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06 février 2025

Scandale du mercure dans le thon : les industriels contre-attaquent avec un matraquage publicitaire dans la presse

Aux abois après les révélations de BLOOM sur la contamination au mercure du thon, l’industrie thonière a répliqué ces derniers jours par une campagne d’une envergure sidérante, en achetant de l’espace publicitaire dans de très nombreux journaux de la presse nationale et régionale (Le Figaro, Les Échos, Sud Ouest…). Trois mois après le lancement de la campagne de BLOOM et Foodwatch contre le scandale des normes “sanitaires” censées protéger les citoyens d’une contamination au mercure très préoccupante (1), les industriels du thon (Petit Navire, Saupiquet, Connétable etc.) tentent de rassurer les consommateurs en mettant en cause notre méthode scientifique et en semant le doute sur la validité de nos analyses. Celles-ci, portant sur 148 boîtes de thon provenant de cinq pays européens, ont pourtant été effectuées par un laboratoire reconnu comme référence mondiale dans l’analyse du mercure. Pour rappel, les résultats de nos tests ont établi que 100% des boîtes de thon étaient contaminées au mercure, dont 57% au-delà de la norme la plus protectrice pour la santé humaine et utilisée pour d’autres poissons dans la règlementation européenne (soit une norme de 0,3 mg de mercure par kilo de poisson).

La prise de parole des industriels pourrait générer un effet boomerang puisque leurs affirmations reposent sur l’opacité des méthodes utilisées pour les tests qu’ils brandissent subitement après des mois de silence sur le sujet. Leur campagne publicitaire donne l’occasion à BLOOM et Foodwatch d’exiger des industriels et de la grande distribution une transparence totale sur les tests effectués, le protocole d’échantillonnage retenu et les méthodes employées, des facteurs déterminants pour présenter des résultats rigoureux et non biaisés.

Face à leurs affirmations dans la presse, BLOOM publie aujourd’hui un « Manuel d’auto-défense contre les mensonges des industriels de la pêche thonière » permettant aux journalistes et aux citoyens de naviguer dans les eaux troubles de l’argumentation des industriels.

Le secteur thonier résolument irresponsable

Nos révélations sur la contamination généralisée du thon en boîte, le 29 octobre dernier, ont généré un raz-de-marée médiatique qui a atteint l’ensemble des citoyens. Les consommateurs, inquiets, ont réagi en boycottant spontanément les conserves de thon. Un sondage que nous avons commandé en décembre dernier a ainsi confirmé que 45 % des Français affirmaient avoir cessé ou réduit leurs achats de thon (Sondage IPSOS, décembre 2024) (2). Face à cette prise de conscience citoyenne, comment les industriels de la pêche thonière et de la grande distribution ont-ils répondu ? Par la mise en place de promotions tous azimuts en magasins. Une réaction qui donne à la fois la mesure de l’irresponsabilité des industriels face à une alerte sanitaire grave et la hiérarchie de leurs priorités : la protection des profits avant celle de la santé des citoyens.  

Au lieu d’adopter immédiatement une norme de concentration de mercure à 0,3 mg/kg, les distributeurs ont probablement accéléré la contamination des populations les plus précaires avec ces offres promotionnelles. Un scandale qui s’ajoute au scandale initial.  

Offensive publicitaire des industriels pour sauver leurs profits

Les industriels, acculés, ont lancé une nouvelle tentative désespérée pour sauver leurs ventes. Lundi 3 février, le bras-de-fer entre les industriels et BLOOM et son partenaire Foodwatch, reprenait : le Syndicat Français Des Conserveries de Poisson qui rassemble notamment les marques Petit Navire, Saupiquet, Connétable et La Belle Iloise, faisait paraître en pleine page dans des journaux de la presse nationale et régionale (Les Échos, Sud Ouest, les Dernières Nouvelles d’Alsace…) une publicité titrant “Du mercure dans le thon : faisons le point ensemble”. L’offensive médiatique des industriels clame haut et fort que le thon en conserve produit en France est sain à la consommation, ce qui est en totale contradiction avec les résultats de nos tests.  

Un manuel d’auto-défense contre les arguments fallacieux

Une grande partie des arguments invoqués pour rassurer les consommateurs ont déjà été utilisés par les industriels : BLOOM en a dressé la liste et décrypté le vrai du faux dans le « Manuel d’auto-défense contre les mensonges des industriels de la pêche thonière » que nous mettons en ligne aujourd’hui. Parmi les cinq arguments phares brandis par les industriels, on retrouve le fait que le mercure est “naturellement” présent dans le thon ou encore que leurs produits respectent la législation en vigueur. Ces arguments trompeurs sont disséqués dans notre Manuel. 

Nous nous concentrons ici sur les arguments nouveaux qu’ils mettent dans l’espace public : leurs tests. 

Les industriels passent aux aveux et reconnaissent leur faute

Le dilemme auquel les industriels étaient confrontés a dû les faire hésiter à communiquer et explique sans doute le temps que cela leur a pris pour attaquer sur ce terrain : brandir des tests exigeait de reconnaître publiquement avoir une politique de tests défaillante et largement insuffisante. Les membres du syndicat ont mis en commun et communiqué sur les résultats de 2927 tests réalisés par leurs soins entre 2016 et 2023, soit 365 tests par an en moyenne. C’est extrêmement peu. Avec des centaines de millions de boîtes de thon vendues chaque année en France, et leur contamination systématique et aléatoire en mercure, réaliser seulement quelques centaines de tests, soit environ un test par million de conserves, est totalement insuffisant. Cela ne garantit pas la sécurité des consommateurs et n’a rien de rassurant pour les Français. 

Les industriels le savent et le reconnaissent publiquement avec leur publicité dans laquelle ils annoncent, comme si de rien n’était, doubler leurs contrôles l’année prochaine. Cette reconnaissance de la faute et le doublement des tests est une première victoire pour notre campagne, mais cela reste insuffisant, d’autant plus que les méthodes employées restent opaques.  

Coup de projecteur sur les contradictions des industriels

Les industriels publient également le résultat de leurs 2927 tests réalisés entre 2016 et 2023. Premier constat frappant : sur presque 3 000 analyses de thon, un seul échantillon dans le protocole de test des industriels dépasse la norme de 1 mg/kg (3). Un résultat incohérent avec l’intensité du lobbying déployé par les industriels de la filière thon depuis 1993 pour conserver ce seuil à 1 mg/kg. La Commission européenne affirme d’ailleurs qu’il est impossible d’abaisser cette norme car cela affecterait trop l’industrie : il n’y a « pas de marge pour réduire davantage la teneur maximale […] sans perturber considérablement l’approvisionnement alimentaire» (4) 

Acceptation intrinsèque d’une norme trois fois plus sûre pour les consommateurs

Les industriels affirment que 89% de leurs tests seraient inférieurs à 0,3 mg de mercure par kilo dans le thon. C’est la norme la plus protectrice actuellement en vigueur en matière de mercure dans le poisson, et celle que BLOOM et Foodwatch demandent aux industriels et à la Commission européenne d’adopter pour le thon depuis octobre 2024. L’urgence est de retirer l’exception faite pour le thon avec une norme établie sur-mesure, mais sans fondement sanitaire, à 1 mg/kg, et instaurée aux seules fins de servir les intérêts économiques (5). Les résultats des industriels sont très éloignés de nos tests qui montraient que 57% des boites testées dépassaient 0,3 mg de mercure par kilo de thon. 

S’ils se félicitent de la conformité de leurs tests avec la norme de 0,3mg/kg, et qu’il n’y a effectivement aucun problème de méthode, les industriels viennent, par leur campagne publicitaire de donner leur feu vert à un abaissement de la norme en vigueur (1 mg/kg) à un seuil de sûreté sanitaire, trois fois moins élevé (0,3mg/kg). BLOOM et Foodwatch ne peuvent que se réjouir de cette acceptation intrinsèque d’un seuil trois fois moins élevé pour le thon et attendent avec empressement la transformation en actes de cette position. 

Prochaine étape : la transparence totale

Pour éteindre la polémique engendrée par la communication des industriels thoniers et comprendre la différence notable entre les résultats de BLOOM et ceux des industriels de la conserve en France, il est nécessaire de connaître en toute transparence la nature des protocoles mis en œuvre pour réaliser ces tests. BLOOM a mis en ligne l’ensemble de la méthodologie détaillée utilisée pour nos propres analyses et attend une transparence similaire de la part des industriels. Ce sera la seule façon de comprendre le hiatus entre les analyses réalisées, car selon la méthodologie retenue, il est possible d’obtenir des résultats sous-estimant la concentration réelle en mercure.  

NOTES

(1) https://bloomassociation.org/campagne-mercure/

(2) Sondage commandité auprès d’IPSOS en décembre 2024, sur 1000 participants représentatifs de la population française. À la question « Avez-vous changé votre consommation de thon depuis la révélation de sa contamination au mercure  »», 12% déclaraient avoir cessé d’en acheter, 33% déclaraient avoir réduit ou l’intention de réduire leur consommation, 28% déclaraient continuer à en acheter comme avant, 15% déclaraient ne pas être au courant de la contamination du thon au mercure et 11% déclaraient ne jamais acheter de thon.

(3) La limite maximale en mercure pour le thon est fixée à 1 mg/kg pour le thon par le règlement européen CE 2023/915.  Pour certains produits de la mer moins contaminés, elle est fixée à 0,3 mg/kg, le cas général étant 0,5mg/kg.

(4) Interviewé par l’Agence France Presse (AFP) en octobre 2024, le porte-parole de la Commission européenne a expliqué que « Les données relatives à la présence de mercure dans le thon ont montré qu’il n’y avait pas de marge pour réduire davantage la teneur maximale […] sans perturber considérablement l’approvisionnement alimentaire”, repris notamment ici.

(5) Lire les chapitres 5 et 7 de notre rapport “Du poison dans le thon”, accessible ici.


 POUR ALLER PLUS LOIN

Retrouvez l’intégralité de notre enquête sur le mercure dans notre rapport “Du poison dans le thon”, disponible ici : https://bloomassociation.org/wp-content/uploads/2024/11/rapport-Mercure-FR.pdf  

Retrouvez la communication du syndicat français de la conserve à l’origine des publicités retrouvées dans les journaux ces derniers jours : https://conservesdepoissons.fr/thon-mercure-faisons-le-point/  

ANNEXES

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