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02 juin 2023

Sabotage d’une loi européenne essentielle pour la nature

C’est une opportunité historique. Pour la première fois, l’Union européenne propose de fixer aux États des objectifs contraignants de restauration des écosystèmes dégradés de façon à « ramener la nature dans nos vies », mettant ainsi en œuvre la « Stratégie de l’Union européenne (UE) pour la biodiversité à l’horizon 2030 » que les députés ont votée en juin 2021. Après l’adoption d’une loi climat pour atteindre la neutralité carbone d’ici 2050, le Parlement européen et le Conseil doivent désormais se prononcer sur une pièce maîtresse du Green Deal européen, la « Loi sur la restauration de la nature », qui propose de restaurer un minimum de 20% des terres et des eaux européennes d’ici 2030, et l’intégralité des écosystèmes dégradés d’ici 2050.

Constatant que le volet marin de la législation était très largement insuffisant pour répondre à l’urgence climatique et à la crise sociale aiguë du secteur de la pêche européen, BLOOM a travaillé avec des parlementaires européens pour proposer une série de mesures permettant d’obtenir des gains écologiques et sociaux immédiats, notamment des amendements instaurant de vraies aires marines protégées, l’interdiction des engins de pêche destructeurs et la protection de la pêche côtière européenne (navires de moins de 25 m).

Le 15 juin prochain, les membres de la Commission de l’Environnement du Parlement se prononceront sur cette « Loi sur la restauration de la nature », avant un vote en plénière prévu début juillet. Mais, alors que l’effondrement de la biodiversité et le changement climatique n’ont jamais été aussi tangibles, que les flammes ravagent le Canada, que des vagues de chaleur sans précédent frappent l’Asie du Sud-est et l’Afrique du Nord, que l’Espagne est en voie de désertification et que la France subit une sécheresse hors normes, cette législation vitale est menacée dans son existence même par un axe antiécologique formé par une alliance de la droite, de l’extrême-droite et de la droite libérale (le groupe « RENEW », où siègent les parlementaires du parti présidentiel Renaissance). Cette union néfaste, que nous dénoncions dès le 1er mars 2023, s’est donnée comme consigne de « tuer le texte », c’est-à-dire d’empêcher que la proposition législative de la Commission soit amendée et adoptée par les parlementaires en votant en ouverture des sessions un pur et simple rejet de la loi dans son ensemble, dans son principe même.

C’est ainsi que l’axe antiécologique a procédé lors des votes précédents en Commission de l’Agriculture (le 23 mai) et de la Pêche (le 24 mai). A chaque fois, c’est le ralliement de la droite libérale qui a permis de former une majorité d’opposition [1].

Le chantage des droites européennes et de l’extrême-droite en Commission de l’Environnement

Les députés de la gauche écologique (Verts/ALE, Socialistes & Démocrates, La Gauche) font reposer leurs espoirs sur le vote de la « Loi sur la restauration de la nature » en Commission de l’Environnement le 15 juin prochain, mais redoutent toutefois que l’alliance de la droite libérale (RENEW), de la droite conservatrice et eurosceptique (PPE et ECR) et de l’extrême droite (ID) sévisse de nouveau pour torpiller la proposition de loi. Les signaux sont en effet inquiétants :

  • Le 24 mai, le Parti Populaire Européen (PPE), dans lequel siègent les députés français Les Républicains, a appelé la Commission à retirer sa proposition législative pour couper court à toute nouvelle ambition européenne en matière de protection et de restauration des écosystèmes.
  • Lors de la dernière réunion des rapporteurs, le mercredi 31 mai, le groupe PPE, prétextant une fallacieuse attaque existentielle contre la souveraineté alimentaire en Europe et en Afrique, a finalement claqué la porte des négociations de la Commission de l’Environnement, après avoir pourtant passé des mois à désosser le texte.
  • Le soir même, suivant la ligne fixée par Emmanuel Macron de « pause environnementale », le groupe RENEW a négocié son ralliement au bloc de gauche écologique au prix d’une réduction à peau de chagrin de l’ambition et de la portée du texte, pourtant déjà largement amoindri par la droite et l’extrême-droite.

En découle un accord « a minima », reflet des reculs successifs concédés en raison des menaces persistantes du groupe RENEW de rejeter le texte et de reproduire le scénario déjà éprouvé en Commissions de l’Agriculture et de la Pêche.

Ces manœuvres politiciennes témoignent de l’aveuglement irresponsable de la droite libérale, de la droite conservatrice et eurosceptique et de l’extrême-droite face à la crise écologique.

Une loi existentielle pour notre avenir prise entre les feux croisés de Manfred Weber et d’Ursula von der Leyen

Manfred Weber, député allemand président du groupe PPE au Parlement européen, et Ursula von der Leyen, issue de la même famille politique et présidente allemande de la Commission européenne, instrumentalisent la « Loi sur la restauration de la nature » pour scénariser leur opposition. Nous sommes en effet à un an quasiment jour pour jour des élections européennes et d’un enjeu plus existentiel à leurs yeux que le climat : leur avenir politique à court-terme et la désignation du Spitzenkandidat pour la présidence de la future Commission européenne.

Cette rivalité, qui n’est plus seulement une rumeur, est constatée publiquement par les responsables politiques tels que Jutta Paulus, députée allemande membre de la Commission de l’Environnement et rapporteure pour le groupe des Verts/ALE lors des négociations sur la « Loi sur la restauration de la nature », qui déplorait ce mercredi 31 mai que les manœuvres du PPE mettent en péril cette législation cruciale sur fond de guerre de clans au sein de la droite allemande et européenne.

L’avenir du texte suspendu à la droite libérale de RENEW

La dernière opportunité de cette mandature pour protéger et restaurer la nature est donc suspendue à la volonté des parlementaires du groupe RENEW et notamment de Pascal Canfin, président de la Commission de l’Environnement du Parlement et membre de RENEW. Face aux forces antiécologiques, réactionnaires et eurosceptiques de la droite et de l’extrême-droite, il serait irresponsable que le groupe RENEW renonce à cette ultime fenêtre d’action concrète pour notre avenir, le climat et le vivant.

Des amendements essentiels en Commission de l’Environnement

Au milieu du chaos parlementaire, l’océan, notre meilleur allié contre le changement climatique, qui absorbe près d’un tiers de nos émissions de CO2 et plus de 90% de nos excédents de chaleur, est le grand sacrifié. Alors que les scientifiques le martèlent, de nouveau, dans une tribune signée par quelques 160 chercheurs ce 31 mai 2023, « le mécanisme le plus efficace pour restaurer l’abondance de la vie marine réside dans la création d’aires marines hautement protégées, où la pêche et les activités destructrices sont interdites ».

Un réseau cohérent et efficace d’aires marines protégées, l’interdiction des techniques de pêche destructrices et la protection des eaux côtières, au profit des pêcheurs du littoral, constituent donc quelques-unes des mesures urgentes qu’il faudrait adopter[2].

Dans cette veine, BLOOM a travaillé avec les eurodéputés des Verts et de la Gauche Marie Toussaint, Yannick Jadot, Younous Omarjee, Marina Mesure et Anja Hazekamp, qui ont déposé des amendements permettant d’adopter des mesures immédiates en la matière. Mais, pour le moment, les groupes politiques socialistes, écologistes et de la gauche tentent simplement de sauver cette législation du naufrage au prix de concessions massives. Aucune garantie, donc, que les amendements soutenus par BLOOM, qui permettraient une mise en œuvre immédiate des recommandations scientifiques, soient mis au vote et adoptés, malgré leur nécessité vitale pour l’océan et la petite pêche artisanale.

A un an des élections européennes, les votes à venir en Commission ENVI et en plénière constitueront, au-delà des grands discours, l’héritage tangible des parlementaires européens aux citoyens concernant la protection et restauration de la nature. Aux parlementaires du groupe RENEW, qui ont le pouvoir de faire et défaire les majorités, de prendre leurs responsabilités.

Pour aller plus loin

Un article paru dans la revue scientifique Nature estimait que, si les politiques publiques actuelles étaient mises en œuvre sans plus d’ambition, d’ici la fin du siècle, 2 milliards d’êtres humains seraient confrontés à des vagues de chaleur mortelles. Voir Lenton et al (2023) Quantifying the human cost of global warming

Pour en savoir plus sur la loi, consulter le site inter-ONG Restore Nature

Références

[1] En Commission de l’Agriculture, le texte a été rejeté par 29 voix contre 16, et une abstention. Les députés RENEW ont rejeté le texte par 6 voix, avec une abstention, du député français Jérémy DECERLE. En Commission de la Pêche, le texte a été rejeté par 15 voix contre 13. Les députés RENEW ont rejeté le texte par 3 voix contre une, de la députée française Stéphanie YON-COURTIN.

[2] Le GIEC, l’IPBES et l’UICN, qui font référence au niveau international en matière d’évolution du climat, de protection de la biodiversité et de conservation de la nature, recommandent toutes, de concert, la mise en place de véritables aires marines protégées, exemptes d’exploitation industrielle, et l’interdiction des techniques de pêche destructrices, pour favoriser la pêche artisanale et côtière. Voir notamment : « Les réseaux d’aires protégées aident à préserver les services écosystémiques, dont l’absorption et le stockage de carbone, et rendent possibles de futures options d’adaptation fondées sur les écosystèmes », GIEC (2019) L’océan et la cryosphère dans le contexte du changement climatique. Résumé à l’intention des décideurs ; « Pour préserver la biodiversité́, il est important d’étendre et de gérer efficacement le réseau actuel d’aires protégées, y compris les zones terrestres, d’eau douce et marines, en particulier dans le contexte des changements climatiques (…) Ceci implique de planifier des réseaux écologiquement représentatifs d’aires protégées interconnectées afin de couvrir les zones clés pour la biodiversité́ », IPBES (2019) Rapport de l’évaluation mondiale de la biodiversité et des services écosystémiques. Résumé à l’intention des décideurs; UICN (2020) Congrès mondial de la nature. Marseille. Orientations pour identifier la pêche industrielle incompatible avec les aires protégées.

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