16 décembre 2024
La semaine dernière, l’équipe de BLOOM a pris en flagrant délit de ravage environnemental dans une aire marine supposément « protégée » des navires gigantesques faisant jusqu’à 142 mètres de longueur. Notre enquête inédite, publiée samedi 14 décembre, révèle la concentration stupéfiante de navires-usines, majoritairement néerlandais, pillant les eaux faussement « protégées » de la zone Natura 2000 des Bancs des Flandres, située entre Dunkerque et Douvres, grâce à la complicité des autorités françaises. BLOOM a révélé dans une vidéo déjà vue plus de 890 000 de fois le massacre industriel qui se déroule à seulement quelques kilomètres de la côte, sous les yeux impuissants des pêcheurs artisans. Nous révélons également un « aspirateur à poissons » permettant aux navires géants d’aspirer les animaux vivants sans même relever les filets : une démesure industrielle écœurante pour les pêcheurs côtiers. Chaque jour, des millions d’animaux marins sont prélevés dans les zones « protégées » grâce à la volonté du gouvernement de protéger les industriels plutôt que les écosystèmes marins et le climat. Après avoir pillé les eaux devant Calais, l’armada de chalutiers géants vient de faire cap vers la Normandie et d’entamer la razzia entre Dieppe et Fécamp.
Voici notre enquête vidéo inédite :
Depuis la mi-novembre, des navires gigantesques dévastent les eaux territoriales françaises, en particulier dans les zones faussement « protégées » de la Manche où ils passent plus de 90% de leur temps pour certains d’entre eux. Ces chalutiers géants forment une véritable armada. Le plus petit d’entre eux mesure 81 mètres, le plus grand 142. Tous pratiquent le chalutage pélagique et appartiennent, directement ou indirectement, à des multinationales néerlandaises :
Chaque hiver, l’arrivée dans la Manche des plus gros navires de pêche au monde créé la colère et la sidération des pêcheurs en raison de leur efficacité redoutable, soutenue par les pouvoirs publics au détriment du milieu marin et des pêcheurs côtiers. « Chacun de ces monstres des mers capture chaque jour l’équivalent de ce que peuvent pêcher 1000 petits navires. C’est un véritable pillage » explique Laetitia Bisiaux, chargée de campagne chez BLOOM.
Activité de pêche des neuf plus gros chalutiers pélagiques dans l’aire marine protégée des Bancs des Flandres entre le 1er et le 11 décembre 2024 (carte Global Fishing Watch)
Ces navires-usines ciblent le hareng et n’hésitent pas à s’approcher très près des côtes. Le Zeeland par exemple a été pris en pleine action de pêche dans l’aire marine protégée des Bancs des Flandres à seulement 8 milles nautiques de la côte, soit moins de 15 km : il a remonté son filet et aspiré des dizaines de tonnes de poisson par un énorme tuyau. Ce navire est un chalutier pélagique, c’est-à-dire qu’il est censé pêcher dans la colonne d’eau, mais la particularité des Bancs des Flandres est sa faible profondeur : seulement 30 mètres. Il est dès lors impossible au filet gigantesque de plusieurs centaines de mètres de long et plusieurs dizaines de mètres de haut de ne pas racler les fonds marins.
Deux maux sont inlassablement dénoncés par BLOOM et les pêcheurs côtiers dans ce scandale :
D’une part, l’absence de protection réelle des aires marines dites « protégées » en France, qui ne sont absolument pas conformes aux standards internationaux de protection de l’UICN (Union internationale pour la conservation de la nature). Ceux-ci exigent pour la protection « standard » une interdiction de toutes les activités et infrastructures industrielles, y compris tout navire de pêche de plus de 12 mètres ou pratiquant le chalutage. Quant à la protection « stricte », les standards exigent une interdiction de toute activité commerciale.
D’autre part, le soutien inconditionnel des politiques aux navires industriels et la gestion injuste et totalement opaque des quotas de pêche. L’administration française a en effet délégué l’allocation des quotas à des « organisations de producteurs », dont l’opacité sévèrement pointée du doigt par l’Autorité de la concurrence favorise un système clientéliste dénoncé par les pêcheurs et les ONG depuis de nombreuses années. Preuve en est le choix récent du ministre des pêches et maire de Lorient, Fabrice Loher, d’accorder à l’Annelies Ilena, le plus gros navire usine du monde (145m, propriété de Parlevliet & van der Plas) 37 000 tonnes de quota français, alors que navire est immatriculé en Pologne, au lieu de négocier du quota pour les pêcheurs côtiers français.
« Ce modèle industriel est synonyme de ruine sociale et écologique. Les tonnages gigantesques pêchés par ces navires ne profitent pas à nos criées et à l’économie locale. L’Annelies Ilena l’a encore prouvé en déchargeant sa cargaison de 7000 tonnes de poisson au port d’IJmuiden au Pays-Bas ce week-end avant de repartir piller les eaux européennes » explique Laetitia Bisiaux.
Rappelons que sans subventions publiques, ces énormes chalutiers seraient en faillite. Ils bénéficient de l’exonération totale de taxes sur le carburant, ce qui représente 40% du prix à la pompe. Un grand nombre de ces prédateurs mobiles bénéficie également d’un autre type de subventions : les accords de pêche établis entre l’Union européenne et de nombreux pays africains, où ces méga chalutiers vont piller les ressources halieutiques.
Dans moins de six mois, se tiendra la conférence des Nations Unies sur l’océan à Nice. BLOOM demande que les aires marines « protégées » soient enfin protégées et que la France y interdise toutes les infrastructures et activités industrielles, y compris le chalutage de fond et pélagique ; et que la bande côtière des 12 milles nautiques soit exclusivement réservée aux navires mesurant moins de 25 mètres.
18 novembre 2024
Alors que les « Assises de l’économie de la mer » se tiendront à Bordeaux les 19 et 20 novembre, en plein scandale des quotas de pêche français que le ministre de la mer et de la pêche Fabrice Loher vient d’accorder au plus grand chalutier pélagique du monde, BLOOM revient sur les mensonges et les trahisons du gouvernement et organise avec l’écosystème Darwin-Climax-Coalitions et de nombreuses ONG, les 19 et 20 novembre, un contre-événement citoyen, « Les Assises de l’Amer », pour dénoncer la destruction de l’océan à grande échelle soutenue par la France.
27 mai 2024
Victoire citoyenne : la mobilisation a eu raison du plus grand chalutier pélagique du monde. Depuis janvier dernier, BLOOM, soutenue par des centaines de milliers de citoyens et des dizaines d’associations et d’élus, n’a pas desserré l’étau sur le dossier sulfureux de l’exploitation par une société française, la Compagnie des pêches de Saint-Malo, de l’Annelies Ilena, un navire gigantesque de 145 mètres, rebaptisé « navire de l’enfer » en Mauritanie, dont il a été chassé pour ses abus multiples. Le projet de la Compagnie des pêches d’installer une usine de surimi à bord du navire reposait sur un transfert de quotas vers la Pologne, où l’Annelies Ilena est pavillonné.
23 mai 2024
Dès janvier 2024, BLOOM alertait l’opinion publique à propos du projet d’investissement de l’entreprise bretonne dans un navire-usine pour fabriquer du surimi : l’Annelies Ilena. Nous avons également mis en lumière le fondement illégal au regard du droit européen sur lequel reposait ce projet. En quelques semaines, le sujet a enflé : des dizaines d’articles sont parus dans la presse, des milliers d’interpellations directes ont été adressées par les citoyens au ministre de la transition écologique Christophe Béchu. Les associations environnementales, les pêcheurs artisans, et un arc politique large, comprenant même les socialistes bretons, se sont opposés au productivisme suranné qu’incarne un tel gigantisme industriel.