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03 décembre 2024

Audience clef au tribunal administratif de Paris contre la surpêche : la justice française face à l’ignorance de la science par le Politique

Ce mardi 3 décembre 2024, après plus de quatre ans de procédure, le tribunal administratif de Paris a eu à examiner un sujet au centre de la question de la durabilité des pêches : la nécessité de fixer des droits de pêche, les totaux admissibles de captures (TACs) et quotas, à des niveaux permettant de ne pas mettre en péril le renouvellement des populations de poissons. Alors que dans quelques jours se tiendront à Bruxelles les négociations annuelles sur ce sujet, le jugement à suivre constituera un signal fort juridiquement et politiquement.

Contexte : une fixation de TACs et quotas gangrénée par le courtermisme politique

Au titre de ses objectifs directeurs, la politique commune de la pêche (PCP) de l’UE se fixe ceux de la durabilité environnementale des activités de pêche à long terme et d’une bonne gouvernance, lesquels impliquent l’adoption de mesures « conformes aux meilleurs avis scientifiques disponibles ». A ce titre, la surexploitation des populations de poissons était censée prendre fin en 2020. Pourtant, en dépit de ces règles claires, plus de 30 % de stocks commerciaux de la zone Atlantique Nord-Est ont fait l’objet d’une pêche non durable en 2022 et restent surexploités d’après les données officielles de surveillance. En 2024, la question cruciale du bon état de la ressource continue de se poser avec une acuité préoccupante. 

Sont notamment en cause les modalités de fixation des possibilités de pêche, les fameux TACs et quotas. Tout se joue au niveau de l’UE dans le cadre de négociations opaques entre la Commission et le Conseil de l’UE (qui réunit les ministres des États membres). Celles-ci doivent en principe suivre des recommandations scientifiques pour atteindre le rendement maximal durable (RMD), référentiel de la PCP en matière de durabilité devant permettre de sauvegarder la capacité de renouvellement des espèces de poissons pêchés. 

En pratique cette procédure, qui donne le dernier mot aux États membres par la voie du Conseil, conduit à des contradictions flagrantes. La gestion durable de cette ressource commune se voit sacrifiée sur l’autel de la maximisation des bénéfices particuliers de chaque État membre. C’est pour lutter contre cette irresponsabilité politique que nous avons agi en justice.  

Un recours contre la négation des avis scientifiques et de l’objectif de durabilité des pêches

En 2020, les association BLOOM, ClientEarth et Défense des milieux marins ont attaqué un arrêté français de répartition des quotas de pêche accordés à la France sur le fondement d’un acte législatif de l’UE résultant des négociations TACs et quotas de 2020.  

Les États membres, loin de se hisser à la hauteur des enjeux en cause, avaient à cette occasion encore une fois trahi leurs engagements et adopté des limites de capture trop hautes et contraires aux avis scientifiques pour de nombreux stocks. L’analyse des données scientifiques a montré que sur les 53 possibilités de pêches fixées par l’UE à cette occasion, 27 autorisaient un dépassement du niveau recommandé par les avis scientifiques pour 2020 (soit 51 %) !  

Dans ce contexte, l’affaire portée devant le tribunal administratif de Paris vise à faire annuler l’arrêté français pris en application d’un texte européen contraire au droit de l’Union dès lors qu’il ne respecte pas les objectifs de la PCP de durabilité et de bonne gouvernance. « La PCP fait de la science une boussole que doit suivre le Politique. S’en écarter c’est accroître le risque de dommages irréversibles sur les écosystèmes marins. C’est pour prévenir ce risque que nous avons porté ce recours » souligne Aymeric Thillaye du Boullay, juriste chargé de contentieux au sein de l’ONG BLOOM.  En janvier 2024, la Cour de justice de l’Union européenne a, dans une affaire aux enjeux similaires mais moins étendus, rendu une décision décevante en octroyant une trop grande marge de manœuvre au Conseil de l’UE. Alors que cette nouvelle affaire pourrait être l’occasion d’appeler à davantage de prudence et d’ambition, le Rapport public a pourtant soutenu durant l’audience une position contraire au recours des associations !  

Faire reconnaitre la responsabilité de la France à quelques jours de nouvelles négociations européennes

Si la notion même de durabilité des pêches doit être repensée et implique de véritablement « changer de cap » pour opérer une transition sociale et écologique, cela ne peut se faire qu’en garantissant le respect des avis scientifiques, et ce dès la fixation des TACs. La France, deuxième espace maritime mondial et troisième producteur européen, a une responsabilité majeure en la matière. Or, une analyse réalisée par ClientEarth montre qu’au fil des ans, la France, l’Irlande et l’Espagne ont toujours été les pays qui ont le plus insisté pour que l’on aille au-delà des avis scientifiques lors de la fixation des quotas de pêche annuels ! Comme le relève Arthur Meeus, juriste à ClientEarth « Depuis des années, la France et d’autres pays européens continuent d’autoriser la surpêche, en violation des lois qu’ils se sont eux-mêmes fixées. Cette surpêche menace les océans, leur résilience face aux changements climatiques ainsi que l’avenir des communautés côtières. Mais il n’est pas trop tard pour agir – les ministres français et européens qui négocient les quotas de pêche pour 2025 ont le pouvoir de renverser cette tendance délétère en fixant enfin des limites durables pour les écosystèmes marins ». 

Dans quelques jours, les 9 et 10 décembre 2024, les nouvelles négociations sur les TACs à Bruxelles se clôtureront. Alors que les écosystèmes marins sont déjà largement menacés par la pollution et le réchauffement climatique, il est impératif d’enfin limiter la pression exercée sur les « stocks » à ce qui est scientifiquement acceptable. Sont en jeu les conditions mêmes d’une véritable pêche durable et, plus globalement, la possibilité de continuer à croire en la capacité de la justice à encadrer les dérives du Politique. C’est que nous attendons du juge administratif qui rendra son jugement dans quelques semaines. 

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