29 juillet 2024
Ce lundi 29 juillet, TotalEnergies vient de renoncer à deux projets gaziers au large de l’Afrique du Sud. Cela fait dix ans maintenant que la major pétrolière française a jeté son dévolu sur les ressources gazières dans les eaux profondes sud-africaines, en multipliant les campagnes d’exploration au large de Port Elizabeth et Cape Town. L’abandon de ces deux projets constitue une victoire d’ampleur pour les associations BLOOM (France) et The Green Connection (Afrique du Sud) qui mènent une campagne de mobilisation et d’interpellation contre ces projets depuis octobre 2022.
En 2014, TotalEnergies avait dû couper court à une première campagne d’exploration dans les eaux profondes d’Afrique du Sud en raison des conditions dantesques dans l’océan Austral. De retour sur zone quelques années plus tard, la major française annonçait deux découvertes d’ampleur sur les puits de Brulpadda et Luiperd en février 2019 et novembre 2020.
Depuis lors, TotalEnergies s’est positionnée comme une entreprise pionnière en Afrique du Sud, multipliant les projets en exploration et en production à un rythme effréné. Le 29 juillet 2022, TotalEnergies déposait ainsi son étude d’impact environnemental pour le forage de cinq puits d’exploration dans le bloc 5/6/7 situé au large de Cape Town. Et, le 5 septembre 2022, l’entreprise déposait une demande auprès des autorités sud-africaines pour une licence de production sur les puits de Brulpadda et Luiperd.
Le 17 octobre 2022, les associations de protection de l’environnement BLOOM (France) et The Green Connection (Afrique du Sud) organisaient une conférence de presse à Paris en présence des députés Raphaël Glucksmann, François Ruffin et Karima Delli, ainsi que de l’activiste Camille Etienne, pour alerter sur les projets gaziers de TotalEnergies en Afrique du Sud, qui étaient jusque-là passés sous les radars. Plus de 100.000 personnes signaient dans les jours suivants une pétition demandant au PDG de TotalEnergies de renoncer à ce projet climaticide dans les eaux profondes d’Afrique du Sud, jusque-là vierges de toute exploitation fossile.
Dans les mois suivants, la mobilisation se poursuivait, avec des recours en justice en Afrique du Sud, des rencontres à Paris et Bruxelles entre parlementaires, associations de protection de l’environnement, cabinets ministériels, acteurs financiers et activistes et pêcheurs artisans sud-africains, ou encore une interpellation de la Première ministre Elisabeth Borne pour dénoncer la mascarade de « consultation publique » organisée par TotalEnergies en amont du lancement de son projet.
L’annonce de TotalEnergies révèle que sa stratégie d’expansion dans les énergies fossiles n’est pas viable du point de vue économique et géopolitique.
Du point de vue économique, tout d’abord, TotalEnergies a été dans l’incapacité de s’accorder depuis plus de 18 mois avec le gouvernement sud-africain sur un prix d’achat du gaz. Le renoncement de TotalEnergies sur les blocs 11B/12B et 5/6/7 révèle que c’est bien le modèle économique de l’industrie fossile qui n’est pas adapté aux enjeux économiques et sociaux des pays émergents, une transition vers le gaz les obligeant à développer ex nihilo une infrastructure industrielle, des centrales à gaz et des compétences techniques dans un secteur d’activité voué à disparaître dans les vingt prochaines années.
Du point de vue géopolitique, ensuite, puisque face aux multiples incertitudes liées à une stratégie de sortie du charbon qui ne viserait qu’à perpétuer le statu quo fossile en plongeant tête baissée dans le gaz, l’Afrique du Sud n’avait trouvé mieux que l’industriel russe Gazprom, visé par des sanctions économiques depuis l’invasion de l’Ukraine, pour remettre en service la centrale à gaz de Mossel Bay, à l’arrêt depuis quatre ans.
L’annonce de TotalEnergies témoigne que sa stratégie d’expansion dans les énergies fossiles en Afrique du Sud est vouée à l’échec: entre mobilisation citoyenne, procédures judiciaires devant les tribunaux français et sud-africains, incapacité à trouver un modèle économique viable, et dépendance vis-à-vis d’acteurs russes visés par les sanctions internationales, cette annonce représente un coup de tonnerre pour l’industrie fossile, et marque le désaveu envers une stratégie d’investissement sourde à l’urgence climatique et à la nécessité d’engager une transition énergétique fondée sur l’efficacité énergétique, la sobriété et le développement des énergies renouvelables.
Au-delà de l’Afrique du Sud, c’est aujourd’hui l’ensemble de sa stratégie climaticide dans les énergies fossiles, contraire aux recommandations du GIEC et de l’Agence internationale de l’énergie, que TotalEnergies doit reconsidérer. Une plainte au pénal a d’ailleurs été déposée au tribunal de Paris par trois ONG et huit victimes du changement climatique pour faire reconnaître la responsabilité supérieure des multinationales des énergies fossiles dans le dérèglement climatique, et la nécessité pour ces entreprises de tourner une fois pour toutes le dos aux énergies fossiles.