité)
Le 7 juin 2021, le Parlement européen a adopté la stratégie de l’UE en faveur de la biodiversité à l’horizon 2030, qui vise à « [ramener] la nature dans nos vies ». Comme le rappellent le GIEC et l’IPBES, les crises du climat et de la biodiversité sont intimement liées et nécessitent des politiques publiques audacieuses pour faire face au changement climatique et à l’effondrement de la biodiversité. Plusieurs amendements ont cherché à réduire l’ambition de la stratégie de l’UE en matière de protection marine. Face à la détérioration des écosystèmes, les députés demandent des mesures contraignantes pour les États membres. Pour mener à bien les actions en ce sens, 20 milliards d’euros par an sont nécessaires. De nombreux objectifs de protection de l’environnement ont déjà été prévus pour la période 2010-2020 (par exemple, les directives « Oiseaux » et « Natura 2000 »), mais aucun n’a été atteint à ce jour. Bien que cette stratégie ait été présentée comme une amélioration, certains députés conservateurs ont tenté de l’affaiblir par des amendements et le réexamen de certains paragraphes.