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05 novembre 2024

La croisade du magazine Le Point en faveur de la pêche thonière

Depuis nos révélations sur la contamination des thons au mercure, la rédactrice en chef du pôle « Environnement » du magazine Le Point, Géraldine Woessner, publie des contenus à charge contre BLOOM, mettant en cause notre intégrité, la validité scientifique de nos travaux et minimisant le risque que présenterait le mercure, un puissant neurotoxique, pour la santé humaine.

Le Point est devenu coutumier de cette stratégie du doute permettant de défendre les industriels de la pêche thonière tout en portant atteinte à notre réputation.

Nous tenons d’abord à rappeler que des attaques répétées de nature similaire ne reposant sur aucun fait documenté font déjà l’objet d’une procédure pour diffamation initiée par BLOOM contre Le Point en septembre 2023. Face à l’acharnement ciblant BLOOM malgré la procédure judiciaire en cours, nous avons décidé de ne pas laisser Le Point poursuivre son entreprise diffamatoire à notre encontre sans rétablir la vérité, et procédons ici à un relevé des attaques ainsi qu’à une analyse de leur contenu, mélangeant une troublante absence de rigueur factuelle et une série d’erreurs scientifiques qu’il convient de passer au crible d’un fact-checking méthodique. 

Les charges de Géraldine Woessner en faveur des industries thonières

Suite à nos révélations le 29 octobre sur la contamination généralisée des boîtes de thon au mercure, l’une des dix substances chimiques les plus préoccupantes pour la santé publique selon l’Organisation mondiale de la Santé (OMS)1OMS (2020), https://www.who.int/news-room/photo-story/photo-story-detail/10-chemicals-of-public-health-concern , la responsable du pôle « Environnement » du Point, Mme Géraldine Woessner, publie le 30 octobre un article intitulé « Mercure : faut- il paniquer devant sa boîte de thon ? » que nous analysons plus bas. 

Le 31 octobre, Géraldine Woessner poursuit en publiant une série de tweets que nous reproduisons ici et qui prennent à partie les médias et les politiques en leur enjoignant de cesser de « diffuser » les « fake news » que nous aurions produites. 

Une méthode : des attaques outrancières et répétées contre BLOOM

Mme Woessner et Le Point commencent désormais invariablement leurs attaques en mettant en avant un prétendu conflit d’intérêts du président de BLOOM avec le secteur pétrolier, donnant ainsi écho à la théorie du complot initiée par les industriels de la pêche lors de notre combat, victorieux, contre le chalutage en eaux profondes entre 2009 et 2016. La théorie développée alors par les lobbies industriels en panique devant notre efficacité consiste à faire croire que BLOOM aurait un agenda caché visant à établir des plateformes pétrolières partout dans l’océan. Ces accusations diffamatoires et particulièrement invraisemblables ne reposent sur aucune preuve, ce qui est très problématique compte tenu du fait qu’une documentation factuelle et vérifiée doit guider la pratique journalistique. Elles passent également sous silence le fait que nous menons une campagne virulente contre la major pétrolière TotalEnergies, que nous avons attaquée devant la justice pénale ainsi que ses actionnaires, ce qui est de fait assez contradictoire pour une ONG supposée œuvrer en secret pour l’industrie pétrolière. Nous laisserons nos lecteurs apprécier pleinement l’ubuesque du conspirationnisme promulgué par Le Point.

Ces attaques répétitives portant atteinte à notre réputation et visant à nous nuire nous ont décidés à agir en justice : en septembre 2023, nous avons porté plainte pour diffamation contre le magazine Le Point et Erwan Seznec, auteur des propos litigieux. 

De grossières erreurs factuelles et scientifiques

Géraldine Woessner affirme ensuite que notre alerte relèverait d’un « affolement (très) exagéré » et justifie son point de vue en se prévalant de contre-arguments sanitaires contenant de multiples erreurs scientifiques. 

Voici de quoi rétablir la vérité factuelle :

1. Une erreur de calcul d’un facteur de… 1000 !

Pour tenter de démontrer qu’il n’y a aucun risque à consommer du thon contaminé, Mme Woessner se base sur la notion de « Dose Hebdomadaire Tolérable » définie par l’Autorité européenne de sécurité des aliments (l’EFSA) à 1,3 mg/kg, mais se trompe totalement en affirmant qu’une personne de 60 kg peut ingérer 78 mg de méthylmercure par semaine « sans risque ». Une telle dose conduit une personne de 60kg à des niveaux sanguins de méthylmercure plus de trente fois supérieurs à ceux observés chez des patients présentant des symptômes neurologiques lors de catastrophes sanitaires causées par l’ingestion de poissons hautement contaminés au méthylmercure au Japon dans les années 19501Nous avons utilisé ici le modèle toxicocinétique et les paramètres utilisés par l’EFSA dans son opinion de 2012, pages 67 et 128 (https://efsa.onlinelibrary.wiley.com/doi/abs/10.2903/j.efsa.2012.2985). Les doses cliniques sont issues de l’évaluation de l’OMS (1990), Environnemental Health Criteria 101, pages 77-80 (https://iris.who.int/handle/10665/38082). C’est également la dose correspondant à des troubles neuromoteurs et sensoriels graves (ataxie, dysarthrie et paresthésie) relevés lors d’une autre catastrophe qui a eu lieu en Irak dans les années 1970.  Relevée par les internautes, cette énorme erreur est ensuite corrigée dans l’article : l’unité de la Dose Hebdomadaire Tolérable n’est pas en milligramme par kg (mg/kg) mais en microgramme par kg (µg/kg), soit mille fois moins ! Cela signifie qu’une boîte de thon de 100g contaminée à 1mg/kg (soit 1000µg) entraîne une ingestion de méthylmercure bien au-delà de la dose hebdomadaire tolérable de 78µg pour une personne de 60kg. 

Cela en dit long sur l’incompétence de Mme Géraldine Woessner en matière d’expertise scientifique et l’inconséquence de ses prises de parole pour la santé de nos concitoyen·nes.

Figure 1. Exposition au mercure lors de la consommation de 100g de thon, pour quatre personnes de quatre poids différents, selon la teneur en mercure du thon consommé. Source : rapport « Du Poison dans le poisson » (BLOOM, 2024).

2. Trouver du mercure dans le thon serait « parfaitement normal »

Mme Woessner cite ensuite le professeur Alain-Claude Roudot qui explique que « le mercure est présent dans la croûte terrestre, les thons en sont imprégnés depuis la nuit des temps…” et que “celui que l’on trouve dans les océans provient essentiellement de la Terre”. Cette sélection des informations, partiellement fausses, est extrêmement problématique : il existe certes des émissions naturelles de mercure par le biais des éruptions volcaniques ou des feux de forêt par exemple, comme l’explique notre rapport « Du Poison dans le poisson », mais depuis la révolution industrielle, les émissions anthropiques (combustion de charbon, exploitation de certaines mines d’or, procédés industriels divers…) excèdent très largement les émissions naturelles. D’après l’ONU, “les activités humaines ont provoqué une augmentation des concentrations totales de mercure dans l’atmosphère, à hauteur d’environ 450% par rapport aux niveaux naturels”2ONU (2018) Global Mercury Assessment https://www.unep.org/resources/publication/global-mercury-assessment-2018

Le mercure émis par les activités humaines dans l’atmosphère se dépose ensuite dans l’océan. En 2014, la revue Nature démontre que les niveaux de mercure dans l’eau ont triplé comparé aux niveaux pré-industriels3Lamborg et al. (2014) A global ocean inventory of anthropogenic mercury based on water column measurements. https://doi.org/10.1038/nature13563.

Dire que le mercure “que l’on trouve dans les océans provient essentiellement de la Terre” est donc absolument faux. Ces propos erronés visent à minimiser la responsabilité humaine dans la contamination de l’environnement au mercure.

3. Notre étude n’offrirait rien de nouveau : la toxicité du mercure serait connue “depuis très longtemps

L’article poursuit en minimisant la portée inédite de notre étude : « on le sait depuis très longtemps (…) Les effets toxiques de cette bioaccumulation dans la chaîne alimentaire ont été découverts à la fin des années 1960 ». 

Le thon est effectivement hautement contaminé au mercure, et les pouvoirs publics le savent depuis au moins les années 1980 : le Comité mixte d’expert·es FAO-OMS des additifs alimentaires réalise une première évaluation de la dose hebdomadaire tolérable (DHT) de méthylmercure en 1973 et en 1985, les premières normes sur le mercure émergent. Le thon étant plus contaminé au mercure que les autres, il se voit allouer une tolérance plus haute que pour les autres poissons, malgré les implications sur la santé publique que cela présente.

Tout ceci, BLOOM l’a rappelé dans son enquête, et c’est bien là qu’est le scandale : alors que la neurotoxicité du mercure était bien connue des pouvoirs publics, ces derniers ont établi des normes protégeant les ventes de thon plutôt que la santé des consommateurs et des consommatrices. 

Minimiser les faits, rassurer et valider : on retrouve ici la vieille rengaine des réactionnaires antiécologistes qui cherchent à déresponsabiliser les individus ou entreprises pour ne pas remettre en cause l’ordre établi, même si cela conduit à détruire la santé des humains et à anéantir la biodiversité et le climat. 

4. Des niveaux de mercure qui explosent depuis l’ère industrielle mais… qui auraient épargné les thons !

L’article développe ensuite une théorie selon laquelle la concentration en mercure dans le thon est identique à son niveau du début du 20e siècle. 

À la rescousse de cette théorie : un article scientifique qui se base sur… sept thons pêchés entre 1878 et 1909 et cinq thons pêchés en 1970, dont trois en conserve. En outre, cette étude ne prend pas en compte la taille des thons dans sa comparaison. Or celle-ci a une importance cruciale : le thon accumule du mercure tout au long de sa vie, et toutes les études rigoureuses ne comparent les teneurs en mercure du thon qu’après avoir normalisé par rapport à la taille des thons analysés4Par exemple ici : Médieu et al. (2024) Stable Tuna Mercury Concentrations since 1971 Illustrate Marine Inertia and the Need for Strong Emission Reductions under the Minamata Convention https://doi.org/10.1021/acs.estlett.3c00949 . On ne peut donc absolument pas comparer un thon de 80 cm à un thon de taille non spécifiée, et encore moins à un thon en boîte dont l’âge initial ne peut être connu des chercheurs (comme c’est le cas pour trois des cinq thons de l’étude).

Comme Géraldine Woessner qui cherche à minimiser l’impact humain sur la concentration de mercure dans les poissons, cette étude inconsistante concluait que “les niveaux de mercure observés aujourd’hui dans de vastes océans ne sont pas essentiellement la conséquence d’une pollution d’origine humaine, mais sont d’origine naturelle.”5Version originale : ‘The contention that the mercury levels now being found in wide-ranging ocean fish are not primarily the consequence of man-made pollution but are of natural origin’. Une minimisation reprise par Géraldine Woessner et qui n’est pas sans rappeler les argumentaires climato-négationnistes. 

Les méthodes scientifiques actuelles ne sont pas à même de fournir des données statistiquement solides sur la contamination des thons au mercure avant la révolution industrielle et l’augmentation associée des émissions de mercure. Néanmoins, au vu de l’augmentation drastique des concentrations en mercure dans l’océan, il nous paraît extrêmement peu probable qu’un grand poisson prédateur et migrateur comme le thon échappe à cette contamination. Par ailleurs, quelle que soit l’historicité de la contamination des thons au mercure, le constat actuel est clair : aujourd’hui l’ensemble du thon présent dans nos rayons est contaminé, à des doses préoccupantes pour la santé publique dans le cadre d’une consommation régulière.

5) A la rescousse de l’industrie thonière, un expert anonyme…

Mme Woessner fait valider son plaidoyer de soutien à la consommation de thon contaminé et dangereux pour la santé humaine par un soi-disant expert, anonyme, de l’EFSA (l’Autorité européenne de sécurité des aliments) qui « confie » trouver « léger » le fait de dénoncer le scandale consistant à fixer trois plus haut le seuil de contamination accepté pour le thon par rapport au cabillaud par exemple (1 mg/kg pour le thon contre 0,3 mg/kg pour le cabillaud). 

Ce procédé, indigne d’un journalisme sérieux, est un grand classique des complotistes : les experts qu’ils interviewent sont anonymes. Pourtant, s’ils existent bel et bien, rien ne justifie qu’ils ne puissent pas assumer leurs positions publiquement. L’anonymat est fort pratique pour faire dire n’importe quoi à des experts fantoches.

5. La reconnaissance implicite que protéger les humains signifierait de cesser la pêche thonière

Géraldine Woessner reconvoque l’expert anonyme pour conclure qu’« aligner la réglementation des thons sur celle des autres poissons, plus petits, cela conduirait tout simplement à éliminer la pêche au thon sur la majeure partie de la planète. Ce serait un désastre économique, sanitaire et social pour de nombreux pays ». 

L’expert anonyme ainsi que l’article reconnaissent donc implicitement que les normes sanitaires établies pour le thon correspondent à des normes permettant de pêcher ces espèces de poissons contaminées et non de protéger la santé des humains. Pour finir, nous tombons donc d’accord sur le fait qu’une protection adéquate de la santé humaine signifierait la fin de la pêche thonière mondiale.

  • Faut-il arrêter de manger une espèce contaminée ? 

C’est a priori la seule chose raisonnable et responsable à faire, mais cela relève d’un choix personnel. Nos tests et l’ensemble des études ont montré que les thons étaient tous contaminés. En attendant que la grande distribution retire les boîtes dépassant la norme de 0,3 mg/kg, les adeptes du thon peuvent choisir de cesser la consommation de thon en conserve, dont les concentrations en mercure sont très élevées, et de ne consommer du thon que s’il est issu d’une pêche locale, sélective et sociale, opérée à la canne ou à la ligne.

Quoi qu’il en soit, il faut informer massivement les citoyens, changer les seuils légaux et s’assurer que les supermarchés retirent les boîtes les plus contaminées de leurs rayons

  • Faut-il arrêter la pêche au thon en conséquence ? 

Oui. Si la contamination est généralisée, alors de toute évidence, il vaut mieux laisser les thons dans l’eau et cesser d’en faire un aliment de masse surconsommé, ce que l’industrialisation de ces pêcheries a permis. Par ailleurs, en raison des impacts environnementaux, sociaux et économiques désastreux de la pêche industrielle révélés dans nos précédentes enquêtes (voir notre série « TunaGate »), le thon doit être reconsidéré comme l’animal noble qu’il est, et non comme une ressource financière pour une poignée de multinationales.

  • Arrêter la pêche serait-il un « désastre économique, sanitaire et social » ?

Arrêter la pêche thonière industrielle serait tout à fait l’inverse, pour plusieurs raisons : 

Le thon en boîte provient très majoritairement de multinationales biens connues (comme le géant Thaï Union qui détient Petit Navire, ou Bolton Group, dont fait partie Saupiquet) dont le modèle économique repose sur au moins l’un des paramètres suivants : la destruction de la nature, l’exploitation humaine, l’optimisation fiscale, les subventions publiques et les accords de libre-échange6Voir les rapports de notre série “Tuna Gate », disponible ici : https://bloomassociation.org/nos-campagnes/peche-en-afrique/quel-est-le-probleme/

La pêche thonière industrielle se déroule dans les pays du Sud et incarne tous les abus et travers des pêches coloniales, y compris des violations de droits humains, des pratiques illégales et destructrices, des fraudes et des comportements antidémocratiques. Voir les divers recours de BLOOM en justice contre les industriels thoniers et les scandales que nous avons révélés : 

Le thon en boîte est constitué de diverses espèces de thon (albacore, listao, germon…). Or, contrairement à d’autres poissons et à l’argument asséné par les lobbies depuis plusieurs décennies pour en promouvoir la consommation, les espèces de thon présentes dans les conserves ne sont pas des poissons riches en oméga-3. En arrêter la consommation présenterait l’indéniable avantage sanitaire de limiter drastiquement notre exposition au méthylmercure, tandis que les apports en protéines et en vitamine D pourraient provenir d’autres sources. Pour plus d’informations, voir notre “Questions-Réponses”.

Par ailleurs, le thon en boîte ne provient pas d’espèces de poisson pêchées et consommées localement, et dont l’arrêt de la consommation en Europe conduirait à un “désastre économique et social” : le thon en conserve disponible sur le marché européen est en grande partie issu de pêches industrielles européennes qui se déroulent au large des côtes africaines et dans l’océan Pacifique7FranceAgriMer (2019) La politique d’approvisionnement de produits aquatiques des transformateurs et conserveurs en France Métropolitaine page 8, https://www.franceagrimer.fr/fam/content/download/60056/document/entier-ANDI%20-%20Appro%20prod%20mer%20-%20rapport%20final%20-%2007.02.2019.pdf?version=5. Nos enquêtes ont montré que les flottes européennes de thoniers, principalement françaises et espagnoles et actives dans l’océan Indien occidental – dans une moindre mesure dans l’océan Atlantique- sont impliquées dans des pratiques néocoloniales intolérables. Derrière chaque boîte de conserve se cache un gouffre potentiel d’évitement fiscal, de contournement réglementaire, de pêche illégale, de surpêche, de fraudes et de pratiques destructrices, tant pour l’océan que pour les humains. Ces dernières années, de nombreuses affaires ont démontré le caractère systémique de la fraude dans le cadre de laquelle les entreprises européennes exercent leurs activités8https://cenozo.org/how-the-spanish-tuna-companies-are-caitalising-on-loopholes-in-the-gulf-of-guinea/https://www.rnz.co.nz/international/pacific-news/224775/nauru-court-fines-spanish-vessel-and-crew-us$-1-millionhttps://lejournaldemayotte.yt/2023/11/04/interception-de-47-kg-de-cannabis-a-bord-du-thonier-drennec/https://stopillegalfishing.com/press-links/spanish-tuna-vessel-settles-iuu-case-with-mozambique/https://planv.com.ec/historias/albacora-la-empresa-espanola-involucrada-el-caso-carlos-polit/. Ces types d’abus ne se limitent pas à l’étape de la pêche, puisqu’ils ont été largement documentés lors de la transformation et la mise en conserve. Les travailleurs et travailleuses, principalement des femmes, sont souvent victimes de violences physiques et sexuelles, de sous-paiements et de conditions proches de l’esclavage. Nos travaux ont également montré l’opacité du commerce de thon européen. Les graves manquements statistiques de ce commerce en font une véritable boîte noire ouvrant la porte à toute sorte de trafic et de sous-déclarations. 

Enfin, la pêche thonière industrielle constitue une véritable menace pour les écosystèmes marins : elle tue ce que l’on appelle des prises “accessoires” (requins, raies, tortues, dauphins, etc. qui n’étaient pas ciblés par la pêche mais qui sont pris dans les filets), détruit les récifs coralliens, endommage les mangroves, pollue les plages et les fonds marins. Les dispositifs de concentration de poissons (DCP) utilisés pour capturer les thons par les navires détenus par des entreprises européennes sont au cœur de cette pollution systémique : entre 40% et 90% des DCP jetés en mer sont abandonnés9https://bloomassociation.org/wp-content/uploads/2024/05/rapport-La-boite-noire-du-thon.pdf. Composés de plastique et de matériaux électroniques (étant équipés de sonars, balises GPS, batteries au lithium, panneaux solaires, etc.), ils peuvent dériver sur des milliers de kilomètres de distance avant de s’échouer sur les plages, s’empêtrer dans les récifs coraliens et les mangroves, dériver dans des zones protégées sensibles ou encore couler au fond de l’océan. Un exemple impressionnant de cette pollution est le triste sort de l’atoll Aldabra aux Seychelles, un site inscrit au patrimoine mondial de l’Unesco et pollué par plus de 500 tonnes de déchets plastiques, dont 81% sont issus de la pêche industrielle – y compris les DCP10https://www.bluemarinefoundation.com/2021/10/04/paradise-lost-the-marine-pollution-of-aldabra-atoll-seychelles/

Loin de constituer “un désastre économique, sanitaire et social”, l’instauration pour le thon d’une norme protectrice dans l’Union européenne de 0,3 mg/kg de mercure, comme pour le cabillaud, est une nécessité légale et une urgence sanitaire pour protéger la santé de centaines de millions de consommateurs. 

***

Pour conclure, il est intéressant de noter qu’à une enquête rigoureuse menée pendant 18 mois par BLOOM et faisant référence à une très longue bibliographie scientifique, Géraldine Woessner oppose des oukases et des contre-vérités scientifiques sans référence ni fondement factuel alors que la portée de ses assertions mène à encourager les citoyen·nes à continuer à manger du thon contaminé sans se préoccuper de notre alerte sanitaire. 

La « fake news » se situe de ce fait très clairement du côté du Point puisque d’après la loi française, une fausse information se définit comme « toute allégation ou imputation d’un fait dépourvu d’éléments vérifiables de nature à la rendre vraisemblable« 11https://www.vie-publique.fr/eclairage/24108-fausses-nouvelles-manipulation-comment-lutter-contre-les-fake-news

La défense par Le Point du thon contaminé constitue donc une fausse information et interroge sur les motivations du magazine. 

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