11 juillet 2023
Ce mercredi 12 juillet, les 705 parlementaires européens ont l’occasion d’adopter un amendement à la « Loi sur la restauration de la nature » qui fait consensus auprès des pêcheurs et des citoyens européens pour protéger l’océan et la pêche côtière européenne.
À ce jour, d’immenses navires de pêche industrielle sont autorisés à venir dévaster les eaux côtières européennes en détruisant les écosystèmes marins en même temps qu’ils anéantissent par une compétition parfaitement déloyale les pêcheurs des littoraux européens.
Pêcheurs et citoyens se prononcent pour mettre fin à cette situation ubuesque et injuste, et appellent les parlementaires européens à adopter l’amendement n°78 afin de réserver la bande côtière des 12 milles nautiques aux navires de pêche de moins de 25 mètres.
Les batailles menées au Parlement européen contre la pêche électrique et la senne démersale ont déjà prouvé que les associations de protection de l’océan, les pêcheurs côtiers et les citoyens partagent un intérêt commun face aux flottes de pêche industrielles qui surexploitent les eaux côtières et laissent un désert dans leur sillage.
La Loi sur la restauration de la nature, pièce maîtresse du Green Deal européen, constitue la dernière opportunité de cette législature pour enfin protéger les écosystèmes côtiers et ceux qui en dépendent directement des assauts des méga chalutiers et autres navires de pêche industrielle.
Photo : A gauche Stéphane Pinto, pêcheur artisan, et à droite Laetitia Bisiaux, chargée de projet chez BLOOM.
Stéphane Pinto, pêcheur artisan de Boulogne-sur-Mer, rend compte pour BLOOM de la situation en Manche, et de la bouffée d’air que représenterait l’adoption d’une telle mesure pour les pêcheurs français :
« Si j’avais un message à passer à tous les eurodéputés, c’est de soutenir l’amendement pour interdire la pêche aux plus de 25 mètres dans les 12 milles. »
« On connaît déjà une situation difficile, en rapport avec toutes ces techniques de pêche soit-disant ‘innovantes’… Le Brexit a exclu [du Royaume Uni] un bon nombre de bateaux qui n’ont pas leur licence pour travailler dans les eaux anglaises. Donc on va renvoyer à l’intérieur des 12 milles français une multitude de bateaux qui vont venir surexploiter la ressource. »
« Surexploiter la ressource avec des techniques de pêches différentes, des engins beaucoup plus gros de la normale et dans des écosystèmes qui ne peuvent pas supporter cet effort de pêche est dangereux pour l’avenir de la profession. »
« Je pense qu’il faut prioriser l’activité locale, c’est-à-dire les bateaux de moins de 25 mètres qui œuvrent dans ces 12 milles jouxtant leur région. Cette économie est importante pour des ports comme Boulogne ou ailleurs, où les petits bateaux ont pour vocation de vendre leur poisson directement à la population. Il faut la défendre au maximum, au contraire des bateaux de plus de 25 mètres, qui peuvent opérer dans d’autres pays et font concurrence aux petits bateaux qui travaillent uniquement de façon locale. »
« Cette proposition avait déjà été faite il y a plusieurs années. Elle a été rejetée plusieurs fois, mais aujourd’hui, il est temps. Au regard de la situation en Europe, il est temps de prendre une réelle décision, c’est-à-dire d’interdire la pêche dans les 12 milles aux bateaux de plus de 25 mètres. »
José, un autre pêcheur artisan rencontré au port de Boulogne, fait un portrait dramatique de l’évolution de sa profession.
« Les grosses pêcheries ont plus de poids que nous. Regardez, on était 25 bateaux ici avant, mais on est plus qu’une dizaine à vendre [du poisson]. Les bateaux arrêtent les uns après les autres, c’est qu’il y a un problème. »
« Tout gamin, j’allais pêcher au filet avec mon père. Aujourd’hui, j’ai exactement le même matériel. Avant, on pêchait du turbot, des barbus, mais aujourd’hui on n’en voit plus dans nos filets. Avec 500 mètres de filets, on pêchait plus que mon fils maintenant avec 5-6 kilomètres de filet. Il y a un problème de ressource. »
« Ça ne va pas en s’arrangeant. Le peu qu’il reste, les gros bateaux le récupère. »
En Europe, la pêche côtière joue un rôle majeur dans l’économie du littoral : les navires de moins de 24 mètres représentent 97% de la flotte européenne et 82% de l’emploi, mais ne débarquent que 28% du total des captures.
Les 72% des captures restantes sont l’œuvre de… 3% des navires de pêche européens, qui pêchent parfois à quelques milles des côtes, au détriment des pêcheurs artisans et côtiers, moins mobiles, qui doivent alors attendre que les écosystèmes se régénèrent après ces coups de filet géants.
— En Allemagne, les navires de moins de 24 mètres représentent 97% de la flotte de pêche et emploient 76% des pêcheurs allemands, pour débarquer 9% des captures.
— En Espagne, les navires de moins de 24 mètres représentent 92% de la flotte de pêche et 65% des emplois, et débarquent 22% des captures.
— En France, les navires de moins de 24 mètres représentent 96% de la flotte de pêche, et 83% des emplois, pour la moitié des captures. Les navires de moins de 12 mètres, qui représentent 84% de la flotte et embarquent 60% des pêcheurs français, débarquent 23% des captures.
Ces flottes industrielles ultra-mobiles vident méthodiquement les eaux en un point donné avant de voguer vers d’autres zones de pêche, laissant un désert derrière elles. Face à cette concurrence déloyale et afin de protéger les écosystèmes dont ils dépendent, le Comité régional des pêches de Normandie plaide, entre autres, en faveur d’une limite de 25 mètres pour les navires de pêche en Manche.
Le Parlement européen ne s’y est pas trompé, en adoptant en janvier 2023 une résolution soulignant que « la viabilité de la pêche artisanale dépend fondamentalement d’un accès garanti aux ressources et aux zones de pêche » et a appelé « à une approche différenciée de la gestion de la pêche artisanale comportant un accès prioritaire aux zones de pêche littorales ».
Un sondage IPSOS inédit, réalisé auprès de 2,500 Européens (1000 personnes en France, 500 personnes en Allemagne, 500 personnes en Espagne, et 500 personnes en Italie) révèle le soutien univoque des citoyens européens à une telle mesure : 81% des Français pensent qu’il faudrait « réserver les eaux proches de la côte aux pêcheurs artisans plutôt que de continuer à les laisser accessibles aux pêcheurs industriels ». En Allemagne, ce sont 73% des sondés qui sont favorables à une telle mesure. En Espagne et en Italie, 85% des sondés.
Les eaux côtières constituent un habitat essentiel pour pour les juvéniles de nombreuses espèces de poissons. La préservation de l’intégrité physique et biologique de ces zones est donc cruciale pour conserver une grande diversité d’espèces de poissons, dont les pêcheurs côtiers dépendent directement.
Si cet amendement n°78 était adopté le 12 juillet prochain dans le cadre de la Loi sur la restauration de la nature, c’est un enjeu majeur de justice sociale et de protection de l’environnement qui serait efficacement résolu, après des années de batailles contre des techniques de pêche toujours plus destructrices comme la pêche électrique ou la senne démersale.
Charge aux 705 parlementaires européens, et notamment aux parlementaires du groupe RENEW, qui ont le pouvoir de faire et défaire les majorités, d’être à la hauteur de la crise sociale dans le secteur de la pêche, du dérèglement climatique et de l’effondrement de la biodiversité qui nous frappent de plein fouet.
08 juillet 2023
Au Parlement européen, à Strasbourg, lors d’un vote en plénière prévu le 12 juillet, les 705 députés européens se prononceront sur la « loi sur la restauration de la nature », un texte d’une importance cruciale pour l’avenir du climat, de nos écosystèmes, de notre santé et de notre souveraineté alimentaire.
06 juillet 2023
Au Parlement européen, la tension monte à mesure qu’approche le vote en plénière de la « Loi sur la restauration de la nature », prévu le 12 juillet à Strasbourg. Les 705 députés européens se prononceront alors sur ce texte fondamental fixant l’ambition de l’Union européenne pour l’avenir des écosystèmes : la proposition est de restaurer 20% de la nature d’ici 2030 et tous les écosystèmes dégradés d’ici 2050.
Hier, deux amendements permettant d’obtenir des bénéfices immédiats pour les océans et les pêcheurs côtiers européens ont été déposés par le député Younous Omarjee.
27 juin 2023
C’est un jour de deuil pour la biosphère. La droite, l’extrême droite et une large partie des libéraux du groupe RENEW (où siègent les député-e-s macronistes) s’étaient juré de massacrer la « Loi sur la restauration de la nature ». C’est chose faite en Commission Environnement.