31 mars 2025
En amont du sommet SOS OCEAN auquel le Président Emmanuel Macron doit parler aujourd’hui en fin de matinée, le gouvernement a encore aggravé sa position au sujet des aires marines dites « protégées » et dévoilé, dans une démonstration d’une perturbante malhonnêteté, son parti pris en faveur des pratiques de pêche les plus destructrices : le chalutage. Non seulement la ministre de la transition écologique a menti publiquement samedi 29 mars à propos des surfaces où le chalutage de fond, la méthode de pêche la plus destructrice entre toutes, était interdit, mais en défendant désormais une approche antiscientifique de la protection « au cas par cas », il est désormais possible de retracer l’ensemble de la stratégie pro-lobbies et anti-protection du gouvernement, de la COP15 de Montréal sur la Biodiversité en décembre 2022 jusqu’à la Conférence des Nations Unies sur l’océan en passant par Bruxelles.
Parcours d’une diplomatie antiécologique à laquelle le Président peut mettre fin aujourd’hui par une simple formule, tenant en deux lignes : il suffit qu’il annonce et mette en œuvre une véritable protection de l’océan, conforme aux standards internationaux de protection et impliquant de ce fait une interdiction de toutes les méthodes de pêche destructrices tractées à travers l’eau ou sur le fond, chalutage pélagique et chalutage de fond, ainsi que toutes les activités et infrastructures industrielles dans 30% du territoire marin, et qu’il place un tiers des aires marines protégées (donc 10% du territoire marin) sous « protection stricte » sans aucune activité extractive.
Cela implique pour la France d’abandonner son régime des exceptions « à la française » qui consiste à soutenir une protection « au cas par cas » lorsque la communauté internationale exige une protection réelle et à promouvoir une protection « forte » lorsque la communauté internationale exige une protection « stricte » sans ambiguïté.
Pour cesser l’hypocrisie environnementale, la France doit renoncer au « cas par cas » et retirer le décret sur la « protection forte » pour s’aligner sur les définitions internationales de la protection standard d’un côté et de la protection stricte de l’autre, sans AUCUNE activité extractive (en anglais, les zones de « no take »).
Une protection véritable de l’océan serait de nature à enfin faire de la France une championne véritable. Pour un pays régnant sur le deuxième territoire maritime mondial et accueillant la 3ème Conférence des Nations Unies sur l’océan dans deux mois, adopter une position responsable de respect des recommandations scientifiques martelées depuis des années serait aussi un minimum acceptable, mais la France en est encore très loin.
Ce samedi 29 mars, au « Climat Libé Tour » organisé à l’Académie du Climat, la ministre de la transition écologique Agnès Pannier-Runacher a été sommée de s’expliquer sur la fausse protection des aires marines dites « protégées ». Elle a dévoilé une nouvelle stratégie pour faire croire aux citoyens que la France interdisait déjà le chalutage de fond dans ses eaux, ce qui est totalement faux. La ministre a affirmé et répété : « aujourd’hui 40% du domaine maritime français hexagonal a déjà le chalutage de fond interdit ». À entendre la ministre, il conviendrait d’additionner cette surface aux 30% d’aires marines protégées (dans lesquelles pourtant le chalutage n’est PAS interdit non plus)… Abasourdie par l’audace de ce mensonge revenant à dire que la France protègerait 70% de ses eaux des méthodes de pêche destructrices comme le chalutage, alors que nous protégeons moins de 0,1% de nos eaux métropolitaines, la fondatrice de BLOOM, Claire Nouvian, qui avait ouvert la journée de conférences et était encore présente lors de l’intervention de la ministre, a confronté cette dernière et ainsi réussi à comprendre le subterfuge utilisé.
Poussée dans ses retranchements, Madame Pannier-Runacher a été obligée d’admettre que les 40% qu’elle présentait comme un argument-massue de la vertu de la France, correspondaient en réalité à la zone interdite au chalutage au-delà de 800 mètres de profondeur, en vertu du Règlement européen de 2016, que BLOOM a gagné contre la détermination du gouvernement français à protéger la poignée de navires industriels qui pêchaient à ces profondeurs, et dont la majorité appartenait à Intermarché.
La règlementation « pêche profonde » concerne très peu de bateaux et n’a absolument rien à voir avec les 30% d’aires marines protégées dont il est aujourd’hui question et qui sont déjà supposées interdire le chalutage de fond et toutes les méthodes de pêche tractées comme le chalutage pélagique, sur l’ensemble de leur surface et sans aucune limite bathymétrique. Ce procédé d’une grande malhonnêteté intellectuelle était destiné à induire le public en erreur pour masquer le parti pris du gouvernement en faveur des lobbies de la pêche destructrice : le chalutage. Les mensonges proférés publiquement par la ministre abiment un peu plus, s’il en était besoin, la défiance immense qui existe chez les Français·es envers la politique et notamment le gouvernement, qui n’inspire confiance qu’à 23% des Français selon le dernier sondage du CEVIPOF[1].
Claire Nouvian a réagi en disant : « Le gouvernement soutient « quoi qu’il en coûte » les destructeurs de l’océan, quitte à adopter une attitude trumpiste face au réel et à mentir ouvertement sur l’interdiction du chalutage de fond en convoquant un texte règlementaire n’ayant aucun rapport avec le sujet central qui est de savoir si oui ou non, la France va enfin protéger ses aires marines « protégées » des ravages du chalutage pélagique et du chalutage de fond. Pour protéger non pas les citoyens et les animaux marins mais les bénéficiaires de la destruction du monde, nos responsables politiques sont prêts à franchir tous les interdits éthiques en ayant recours au mensonge et à la vérité alternative. C’est un désastre environnemental mais aussi démocratique. On sait très bien ce qu’un tel rapport à la science, au réel et à la vérité fait à terme : une courte échelle à l’extrême droite. »
–> La France, deuxième espace maritime mondial juste après les Etats-Unis, protège moins de 0,1% de ses eaux métropolitaines. Une étude a même établi précisément que les aires marines véritablement protégées interdisant les pêches destructrices ne couvraient que 0,005% de la façade Atlantique, Manche et Mer du Nord et 0,094% de la façade méditerranéenne[2].
Depuis les objectifs ambitieux adoptés par le Grenelle de la Mer en 2009/2010, l’histoire française de la « protection » de l’océan n’a été qu’une longue suite d’actes antiécologiques, aboutissant à la situation ubuesque actuelle dans laquelle la protection ne protège que les destructeurs de l’océan, les chalutiers, eux-mêmes devenus pêcheurs de subventions.
Cette semaine, BLOOM a sorti une étude inédite basée sur des travaux scientifiques démontrant formellement que la pêche au chalut de fond était structurellement déficitaire et ne survivrait pas sans subventions publiques.
Ce qui s’est dessiné puis confirmé désormais ouvertement, c’est une diplomatie poursuivant un objectif stratégique très clair : ne jamais protéger l’océan.
Ces manœuvres ne reflètent pas un énième exemple d’inaction, de retard ou de renoncement en matière environnementale de la part du gouvernement : il s’agit bel et bien d’un recul délétère. Alors que les fenêtres de tir se referment pour pouvoir stabiliser le climat et endiguer l’effondrement du vivant, le gouvernement choisit pour le moment de plier sous les menaces du lobby chalutier, minoritaire en nombre de navires mais ardemment défendu par les industriels, déterminés à ne pas remettre en cause leur modèle et les sources de leur richesse : les subventions publiques.
S’isolant de plus en plus des aspirations citoyennes pour une véritable protection (78% des Français sont favorables à une protection réelle de l’océan, IPSOS 2023[3]) et pour une pêche à faible impact, les pêcheurs pratiquant le chalutage refusent toute responsabilité dans la destruction de l’océan, affirmant ainsi une position antiscientifique assumée. Le comité régional des pêches de Bretagne a même affirmé sur sa page Facebook que le chalutage « sauvegardait les écosystèmes marins » (!).
Faisant bloc contre les ONG et notamment BLOOM qui ne renonce pas, malgré les menaces, insultes et intimidations, à dire la vérité sur la destructivité du chalutage, les chalutiers et leurs représentants ont invariablement adopté au fil des décennies une posture « dure » consistant à rejeter toute responsabilité et à bloquer tout changement par la violence physique, verbale, voire judiciaire, allant jusqu’à incendier le Parlement de Bretagne à Rennes en 1994 ou à brûler le siège de l’OFB à Brest en mars 2025.
Face à l’irresponsabilité des représentants professionnels du chalutage, BLOOM a interpellé le Président du Comité national des pêches maritimes, Olivier le Nézet dans une lettre ouverte.
Condamnés économiquement, rejetés par l’opinion publique, enjoints à la transition par les scientifiques, les chalutiers ont tout à perdre à refuser de se transformer. La protection de l’océan doit être immédiate mais la transition progressive, et les 700 millions d’euros issus de la taxe éolienne qui seront alloués au secteur de la pêche, doivent être fléchés de façon prioritaire vers la transition sociale et écologique du secteur. Les premiers bénéficiaires des AMP seront les pêcheurs. Pêcher moins dans un premier temps et laisser l’océan se régénérer leur permettra de pêcher plus à terme. C’est à un accompagnement du secteur le temps de la régénération et de la transition que devraient servir les subventions publiques.
Emmanuel Macron choisira-t-il de défendre l’intérêt général et les aspirations citoyennes ou un minuscule secteur d’activité, déficitaire et dépendant des subventions publiques, et associé à la pire performance environnementale ?
Réponse à midi aujourd’hui.
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POUR EN SAVOIR PLUS :
[1] https://www.sciencespo.fr/cevipof/fr/actualites/barometre-de-la-confiance-politique-du-cevipof-2025-le-grand-desarroi-democratique/
[2] Joachim Claudet et al., Critical gaps in the protection of the second largest exclusive economic zone in the world, Marine Policy, Volume 124, 2021, https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0308597X20310307
[3] https://bloomassociation.org/sondage-exclusif-les-trois-quarts-des-citoyens-europeens-veulent-de-vraies-aires-marines-protegees/
25 mars 2025
À quelques jours du Sommet « SOS Océan ! » organisé par Emmanuel Macron à Paris et alors que les ONG se mobilisent en force pour obtenir des aires marines réellement « protégées », BLOOM publie un rapport d’une importance majeure intitulé « S’affranchir du chalut », basé sur les résultats de plus d’un an de recherche de scientifiques de l’Institut Agro et du Muséum national d’Histoire naturelle. Ce travail montre qu’il est techniquement possible de se passer des méthodes de pêche destructrices : en France, 85% des volumes de poissons capturés par les chaluts de fond pourraient être pêchés par des techniques de pêche bien moins impactantes telles que les lignes, casiers et filets. Le rapport calcule aussi pour la première fois l’impact cumulé du passage des environ 800 chalutiers de fond français, soit 670 000 km2 détruits chaque année.
Par ailleurs, BLOOM publie une comparaison scientifique originale établissant que la déforestation des écosystèmes marins perpétrée par le chalutage de fond est 20 à 47 fois supérieure à la déforestation terrestre. L’étude estime que plus de la moitié de cette déforestation marine se déroule en Europe, sur plus de 2 millions de km2, dont près d’un quart (400 000 km2) dans ses aires marines dites « protégées ».
27 mars 2025
La tenue du sommet « SOS Océan ! », organisé à Paris par Emmanuel Macron les 30 et 31 mars, en amont de la 3ème Conférence des Nations Unies sur l’océan qui aura lieu en juin, aura au moins eu un mérite : forcer le gouvernement à clarifier la position qu’il allait défendre sur la scène française et internationale en matière de protection de l’océan… Cette clarification fut émise le 21 mars par la ministre de la transition écologique Agnès Pannier-Runacher… et ce n’est pas brillant. La ministre a annoncé qu’elle optait pour une approche de la protection « au cas par cas », expression reprise des défenseurs des pêches au chalut, considérées comme les plus destructrices de toutes les méthodes de pêche.
Cette protection « au cas par cas » inventée par les lobbies industriels et reprise par la ministre a pour effet de faire de la « dentelle » dans la protection et in fine, de ne jamais protéger le milieu et les animaux marins. Cette approche est précisément celle qui explique que notre pays, bien qu’il soit la première puissance maritime européenne et la deuxième au niveau mondial, protège moins de 0,1% de son territoire marin métropolitain, loin des 30% affichés dans les déclarations officielles.
Au sommet « SOS Océan ! », BLOOM appelle le Président de la République à faire preuve de courage politique pour annoncer la mise en place d’une véritable protection maritime et donc une interdiction immédiate des méthodes de pêche destructrices comme le chalutage de fond et le chalutage pélagique dans 30% des eaux françaises, par façade maritime, et la mise en place d’un tiers de ces zones sous protection « stricte » sans aucune activité extractive. Nous demandons également une interdiction des navires de plus de 25 mètres dans les eaux côtières (12 milles nautiques) et l’engagement d’une transition du secteur de la pêche permettant de lui redonner un horizon de viabilité économique et sociale. Face à l’inaction des pouvoirs publics, BLOOM appelle également les distributeurs à prendre leurs responsabilités pour répondre à l’urgence écologique ainsi qu’aux aspirations des citoyens en cessant d’acheter progressivement leurs poissons s’ils proviennent de chalutiers ayant pêché dans des zones protégées. BLOOM a mis à disposition des supermarchés une liste rouge mondiale des chalutiers pêchant dans les aires marines supposées être « protégées ».
16 décembre 2024
La semaine dernière, l’équipe de BLOOM a pris en flagrant délit de ravage environnemental dans une aire marine supposément « protégée » des navires gigantesques faisant jusqu’à 142 mètres de longueur. Notre enquête inédite, publiée samedi 14 décembre, révèle la concentration stupéfiante de navires-usines, majoritairement néerlandais, pillant les eaux faussement « protégées » de la zone Natura 2000 des Bancs des Flandres, située entre Dunkerque et Douvres, grâce à la complicité des autorités françaises. BLOOM a révélé dans une vidéo déjà vue plus de 890 000 de fois le massacre industriel qui se déroule à seulement quelques kilomètres de la côte, sous les yeux impuissants des pêcheurs artisans. Nous révélons également un « aspirateur à poissons » permettant aux navires géants d’aspirer les animaux vivants sans même relever les filets : une démesure industrielle écœurante pour les pêcheurs côtiers. Chaque jour, des millions d’animaux marins sont prélevés dans les zones « protégées » grâce à la volonté du gouvernement de protéger les industriels plutôt que les écosystèmes marins et le climat. Après avoir pillé les eaux devant Calais, l’armada de chalutiers géants vient de faire cap vers la Normandie et d’entamer la razzia entre Dieppe et Fécamp.