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20 novembre 2023

Le palmarès dramatique des supermarchés français sur leurs ventes de thon

Le 8 novembre 2023, BLOOM a publié le rapport « Délibérément Ignorants », qui présentait le classement inédit des supermarchés européens selon leur niveau de coopération et d’ambition face aux enjeux de la pêche à la source du poisson le plus consommé en France : la pêche thonière tropicale. Nous revenons ici sur les performances — très faibles — des enseignes françaises.  

L’échec délibéré de la grande distribution

Avec une note moyenne de 2,2/10 en coopération et 3,7/10 en politiques d’approvisionnement, la conclusion de notre rapport est sans appel : la grande distribution en Europe refuse de mettre en place des politiques qui respectent l’environnement et les droits humains.  En outre, cette étude est basée sur les déclarations des enseignes, ne garantissant pas que leurs annonces — déjà insuffisantes — se traduisent par des actes.  

Malgré cela, quelques acteurs se distinguent en se montrant coopératifs, et/ou en développant des politiques d’achats en thon tropical plus ambitieuses, mais très loin d’être parfaites. Ces enseignes sont Marks & Spencer (UK ; note moyenne de 6,9/10), Système U (France ; note moyenne de 5,3/10) et Les Mousquetaires (France ; note moyenne de 5,3/10).  

Les notes relativement basses des meilleurs élèves en disent long sur les manquements généralisés de la grande distribution. Nous refusons d’être complices de ce système écologiquement dévastateur et humainement dégradant.  

Les pires et les meilleurs supermarchés en France sur l’approvisionnement en thon

E.Leclerc : Pire serait difficile (0,6/10) 

Malgré son poids colossal en France — représentant un quart des parts du marché français — E.Leclerc, maintient une opacité totale sur son approvisionnement en thon. Non seulement l’enseigne refuse la collaboration et ne fournit pas les données quantitatives, mais aucune politique en ligne n’est disponible malgré sa communication rodée de « pêche durable ». En magasin, nous avons repéré une quantité significative de thon albacore de l’océan Indien, espèce classée comme surpêchée depuis 2015 ! E. Leclerc obtient donc des notes très faibles : 1.3/10 pour la coopération et 0,6/10 pour sa politique d’approvisionnement. 

Cora ne fait même pas le strict minimum (0,9/10) 

Les engagements de Cora sont introuvables. Les données transmises par l’enseigne indiquent que la majorité de ses propres produits sont pêchés avec des méthodes industrielles destructrices. Pour les marques nationales, nos interrogations sont restées sans réponse. 

Monoprix aux abonnés absent (3,5/10) 

Monoprix a choisi de ne pas coopérer avec nous, se reposant sur son grand frère Casino (les deux enseignes font partie du même groupe). Concernant ses politiques, Monoprix se félicite d’avoir interdit les méthodes de pêche destructrice pour UNE de ses références produit, sans expliquer ce qu’elle compte faire sur le reste de son rayon. L’enseigne base son référentiel de “pêche durable” sur le MSC, qui est une imposture maintes fois décriée par BLOOM. En vérifiant en magasin, nous avons trouvé du thon surpêché avec des méthodes destructrices. Concernant les droits humains, c’est le néant.   

Casino et Franprix dans le déni (3,7/10) 

Casino, qui détient aussi Franprix, fait partie de ces enseignes qui se sont montrées relativement coopératives en envoyant leurs données de marques distributeur (note de coopération de 4,5/10), mais mutiques lorsqu’il s’agit de prendre des engagements. L’enseigne se contente d’objectifs insuffisants sur 30% de son offre, et ne fait absolument rien concernant les 70% restants ! Les droits humains ne sont même pas mentionnés dans sa politique d’achats en thon… Elle obtient donc la note de 3,7/10 pour sa politique d’achat ; une note au niveau de la faible moyenne européenne. 

Le géant Aldi qui se se dédouane lâchement de toute responsabilité (4,3/10) 

Aldi est la 4ème enseigne de supermarché au monde. Nous avons échangé avec leur équipe internationale concernant l’approvisionnement en thon. L’enseigne nous a expliqué avoir des “données  complètes sur l’approvisionnement en 2022, jusqu’aux pêcheries spécifiques”. Et pourtant, nous ne les avons pas reçues.  

Aldi fait bien attention à expliquer qu’elle soutient une pêche “responsable” et non une pêche “durable”, car elle sait que ce serait mentir. Leur équipe nous a même avoué qu’elle n’était pas en mesure de savoir ce qu’il se passait sur les bateaux ! Cet aveu ne les dérange aucunement, l’enseigne va même jusqu’à déclarer publiquement qu’elle ne considère pas être responsable des violations des droits humains pouvant se produire dans sa chaine d’approvisionnement.

Auchan au summum de l’hypocrisie (4,4/10) 

Auchan ne se démarque ni par ses pratiques d’achat (4.4/10), ni par une démarche volontariste de coopération (3,2/10). L’enseigne ne remet pas en question le fait de vendre des produits thoniers pêchés avec des méthodes destructrices, elle fait pire ! Sa politique vise « un équilibre durable » entre les méthodes de pêche destructrices et les autres moins impactantes. Des méthodes inacceptables sont ainsi sciemment masquées dans un tout « durable ». Du côté des droits humains, l’enseigne « affirme sa position contre le travail des enfants et le travail forcé » mais n’exige aucune mesure concrète à bord des navires, se contentant d’« encourager ses fournisseurs à diligenter des audits auprès des armateurs ». 

Metro ne doit pas s’arrêter en si bon chemin (4,6/10) 

Metro est la seule enseigne française qui a fixé des objectifs ambitieux pour ses produits à marque propre : l’élimination de la pêche destructrice de son offre d’ici 2025. Cet engagement est extrêmement positif et démontre la réelle ambition de l’enseigne, d’autant plus que ses produits à marque propre représentent 78% de son offre totale. L’enseigne doit renforcer ses politiques, notamment pour assurer que les pratiques industrielles qu’elle autorise n’utilisent pas les mammifères marins comme “appâts” pour les thons. Elle doit aussi donner plus de garanties contre la pêche illicite, non-déclarée et non règlementée, et interdire les transbordements en mer, qui augmente le risque de violation des droits humains.  

Pour les 22% restants de son offre, l’enseigne propose des mesures bien trop insuffisantes. 

Carrefour manque à son devoir de leader (4,7/10) 

7ème chaîne de distribution mondiale et acteur numéro 1 de la grande distribution en France, Carrefour devrait être exemplaire sur son offre de poissons pour permettre aux consommateurs d’acheter des produits à base de thon sans avoir à se sentir coupables de participer à des chaînes de production industrielles brutales.  La réalité est bien différente. Bien que sa politique d’achats couvre 100 % de son offre de thon (en incluant les produits de marque, comme Saupiquet et Petite Navire, et de marque « distributeur »), ses exigences sont très faibles, offrant un boulevard aux produits issus de pêcheries destructrices. Le distributeur a obtenu une note médiocre de 3,2/10 pour la coopération et 4,7/10 pour sa politique d’approvisionnement. 

BLOOM a mis en demeure Carrefour pour manquement à son devoir de vigilance, voici pourquoi.

Lidl fait des promesses en l’air (4,9/10) 

Lidl fait partie du 3ème leader mondial de la distribution : Schwarz Group. L’enseigne possède des moyens colossaux et peut ainsi développer des politiques plus rigoureuses et complètes. Ainsi, comme Carrefour, Lidl possède une politique qui couvre l’ensemble de ses produits à base de thon (et pas seulement ses produits de marque distributeur). Malheureusement l’enseigne se base sur le MSC pour augmenter la durabilité de son offre, et donc continue de vendre du thon pêché avec des méthodes destructrices. L’enseigne fait aussi de fausses promesses en expliquant communiquer les données de traçabilité sur ses produits, alors qu’en réalité les informations affichées sont incompréhensibles. Les étiquettes produits indiquent souvent que le thon peut avoir été pêché dans tous les océans du monde et avec toutes les méthodes de pêche possibles. C’est insuffisant.

Les Mousquetaires en marche… très lente (5,1/10) 

Les Mousquetaires (Intermarché) est la seule enseigne des 36 interrogées qui a pris des engagements à la suite de nos demandes. Ces engagements sont malheureusement bien loin d’être à la hauteur des enjeux. L’enseigne ne prévoit pas d’interdire les méthodes de pêche destructrices, et souhaite « diffuser » une charte à l’ensemble de ses fournisseurs de marques nationales, sans préciser si la signature sera requise, ni si des vérifications auront lieu. Sa politique comprend néanmoins quelques bonnes mesures, notamment celle de ne pas vendre de thon surpêché, lui valant un score de 5,1/10. L’enseigne a fait preuve de plus de coopération que ses pairs (elle obtient la meilleure note de coopération en France avec 5,5/10), nous fournissant en partie des données de marques nationales.  

L’exemplarité de Système U compromise par son opacité (5,3/10) 

Pour ses pratiques de vente de marque distributeur, Système U excelle au niveau environnemental avec 92 % de bonites à ventre rayé, une espèce non surpêchée, capturées utilisant des engins de pêche à faible impact. Cependant, l’enseigne est muette quant à la protection des droits humains. Elle doit donc impérativement publier une politique à ce sujet et s’engager à vérifier sa mise en œuvre tout le long de la chaîne de valeur, jusqu’aux navires de pêche. La marque obtient donc la note de 5,3/10 sur ses politiques d’approvisionnement. Bien que les données quantitatives pour les marques distributeur aient été fournies, la coopération a été évaluée à 5,3/10, car aucune donnée sur les produits de marque n’a été partagée malgré des demandes répétées, laissant une grande partie de son approvisionnement global dans l’opacité la plus complète. Des produits de la marque Petit Navire contenant du thon surpêché avec des méthodes destructrices ont d’ailleurs été trouvés dans leurs rayons.  

À lire aussi :

L’intégralité de notre rapport « Délibérément Ignorants » sur les supermarchés européens

Que faire en tant que consommateur ?

 Le constat étant fait, comment cesser de soutenir par ses achats la destruction de l’océan et des violations des droits humains ?  

Comme nous l’expliquons dans notre guide « je consomme moins et mieux », il faut d’abord se demander : ai-je vraiment besoin de manger ce thon ? Ce sandwich, ces sushis, cette boite de thon ?  

Les Français consomment 30% de thon de plus que la moyenne européenne par an (4 kg versus 3 kg). Mais il n’est aucunement question ici de sécurité alimentaire, comme veulent nous en convaincre les lobbies industriels. Nous pouvons parfaitement vivre sans manger de thon, et même en meilleure santé.  Le thon accumule en effet de grandes concentrations de métaux lourds comme le mercure. Les espèces les plus grosses (le thon albacore, le thon obèse et le germon) étant généralement les plus contaminées. Le mercure est un puissant neurotoxique en particulier pour les enfants en développement, pouvant entrainer des difficultés cognitives, des altérations de la mémoire, de l’attention, du langage et bien d’autres. Les industriels en France taisent ces effets, qui par leur omission font courir des risques aux femmes enceintes et aux enfants.   

Le thon émietté dans nos assiettes est bien loin de l’animal vivant, libre et puissant qui fend les eaux tropicales. Ces véritables torpilles naturelles méritent respect et admiration : pics de vitesse, performance biologique spectaculaire, migrations hors nomes, poids considérable, intelligence sensitive … Et nos industries les mettent en boîte pour qu’ils agrémentent nonchalamment quiches et sandwichs 

Le thon en boîte est pêché majoritairement des eaux de pays du Sud, qui contrairement à l’Europe, ont une alimentation qui repose grandement sur le poisson : dans de nombreux pays d’Afrique de l’Ouest, 70% des apports en protéine provient du poisson versus 7% en Europe. Les pratiques de pêche des industriels européens vident ces eaux et détruisent les écosystèmes, mettant en péril la sécurité alimentaire et le tissu socioéconomique côtier de populations entières. 

Si vous voulez continuer de manger du thon, consommez-en beaucoup moins, et choisissez le bien

1/ Vérifiez en priorité que toutes les informations de traçabilité soient visibles directement sur la boite : l’espèce de thon, la zone et la technique de pêche. Si d’autres informations sont présentes telles que le bateau de pêche et le nom ou le lieu de transformation, c’est encore mieux ! 

2/ Une fois ces informations identifiées, privilégiez la bonite (aussi appelé le listao, ou Katsuwonus pelamis de son nom scientifique), la pêche à la ligne, la canne ou à la traîne, et la zone de pêche la plus proche de vous, en général l’océan Atlantique (gardez-en tête que le plus souvent, l’océan Atlantique fait référence à la côte Ouest de l’Afrique, et non aux côtes françaises). Souvent, l’océan de pêche n’est pas cité directement, et dans ce cas, le code de la zone de pêche est inscrit sur le couvercle de la boîte. Ainsi, pour les zones les plus proches de la France métropolitaine il sera écrit « FAO 27 » ou « FAO 34 ». Au-delà de « FAO 50 », le thon viendra systématiquement de l’océan Pacifique ou Indien. 

Vous limiterez ainsi la pression sur les populations de thon, et les impacts écologiques de pêches destructrices. Concernant les droits humains, il est difficile de vous garantir une pêche exempte de tout risque, à moins d’aller chez un poissonnier qui travaille avec des pêcheurs artisans en circuit court.    

Notre enquête a montré que la marque Petit Navire vendait une quantité importante de thon surpêché : l’albacore et le thon obèse de l’océan Indien. Nous avons retrouvé ces espèces presque systématiquement en visitant les rayons de supermarchés en France. Malgré un marketing bien huilé pour faire passer ce thon comme étant issu d’une « démarche responsable », du thon surpêché, et en plus avec des méthodes industrielles destructrices, ne devrait pas être commercialisé. Vérifiez-bien les informations de traçabilité, même pour les boîtes de marque !  

Pour finir, ne vous fiez pas aux labels. Il n’existe aucun label fiable pour garantir la durabilité du thon tropical. Que ce soit le label MSC, dolphin safe, friends of the sea, etc. ces labels ne font absolument rien pour pousser les pêcheries à cesser de ravager les écosystèmes marins et brutaliser les humains. Pis, ils les certifient « durables » ! 

À lire aussi :

Lisez notre rapport « Le label de la mort » pour découvrir comment le MSC tire profit de la destruction de l’océan. 

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Le rapport établit un classement inédit des plus grandes enseignes européennes en fonction de leurs pratiques d’approvisionnement en thon tropical. Les résultats sont sans appel : la grande distribution vend aux consommateurs européens des produits à base de thon associés à des drames humains et écologiques. Pour faire cesser cette brutalité intolérable, BLOOM s’appuie d’une part sur la justice en mettant Carrefour en demeure pour manquement à son devoir de vigilance, et d’autre part sur la puissance citoyenne en lançant une pétition.

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