21 février 2023
Deux ans.
Deux ans que le « package » de quatre documents dont le fameux « Plan d’action pour l’océan » de la Commission européenne est attendu par les ONG et les citoyens comme le Graal qui permettra de sauver l’océan et le climat d’une mort annoncée. Aujourd’hui, c’est le deuil de l’ambition des institutions politiques pour sauver la nature et notre avenir climatique que les citoyens doivent entamer.
Les quatre documents (une évaluation de la Politique commune de la pêche, une évaluation de l’organisation commune des marchés des produits de la pêche et de l’aquaculture, un plan d’action pour la protection et la restauration des écosystèmes marins pour une pêche durable et résiliente, et une stratégie pour la transition énergétique de la pêche de l’UE) révèlent l’absence de vision et de courage politique du Commissaire européen à l’environnement Virginijus Sinkevičius. Alors que les ambitions affichées en introduction créent une impression de conscience, de réveil et de courage, les mesures proposées sont faibles et très éloignées des constats catastrophiques qu’elles sont supposées adresser. En réalité, ces documents officialisent un fait angoissant pour la jeunesse et notre avenir commun : l’incapacité des institutions d’être à la hauteur des enjeux existentiels qui pèsent sur nos sociétés : l’effondrement de la biodiversité, du climat et la disparition des emplois liés à des pratiques durables.
L’exécutif européen, qui possède le monopole de l’initiative législative au niveau de l’UE, a décidé d’un contenu et d’un calendrier qui lui permettent de satisfaire les lobbies industriels de la pêche. En effet, la Commission a renoncé à formuler une proposition législative de règlement qui, si elle était sortie suffisamment tôt, aurait eu le temps d’aboutir et se serait imposée à tous les États membres de l’UE. A la place, ce sont de simples « pistes » et « recommandations », dont un « Plan d’action pour l’océan », sans dents, qui sont publiées ce 21 février 2023, autrement dit, à une date qui, dès le départ, rend impuissants ces documents, étant donné que nous sommes à environ un an des élections européennes et que la machine législative est presque à l’arrêt à Bruxelles.
Après deux ans de reports incessants dus à la pression des lobbies de la pêche industrielle, la Commission européenne a enfin publié son « Plan d’action pour l’océan », un document de 24 pages, censé traduire en pistes concrètes la « Stratégie de l’UE en faveur de la biodiversité à l’horizon 2030 ». « Tandis que la Stratégie Biodiversité posait les enjeux avec ambition et promettait de « ramener la nature dans nos vies », le plan qu’on pourrait qualifier « d’inaction » pour l’océan échoue totalement à dessiner un cap visionnaire et à engager les transitions structurelles que nos sociétés doivent opérer pour inventer un rapport harmonieux et réellement « durable » à l’océan. La pêche industrielle, reconnue par les chercheurs de l’IPBES comme la première cause de destruction de l’océan, a encore de beaux jours devant elle » regrette Claire Nouvian, fondatrice de BLOOM.
Alors que depuis 1950 les pêches industrielles ont réduit de 90% les populations de grands poissons tels que les cabillauds, les flétans, les requins, les mérous, les thons, les espadons ou encore les marlins, et que l’océan doit être en bonne santé pour remplir son rôle de pompe à carbone, la Commission a choisi de renoncer à son pouvoir politique en ne sortant qu’un « Plan d’action » qui fait reposer sur les États membres de l’UE la responsabilité d’agir. En un mot : rien de contraignant, mais une série de recommandations et d’échéances lointaines.
notre pétition « pour des aires marines vraiment protégées »
Dans ces documents denses, que BLOOM analysera dans le détail dans les heures qui viennent, surnage une avancée réelle mais néanmoins éloignée des attentes en ce qui concerne les aires marines protégées. Parmi les éléments utiles qui ont survécu au véto des lobbies, la Commission européenne souligne que « la pêche ayant recours à des engins traînants qui entrent en contact avec les fonds marins, et en particulier le chalutage de fond, est l’une des activités les plus répandues et les plus dommageables pour les fonds marins et leurs habitats associés », soulignant par ailleurs « l’importance du stockage et du maintien du carbone bleu dans les habitats marins pour lutter contre le changement climatique ». En conséquence, et pour la première fois, la Commission européenne appelle les États membres de l’UE à interdire tous les engins de pêche qui entrent en contact avec le fond dans toutes les aires marines protégées de l’Union européenne, faisant siennes certaines des recommandations des scientifiques et des associations de protection de l’environnement.
« Nous aurions préféré que la Commission propose des échéances et outils contraignants pour forcer les États membres de l’UE à protéger dès aujourd’hui leurs aires marines protégées » a réagi Swann Bommier, chargé du plaidoyer chez BLOOM, « mais la Commission fixe au moins quelques critères clairs qui nous permettront de mettre fin à l’imposture des aires marines protégées « à la française » ». Aujourd’hui, les aires marines dites « protégées »en France ne sont nullement épargnées par les ravages de la pêche industrielle. Une étude de BLOOM a en effet démontré qu’il y avait autant de pêche industrielle à l’intérieur des AMP que dans les zones non « protégées ».
« La France, qui accueillera en 2025 à Nice la Conférence des Nations unies pour l’océan, doit mettre en œuvre sans plus tarder les recommandations de la Commission européenne » conclut Swann Bommier, en ajoutant « nous y veillerons. »
Initialement attendu en 2021, ce « Plan d’action pour l’océan » s’avère être un remède placebo : s’il répond à certaines alertes des scientifiques et des associations de protection de l’environnement, le Commissaire européen à l’environnement Virginijus Sinkevičius a manqué de courage et d’affirmation politique pour prendre des mesures immédiates afin de protéger l’océan et l’humanité face à l’urgence climatique et l’effondrement des écosystèmes ainsi que pour aider le secteur de la pêche à se réinventer pour transitionner vers une faible empreinte écologique.
Une dernière opportunité subsiste pour que l’Union européenne coupe court à la destruction des écosystèmes marins par les pêcheurs industriels avant le couperet des élections européennes de 2024 : la « Loi pour la restauration de la nature », sur lesquels le Parlement européen et le Conseil planchent en ce moment sous la menace explicite de la droite européenne qui refuse de protéger l’environnement.
Photo : Dmitry Osipenko
12 septembre 2022
Communiqué de presse – Paris – Bruxelles, le 12 septembre 2022
16 février 2023
A l’issue du cinquième congrès international pour les aires marines protégées (IMPAC 5) qui s’est achevé le jeudi 9 février 2023 à Vancouver, le Canada a annoncé l’interdiction des engins de pêche traînants ainsi que celle de l’exploitation et exploration minière dans ses nouvelles aires marines protégées fédérales.
16 février 2023
Le Canada a annoncé l’interdiction des engins de pêche traînants ainsi que celle de l’exploitation et exploration minière dans ses nouvelles aires marines protégées fédérales, à l’issue du cinquième congrès international pour les aires marines protégées (IMPAC 5). Des mesures encourageantes mais encore loin d’êtres parfaites.