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21 septembre 2024

Le Conseil d’État face à la stratégie française d’inaction climatique

La décision du Conseil d’État fera date.

Après avoir clarifié en 2020 et 2021 que les engagements pris par l’État en matière de réduction d’émissions de gaz à effet de serre étaient bel et bien contraignants[1], le Conseil d’État est de nouveau appelé à juguler l’inaction climatique du gouvernement en se prononçant sur le deuxième levier le plus efficace pour endiguer le réchauffement du climat : la protection des écosystèmes.

A l’automne 2022, BLOOM avait déposé un recours contre un décret gouvernemental permettant à la France de ne jamais avoir à protéger ses aires marines dites « protégées », malgré les engagements pris devant la communauté internationale et le cadre clair défini par la Commission européenne de ce que « protéger » signifiait. La France possède le premier espace maritime européen et le second au niveau mondial mais échoue lamentablement à prendre des mesures concrètes pour protéger l’océan.  Les efforts de communication colossaux déployés par le Président Macron pour faire croire le contraire n’ont pas permis de masquer que la France protège moins de 0,1% de son espace marin, bien loin des 30% revendiqués. Les faits sont têtus.

Au lieu d’être un phare ambitieux et responsable de l’action océanique et climatique au sein de l’UE, La France déploie au contraire une stratégie climaticide entêtée pour préserver les intérêts du minuscule secteur de la pêche industrielle (moins de 0,1% du PIB français). C’est ainsi qu’elle s’est engagée dans un bras de fer normatif avec la Commission européenne pour prendre de court la norme réglementaire en devenir en vidant de son sens le terme même de « protection ». Le décret attaqué par BLOOM devant le Conseil d’État porte sur la définition de la « protection forte », c’est-à-dire le degré le plus élevé de protection, qui devrait correspondre à la « protection stricte » fixée par la Commission européenne selon des recommandations scientifiques internationales unanimes. Mais ce décret, pris discrètement dans l’entre-deux-tours de l’élection présidentielle en avril 2022, réussit, dans un charabia inintelligible, à contredire en tous points la notion de « protection stricte » que la Commission européenne avait pourtant pris soin de clarifier quatre mois plus tôt, en janvier 2022.

La protection « stricte » européenne implique l’interdiction de toutes les activités humaines extractives, sans exception. La protection « forte » à la sauce française, n’en interdit aucune. Cherchez l’erreur.

D’un côté, la Commission européenne fixe les moyens de mener des actions concrètes et urgentes pour protéger nos sociétés des cataclysmes que génère le changement climatique. De l’autre, la France produit un langage législatif alambiqué pour protéger les destructeurs du climat sans en avoir l’air. En se conduisant ainsi, le gouvernement d’Emmanuel Macron agit avec détermination pour accélérer la catastrophe climatique.

A la suite de l’audience de vendredi 20 septembre au Conseil d’État, BLOOM déposera lundi 23 septembre une note en délibéré à l’intention des magistrats. Le Conseil d’État rendra sa décision dans les semaines à venir.

Rappelons que la flotte de chalutiers de fond protégée par le gouvernement Macron est constituée de 711 navires seulement[2], tous structurellement déficitaires et dépendants, pour leur survie, des aides publiques directes et indirectes, notamment des aides au gasoil, qui leur sont versées chaque année par centaines de millions d’euros[3]. Le chalutage est reconnu comme l’une des techniques de pêche les plus climaticides et écocides. Les passages incessants des chalutiers sur les fonds marins sont responsables de 90% de l’abrasion annuelle des fonds marins générée par la pêche : ils endommagent chaque année une surface supérieure à 600 000 km2, soit plus grande que la France elle-même. Les chalutiers tirent de lourds engins de pêche qui détruisent les écosystèmes, puits naturels de carbone, et délogent le carbone stocké naturellement dans les sédiments. Jusqu’à 60% de ce carbone remis en suspension pénètre dans l’atmosphère en quelques années. Par ailleurs, les chalutiers génèrent 2 à 3 fois moins d’emplois que la petite pêche artisanale et sont 3 à 4 fois moins rentables qu’elle[4].

Rappelons par ailleurs que ce qui est en cause ici, ce n’est pas l’inaction de la France, mais bien son action contre le climat et les écosystèmes. La chronologie parle d’elle-même :

[1] En juillet 2021, après avoir été saisi par la ville de Grande-Synthe et des associations, le Conseil d’État avait enjoint au Gouvernement de prendre, d’ici le 31 mars 2022, toutes les mesures permettant d’atteindre l’objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre de -40% en 2030 par rapport aux niveaux de 1990.

[2] Commission européenne (2024) Registre de la flotte.

[3] Voir l’analyse produite par BLOOM et l’Institut Rousseau en janvier 2024 détaillant le budget de l’État : « À contre-courant. L’action publique et les enjeux de transition : synthèse des subventions publiques allouées au secteur de la pêche en France entre 2020 et 2022 ».

[4] Voir le rapport « Changer de cap » produit par un groupement de recherche initié par BLOOM.

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