Association Bloom

Contre la destruction de l'océan, du climat et des pêcheurs artisans

Une ONG 100% efficace

Vous mobiliser Faire un don

28 juillet 2025

Victoire pour l’océan : le Tribunal de l’Union européenne donne raison à BLOOM contre la Commission européenne et les lobbies du thon

Dans un arrêt du 23 juillet 2025 (1), le Tribunal de l’Union européenne a annulé la décision de la Commission européenne de rejeter la demande que BLOOM lui avait faite de retirer son objection à une mesure cruciale : celle de la protection de la biodiversité adoptée en février 2023 par la Commission thonière de l’océan Indien (CTOI) concernant l’interdiction des « dispositifs de concentration des poissons » (DCP) dérivants dans l’océan Indien. La Commission européenne va devoir revoir sa copie et reconsidérer sa position. Cet arrêt ouvre de nouveau la voie à l’interdiction de ces terribles engins, utilisés par dizaines de milliers chaque année par une poignée d’industriels français et espagnols.

Ces radeaux technologiques sont d’une radicale efficacité pour attirer les thons que nous retrouvons ensuite dans les boites Saupiquet, Petit Navire, etc. mais ils génèrent au passage un massacre sous-marin à grande échelle de requins, raies et tortues menacés d’extinction et génèrent au passage une inacceptable pollution marine dans les très fragiles écosystèmes tropicaux que sont les récifs coralliens et mangroves côtières.

Un DCP ayant dérivé dans les récifs coralliens du Parc marin de Mayotte (2).

Contexte : une avancée sabotée en 2023 par la Commission européenne

Grâce au courage et à la stratégie d’une dizaine d’États côtiers de l’océan Indien, la CTOI avait adopté en février 2023 — pour la première fois dans l’océan Indien — une résolution historique interdisant l’usage de ces terribles DCP dérivants pendant trois mois par an. Mais cette avancée environnementale sans précédent avait immédiatement été torpillée par la Commission européenne, qui représente l’Union européenne dans ces négociations internationales.

Avant même le vote de cette résolution, la Commission européenne avait mis une telle pression économique sur le Kenya — porteur du texte depuis de nombreux mois — que ce pays avait tenté de retirer sa proposition, avant qu’elle ne soit sauvée in extremis par les autres États signataires, Indonésie et Maldives en tête. Mais à peine le vote passé, la Commission européenne annonçait déjà qu’elle mettrait toute sa puissance diplomatique dans la bataille pour torpiller la nouvelle résolution, en utilisant la possibilité que les États membres de la CTOI ont de faire objection à toute résolution pour y échapper, mais aussi en ayant pour objectif ultime son annulation pure et simple si un tiers des membres faisait objection. Il faut dire que la direction générale de la Commission européenne en charge de la pêche — la DG MARE — roule éhontément pour l’industrie depuis des années, que ce soit pour les Français et les Espagnols de la pêche thonière, ou pour les Néerlandais de la pêche électrique.

Et c’est ainsi qu’en l’espace de moins de six mois, 11 pays ont fait objection à cette nouvelle résolution historique — dont le Kenya (!) mais aussi évidemment l’Union européenne et la France1La France bénéficie d’un siège à elle au sein de la CTOI, en plus de sa présence au sein de la délégation de l’Union européenne, grâce à ses « Îles Éparses », des îlots inhabités du Canal du Mozambique. ou encore la Thaïlande, pays d’origine de la multinationale Thai Union qui règne sur le marché mondial du thon et possède, entre autres, une marque bien connue : Petit Navire… — la rendant caduque avant même son entrée en vigueur.

Une tortue prise au piège d’un DCP espagnol au large de Madagascar. Sa nageoire gauche n’est plus qu’un moignon ; les écailles de sa tête ont été arrachées ; son corps est recouvert de pouces-pieds (des crustacés encroûtant).

La justice donne raison à BLOOM

Face à ce déni démocratique, BLOOM avait d’abord demandé1https://circabc.europa.eu/ui/group/3b48eff1-b955-423f-9086-0d85ad1c5879/library/386a2383-31ac-4877-a9a0-31623ef0dc06/details?download=true. à la Commission européenne de retirer son objection à la résolution numéro 23/02 de la CTOI relative à la gestion des dispositifs de concentration de poissons. La Commission européenne avait alors rejeté cette demande la considérant irrecevable en droit, sans l’analyser sur le fond. BLOOM avait alors saisi la justice européenne pour faire annuler ce rejet de la Commission, étant donné la violation manifeste des obligations juridiques de l’Union européenne : en vertu du droit européen, toute position défendue à l’international doit en effet respecter les engagements environnementaux de l’UE, ce que cette opposition à une interdiction temporaire des DCP ne pouvait manifestement pas permettre.

Le 23 juillet 2025, le Tribunal de l’Union a donc reconnu la faute de la Commission qui n’aurait pas dû conclure à l’irrecevabilité de notre demande. Cet arrêt constitue par ailleurs une avancée juridique importante — inédite à notre connaissance — car il permet de reconnaitre que l’acte d’objection de la Commission est contestable et ainsi, admet la possibilité de confronter le refus d’un acte relatif à la conduite diplomatique de l’Union dès lors qu’il contient des dispositions étant susceptibles d’aller à l’encontre du droit de l’environnement.

Bien qu’il puisse faire l’objet d’un appel devant la plus haute instance juridique de l’UE2La Commission à deux mois pour faire appel de l’arrêt du Tribunal de l’Union., cet arrêt permet d’ores et déjà de remettre sur la table des négociations la résolution de 2023 qui est pour le moment caduque. En effet, la Commission européenne avait obtenu en 2024 une garantie supplémentaire que ses industriels ne seraient pas contraints, en exigeant dans une nouvelle résolution — beaucoup moins ambitieuse et sans interdiction temporaire — une clause annulant et remplaçant purement et simplement la résolution de 2023. Mais les services juridiques des Nations unies, dont dépend la CTOI, n’ont pas vu d’un bon œil cette clause et l’ont fait retirer. En cas de retrait d’une ou plusieurs objections, la résolution redeviendrait donc active !

Un signal clair : le droit d’abord, les lobbies après

Selon la logique de cet arrêt, la Commission européenne va devoir justifier sa position en allant sur le fond et non plus sur le seul terrain de la recevabilité. Si elle retirait son objection, la résolution de la CTOI pourrait enfin entrer en vigueur, entraînant l’interdiction effective des DCP pendant trois mois dans l’océan Indien et ayant un effet très immédiat et concret sur la protection de milliers d’animaux fragiles et menacés.

Il s’agit d’une première brèche dans l’impunité des industriels de la pêche thonière, que BLOOM documente depuis des années : conflits d’intérêts, opacité, optimisation fiscale agressive, destruction écologique, accaparement des ressources… tout cela grâce l’argent du contribuable européen.

Prochaines étapes : le retrait des objections

BLOOM a également attaqué la France pour sa propre objection à la résolution. Le Conseil d’État, qui n’a pas encore rendu son verdict, peut désormais s’appuyer sur le verdict du Tribunal de l’UE et statuer à l’identique. Dans tous les cas, la France n’a évidemment pas besoin du Conseil d’État pour prendre une mesure de bon sens en retirant son objection.

Nous appelons donc le président Emmanuel Macron et la ministre Agnès Pannier-Runacher à retirer l’objection française dans les plus brefs délais et à ainsi prendre une mesure concrète de protection de l’océan, après le fiasco de la Conférence des Nations unies, tenue à Nice en juin dernier.

Nous appelons également la nouvelle Commission européenne, notamment le commissaire en charge de la pêche Kóstas Kadís, la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen et sa première vice-présidente exécutive Teresa Ribera à rompre avec l’ère des petits arrangements avec les destructeurs du vivant. Nous ne lâcherons rien. Cette victoire judiciaire est une immense bouffée d’air pour l’océan et pour les citoyens, étouffés par une série de reculs démocratiques et environnementaux.

(1) https://curia.europa.eu/juris/document/document.jsf?text=&docid=302725&pageIndex=0&doclang=fr&mode=req&dir=&occ=first&part=1&cid=440155

(2) https://parc-marin-mayotte.fr/actualites/echouage-dun-dispositif-de-concentration-de-poissons-dcp-derivant-issu-dun-thonier

Contenus
associés

06 mai 2024

Deux enquêtes inédites de BLOOM révèlent les faces cachées de la filière industrielle du thon en boîte

Deux enquêtes inédites de BLOOM révèlent les faces cachées de la filière industrielle du thon en boîte

BLOOM révèle dans deux études des aspects inédits de la pêche thonière européenne, principalement dans l’océan Indien : un système opaque et très intensif en carbone créé par et pour les industriels de la pêche ainsi que la grande distribution autour du paradis fiscal des Seychelles.

La chaîne de production du thon fait l’objet de pratiques obscures et mensongères, tant sur son impact carbone que sur la traçabilité de cette filière, un exemple d’opacité totale, depuis la capture des thons jusqu’à leur commercialisation dans les rayons des supermarchés européens.

Dans deux rapports publiés aujourd’hui, « Du paradis à l’abîme » et « La boîte noire du thon », BLOOM révèle des aspects inexplorés concernant la filière industrielle du thon tropical en boîte, qui jouit de passe-droits douaniers injustifiés et d’une complicité des autorités, tant locales aux Seychelles qu’à Bruxelles, Paris et Madrid.

06 mars 2023

BLOOM attaque l’État français, complice de destruction environnementale dans l’océan Indien

BLOOM attaque l’État français, complice de destruction environnementale dans l’océan Indien

Troisième volet de l’enquête « TunaGate » – Alors que le monde acclame l’aboutissement laborieux du traité de l’ONU sur la Haute Mer, un exemple concret montre que tous les traités du monde ne mettront pas fin à la violence de l’exploitation non durable et inéquitable des ressources du sud par les pays industrialisés : aujourd’hui, BLOOM est même obligée d’attaquer l’État français dans deux procédures distinctes, l’une devant le Conseil d’État, l’autre devant le Tribunal administratif, en raison de son attitude destructrice et irresponsable dans l’océan Indien.

11 janvier 2023

Pillage des eaux africaines : révélations inédites sur les lobbies thoniers

Pillage des eaux africaines : révélations inédites sur les lobbies thoniers

Deuxième volet de l’enquête « TunaGate » – BLOOM poursuit sa plongée dans le monde opaque de la pêche au thon et révèle aujourd’hui les résultats choquants d’une étude inédite portant sur le poids des lobbyistes au sein des délégations officielles durant vingt années de négociations sur le thon tropical en Afrique, entre 2002 et 2022.

Vous aussi, agissez pour l'Océan !

Faire un don
Réservation en ligne
Je réserve un hôtel solidaire

Je réserve un hôtel solidaire

Achat solidaire
Je fais un achat solidaire

Je fais un achat solidaire

Mobilisation
Je défends les combats de BLOOM

Je défends les combats de BLOOM

Contre-pouvoir citoyen
J’alerte les décideurs

J’alerte les décideurs