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07 novembre 2024

Le Conseil d’État rate une opportunité majeure de protéger l’océan et le climat

La protection de l’océan et du climat est décidément suspendue à un calendrier politique. C’est le 6 novembre, en plein maëlstrom de l’annonce de la victoire du climato-prédateur Donald Trump à la présidence des Etats-Unis que le Conseil d’État a décidé de rendre son arrêt sur le décret portant sur la « protection forte », que le gouvernement d’Emmanuel Macron avait pris en toute discrétion le 12 avril 2022, dans l’entre-deux-tours de la présidentielle, et que BLOOM a attaqué devant la plus haute juridiction administrative de France en octobre 2022. Il aura fallu deux ans au Conseil d’État pour statuer sur ce décret honteux qui consacre la protection des lobbies de la pêche et non celle des écosystèmes. Deux ans pour que les magistrats décident de rejeter le recours, de renoncer à leur pouvoir de coercition permettant de forcer le gouvernement à défendre l’intérêt général et à prendre les mesures nécessaires pour protéger notre avenir face au double effondrement du climat et des espèces sauvages. Cette décision désastreuse rendue, le 6 novembre après-midi, conforte la France dans son imposture écologique. Le Conseil d’État délivre ainsi un permis à la France de poursuivre le massacre des écosystèmes et du climat, en laissant, de facto, plus de 99% de l’espace maritime français à la merci quotidienne des navires industriels.  

Quelques jours après la COP16 formalisant la disparition inexorable des espèces animales sur Terre et avant la COP29 sur le climat qui se tiendra à Bakou dans une pétrodictature, ce renoncement du Conseil d’État à assurer une protection véritable des écosystèmes est une nouvelle accablante pour l’océan, et donc pour l’humanité.  

L’enjeu était vital. Alors que la France parle beaucoup de protection mais échoue à l’appliquer (la France clame avoir 30% d’aires marines « protégées » mais moins de 0,1% des eaux françaises interdisent les activités destructrices), le Conseil d’État avait l’occasion de forcer le gouvernement d’Emmanuel Macron à mettre en œuvre l’une des recommandations-phares des experts du GIEC pour sauver le climat : la protection et la restauration des écosystèmes. 

En rejetant le recours de BLOOM, la plus haute juridiction administrative reste dans une interprétation minimaliste de son rôle. Le Conseil d’État reprend les arguments du rapporteur public qui, sans surprise, avait plaidé contre le recours, en disant en somme que ce décret n’entrait pas en conflit avec le droit.  

Un décret à l’impact minimisé par le Conseil d’État

Pour le Conseil d’État, la notion de “protection forte”, créée par la France pour protéger les intérêts des lobbies de la pêche industrielle et non les écosystèmes marins, n’a aucun effet normatif. Pourtant, cette définition permet de perpétuer le passage de bulldozers des mers dans des zones vulnérables et sensibles, renforçant la destruction de la biodiversité et réduisant par là-même notre capacité à faire face au dérèglement climatique. Le GIEC rappelle que la protection des écosystèmes est le second levier le plus efficace pour enrayer le dérèglement climatique. 

« Ce manque d’audace est un choix politique de la part du Conseil d’État qui aurait au moins pu resituer le décret dans un contexte plus large » juge Swann Bommier, directeur du plaidoyer chez BLOOM.  

Un contexte européen d’abord, avec l’attente explicite de la Commission européenne auprès des États-membres pour qu’ils protègent enfin réellement les aires marines dites « protégées ». Rappelons que cette notion fantoche de “protection forte” a sciemment été construite par le gouvernement Macron en opposition aux recommandations européennes : quand la France définit en catimini le concept de “protection forte” en avril 2022, elle connaissait déjà très bien la définition de la Commission européenne sur la notion de “protection stricte”.  

Un contexte scientifique ensuite, avec une définition très claire fournie par l’Union internationale pour la conservation de la nature de ce qu’est, ou non, une aire marine protégée (AMP) : une zone dite « protégée » qui autorise des activités et infrastructures industrielles ne peut en aucun cas être qualifiée de « protégée ».  

Un contexte d’effondrement de la biodiversité et du climat pour finir. « Alors que les espèces sauvages enregistrent un recul inédit et que la civilisation humaine commence à comprendre ce qu’il en coûte en désastres économiques et en vies d’avoir ignoré l’impératif climatique, le Conseil d’État entérine l’imposture de la protection forte « à la française » qui autorise par défaut la conduite des activités les plus impactantes et n’envisage la protection qu’au « cas par cas » », s’indigne Zoé Lavocat, chargée de campagne sur la protection de l’océan chez BLOOM. 

«Cette décision envoie un message sombre qui dit essentiellement deux choses : en premier lieu, que les citoyens sont seuls face à l’effondrement du politique et qu’ils ne peuvent pas compter sur les institutions judiciaires ou administratives pour forcer la protection des écosystèmes, de l’intérêt général et de leur avenir immédiat », estime Swann Bommier. « En second lieu, qu’il ne reste plus qu’une solution pour sortir de cette quadrature du cercle entre un système politique inféodé aux lobbies des pêches industrielles et le refus des institutions de protéger le climat et l’océan : les contentieux sur la base du corpus juridique existant. » 

Puisque le Conseil d’État, par cette décision purement légaliste, prétend refuser de faire du politique, tout en inscrivant sa démarche dans un calendrier qui ne saurait l’être davantage, Emmanuel Macron doit, au nom des plus de 110 000 pétitionnaires réunis par BLOOM et de 78% des Français qui veulent une véritable protection des aires marines protégées, annuler ce décret honteux et en finir avec la fausse protection « à la française », en alignant la définition en France sur la protection « stricte » européenne.  

A sept mois du sommet des Nations Unies sur l’Océan (UNOC) que la France doit accueillir, les acteurs politiques doivent prendre leurs responsabilités. Qui, après ce refus d’obstacle du Conseil d’État, peut véritablement protéger les aires marines protégées, sinon finalement le Président de la République et son Premier ministre ?  


Pour en savoir plus : 

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