08 avril 2025
Alors qu’Emmanuel Macron et Agnès Pannier-Runacher ont tourné le dos aux recommandations scientifiques et aux objectifs internationaux en matière de protection de l’océan en amont et lors du sommet « SOS Océan », les parlementaires français ont aujourd’hui l’occasion de pallier le manque de courage de l’Élysée et de Matignon grâce aux trois propositions de loi déposées à l’Assemblée nationale et au Sénat par Jimmy Pahun, Mathilde Ollivier et Clémence Guetté.
L’alliance transpartisane qui émerge ainsi autour des enjeux de protection de l’océan et de justice sociale dans le secteur de la pêche est manifeste. Si chacune de ces propositions de loi, prise séparément, comporte des angles morts, ces propositions émanant du Modem, des Écologistes et de la France insoumise permettraient, dans une législation unique, à l’issue d’un débat parlementaire, d’aboutir à une véritable protection du milieu marin et d’engager la transition écologique et sociale du secteur de la pêche. À quelques semaines de l’accueil de la conférence des Nations Unies sur l’océan à Nice, la balle est dans le camp des parlementaires, qui ont les clés en main pour adopter un cadre juridique en adéquation avec ce que l’urgence sociale, environnementale et climatique requiert.
Le 31 mars dernier, le sommet « SOS Océan » qui se tenait à Paris sous l’égide du Président de la République devait permettre à la France d’annoncer des réformes législatives et d’établir sa feuille de route diplomatique pour se présenter à la Conférence des Nations Unies sur l’océan à Nice en ayant intégré dans son droit les objectifs internationaux et les recommandations scientifiques relatives à la protection de l’océan.
Mais les annonces délétères du Président de la République au Trocadéro ont achevé tout espoir de voir la France se hisser à la hauteur de l’urgence et de prendre la mesure de sa responsabilité, l’Élysée et le gouvernement portant à l’unisson un discours de protection « à la française », « au cas par cas ». Et ce alors que cette approche a fait les preuves de son inefficacité : moins de 0,1% d’aires réellement protégées en France métropolitaine, bien loin de l’objectif de 30% établi dans l’Accord de Kunming Montréal.
Face à l’inaction et aux manœuvres du gouvernement pour protéger le lobby du chalut, des parlementaires issus de divers groupes ont déposé, ces dernières semaines, des propositions de loi afin de prendre à bras le corps le sujet de la protection marine et de la pêche artisanale, se faisant le relais des scientifiques et des ONG mobilisées depuis plus d’un an au sein de la coalition citoyenne pour la protection de l’océan.
Les trois propositions de loi portées à l’Assemblée nationale par Jimmy Pahun (Modem) et Clémence Guetté (La France insoumise) et au Sénat par Mathilde Ollivier (Écologistes) témoignent du moment historique que nous traversons. Si chacune de ces propositions a établi ses propres priorités, chacune aborde des enjeux cruciaux et complémentaires qui, mis bout à bout dans une unique loi, permettraient de dégager l’horizon pour une réelle protection des écosystèmes marins et une transition écologique et sociale du secteur de la pêche.
Le député du Modem Jimmy Pahun a ouvert le bal en déposant fin janvier une proposition de loi « pour une pêche française prospère et durable » qui aborde les enjeux de protection du milieu marin tout en se concentrant sur les enjeux de justice sociale au sein du secteur de la pêche avec, entre autres, la transparence et une redistribution équitable des quotas, la réforme des instances de gouvernance pour mieux représenter la petite pêche et l’exclusion des méga-chalutiers de la bande côtière.
Fin mars, la sénatrice écologiste Mathilde Ollivier a emboité le pas en déposant une proposition de loi « visant à mieux protéger les écosystèmes marins » qui, si elle était mise à l’ordre du jour lors de la niche parlementaires des Écologistes au Sénat, se tiendrait le 12 juin, durant la conférence des Nations Unies sur l’océan. Cette proposition de loi partage trois mesures phares avec celle de Jimmy Pahun : la protection de 10% de nos eaux sous « protection stricte », en y interdisant toute activité extractive, l’exclusion des méga-chalutiers de la bande côtière, et l’adoption d’une « stratégie nationale de transition des flottilles de pêche au chalut de fond », visant à engager “la transition des navires de pêche au chalut de fond vers d’autres pratiques de pêche”.
Ces deux propositions de loi souffrent d’un même écueil en passant à côté de l’objectif international de protection de 30% de nos eaux en y interdisant, conformément aux recommandations de l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN), le chalutage et l’ensemble des activités et infrastructures industrielles, afin d’y protéger les fonds marins, véritables puits de carbone et trésors de biodiversité.
Début avril, la proposition de loi portée par la députée de la France insoumise, Clémence Guetté, est venue ajouter la dernière pièce – centrale – du puzzle en proposant dans un article unique que « toutes les activités industrielles des engins de pêche tractés comme les chaluts pélagiques ou les chaluts de fond sont interdites dans l’ensemble de ces aires marines protégées », ce qui permettrait de réserver ces eaux à la seule pêche artisanale et de préserver immédiatement 30% du puits de carbone océanique des techniques de pêche destructrices.
À la suite du sommet « SOS Océan », à quelques semaines de la Conférence des Nations Unies sur l’océan, et face au renoncement du Président de la République et du gouvernement à mettre en place une véritable politique de protection marine et de la pêche artisanale française, l’avenir de l’océan, du climat et des pêcheurs artisans est désormais entre les mains des parlementaires. Les élus de l’Assemblée nationale et du Sénat ont aujourd’hui l’opportunité de mettre ces propositions de loi à l’agenda, pour que les dispositions détaillées de ces trois propositions soient adoptées dans une législation unique, qui permettra de concilier protection de l’océan et justice sociale.
31 mars 2025
Au sommet SOS OCEAN qui se tenait ce matin à Paris, le prince Albert II de Monaco a conclu son intervention par un appel aux responsables politiques à agir « avant le naufrage », en se référant évidemment à la destruction du vivant et du climat. Il ne s’imaginait sans doute pas qu’il suffirait de quelques minutes pour assister à un autre naufrage : celui de l’intérêt général, celui du courage politique, celui d’Emmanuel Macron, qui a déshonoré la France devant le cénacle international réuni pour l’occasion.
31 mars 2025
En amont du sommet SOS OCEAN auquel le Président Emmanuel Macron doit parler aujourd’hui en fin de matinée, le gouvernement a encore aggravé sa position au sujet des aires marines dites « protégées » et dévoilé, dans une démonstration d’une perturbante malhonnêteté, son parti pris en faveur des pratiques de pêche les plus destructrices : le chalutage. Non seulement la ministre de la transition écologique a menti publiquement samedi 29 mars à propos des surfaces où le chalutage de fond, la méthode de pêche la plus destructrice entre toutes, était interdit, mais en défendant désormais une approche antiscientifique de la protection « au cas par cas », il est désormais possible de retracer l’ensemble de la stratégie pro-lobbies et anti-protection du gouvernement, de la COP15 de Montréal sur la Biodiversité en décembre 2022 jusqu’à la Conférence des Nations Unies sur l’océan en passant par Bruxelles.
Parcours d’une diplomatie antiécologique à laquelle le Président peut mettre fin aujourd’hui par une simple formule, tenant en deux lignes : il suffit qu’il annonce et mette en œuvre une véritable protection de l’océan, conforme aux standards internationaux de protection et impliquant de ce fait une interdiction de toutes les méthodes de pêche destructrices tractées à travers l’eau ou sur le fond, chalutage pélagique et chalutage de fond, ainsi que toutes les activités et infrastructures industrielles dans 30% du territoire marin, et qu’il place un tiers des aires marines protégées (donc 10% du territoire marin) sous « protection stricte » sans aucune activité extractive.
Cela implique pour la France d’abandonner son régime des exceptions « à la française » qui consiste à soutenir une protection « au cas par cas » lorsque la communauté internationale exige une protection réelle et à promouvoir une protection « forte » lorsque la communauté internationale exige une protection « stricte » sans ambiguïté.
Pour cesser l’hypocrisie environnementale, la France doit renoncer au « cas par cas » et retirer le décret sur la « protection forte » pour s’aligner sur les définitions internationales de la protection standard d’un côté et de la protection stricte de l’autre, sans AUCUNE activité extractive (en anglais, les zones de « no take »).
Une protection véritable de l’océan serait de nature à enfin faire de la France une championne véritable. Pour un pays régnant sur le deuxième territoire maritime mondial et accueillant la 3ème Conférence des Nations Unies sur l’océan dans deux mois, adopter une position responsable de respect des recommandations scientifiques martelées depuis des années serait aussi un minimum acceptable, mais la France en est encore très loin.
29 mars 2025