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22 octobre 2024

Directive sur la taxation de l’énergie : l’Union européenne à l’heure des choix

À l’initiative de l’ONG Transport&Environment, BLOOM co-signe une lettre demandant aux décideurs européens de reprendre en main les négociations sur la révision de la directive sur la taxation énergétique et d’empêcher les États Membres de saboter, au sein du Conseil européen, la proposition d’introduire progressivement une taxation minimale des carburants fossiles pour l’aviation civile et le secteur maritime, y compris la pêche.

« Une catastrophe climatique irréversible »

Records historiques de température à la surface du globe[1], réchauffement inédit de l’océan[2], effondrement des puits de carbone, franchissement en cours d’une nouvelle limite planétaire (la 7e sur les 9 identifiées[3]) …  Le dérèglement climatique est bel et bien là et ses effets dévastateurs commencent tout juste à se manifester dans nos vies, comme en témoigne la survenue de plus en plus fréquente et brutale de phénomènes météorologiques extrêmes, à l’instar des inondations mortelles qui ont frappé l’Europe centrale au mois de septembre 2024[4].

Les scientifiques, qui n’ont de cesse de nous alerter depuis des décennies sur cette montée inexorable et irréversible des périls, ont réitéré leur cri d’alarme dans le Rapport sur le climat 2024 qui vient d’être publié[5]. Leurs conclusions sont sans appel : « Nous sommes au bord d’une catastrophe climatique irréversible ».

Atteindre nos objectifs climatiques est un enjeu vital

L’heure n’est donc plus aux tergiversations, ni aux mesures en demi-teinte mais à la mobilisation générale, à commencer par celles de nos décideurs politiques et de nos institutions qui ont, entre leurs mains, l’avenir de nos sociétés. Car la lutte contre le dérèglement climatique est un enjeu existentiel pour l’ensemble de l’humanité. Rien de moins.

Dans la courte fenêtre qu’il nous reste pour tenter de conserver un monde habitable, il est donc vital de mobiliser tous les instruments à notre disposition pour atteindre les objectifs climatiques et engager la transition de nos sociétés – c’est-à-dire la transformation de nos modes de production et de consommation – vers un modèle durable sur les plans écologique, social et économique.

Dans le cadre du Pacte vert initié en 2019, la Commission européenne a proposé en juillet 2021 une série de mesures juridiquement contraignantes[6] (appelée « Fit for 55 ») visant à réduire nos émissions de CO2 d’au moins 55% par rapport aux niveaux de 1990 d’ici 2030, dont la révision de la directive sur la taxation énergétique constitue l’une des pièces-maîtresses.

Réformer la directive sur la taxation de l’énergie

En vigueur depuis le début des années 1980, la directive sur la taxation énergétique oblige tous les États Membres de l’Union européenne à appliquer une détaxe sur le carburant fossile utilisé pour le transport maritime, la pêche et l’aviation. Au lieu d’utiliser la taxation comme levier pour encourager la transition écologique, l’Union européenne maintient donc par ce biais un régime fiscal qui, non seulement favorise l’utilisation de carburants fossiles au détriment d’autres sources d’énergie, mais qui bénéficie en absolu aux plus grands pollueurs, étant donné que son calcul repose sur le volume de carburant consommé. D’un autre côté, en continuant à ne percevoir aucune recette sur l’utilisation de carburants fossiles, les États se privent de moyens pourtant stratégiques pour financer une transition énergétique et écologique assurément coûteuse.

Une révision ambitieuse de cette directive permettrait donc de sortir de l’impasse mortifère dans laquelle nous sommes collectivement enfermés tout en dégageant les moyens nécessaires pour financer la transition. Il est d’ailleurs à noter que, parmi les différentes voix qui se sont exprimées en faveur d’une révision ambitieuse de cette directive, l’ancien président de la Banque centrale européenne Mario Draghi et l’ancien président du conseil italien Enrico Letta ont, dans les rapports qu’ils ont respectivement publiés en 2024[7], souligné l’importance d’adopter cette directive pour atteindre les objectifs climatiques mais également assurer le bon fonctionnement d’un marché unique européen compétitif et véritablement soutenable.

Arrêter de subventionner la destruction de l’océan

 Alors que la pêche a été reconnue comme la première cause de destruction de l’océan par les experts de l’IPBES  et que l’Union européenne a publié, en février 2023, un Paquet pour l’océan comprenant un volet sur la transition énergétique du secteur de la pêche, les navires européens les plus destructeurs sont les premiers bénéficiaires de ce régime, étant donné qu’ils utilisent des engins trainants qui consomment une grande quantité de carburant.

D’après un rapport publié en 2021 par Our Fish, la flotte de pêche européenne consomme en effet chaque année 2,3 milliards de litres de carburant, émet 7,3 millions de tonnes de CO2 et bénéficie d’une détaxe comprise entre 759 millions d’euros et 1,5 milliards d’euros[8].

En France, nous avons montré dans le rapport intitulé « À contre-courant » que la part de la détaxe sur le carburant représente 63% du montant total des subventions publiques allouées au secteur de la pêche, dont près de la moitié est captée par les navires de plus de 24 mètres alors qu’ils ne représentent que 3% de la flotte[9].

État des lieux des négociations

Alors que la majorité des États Membres au Conseil veut maintenir la détaxe pour les carburants fossiles, les plus avant-gardistes proposent une phase de transition de vingt ans ce qui anéantit d’emblée toute chance d’atteindre les objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre d’au moins 55% d’ici 2030 et d’arriver à la neutralité carbone en 2050, comme le prévoit le Pacte vert européen.

Or, la consommation de carburants fossiles est le premier facteur de réchauffement climatique. En l’absence de taxation progressive sur les carburants fossiles, les secteurs de production qui en sont actuellement dépendants ne recevront donc que des injonctions à la transition mais aucune incitation, ni aucun soutien concrets à s’engager dans des modes de production durables écologiquement et socialement. Autrement dit, la transition ne sera qu’un vœu pieux, sans aucune prise avec le réel.

Si le destin de nos enfants nous tient à cœur et que nos engagements internationaux ne sont pas des paroles vaines, il est indispensable d’éliminer progressivement les subventions aux carburants fossiles, y compris les aides indirectes accordées sous forme de détaxes.

Aux côtés de Transport & Environment et des autres ONG co-signataires, BLOOM appelle donc les décideurs européens à reprendre en main les négociations sur la révision de la directive sur la taxation énergétique et à adopter des décisions ambitieuses qui respectent nos engagements et objectifs climatiques.

Références

[1] https://www.francetvinfo.fr/meteo/climat/climat-l-annee-2023-a-ete-la-plus-chaude-de-l-histoire-au-niveau-mondial-confirme-le-service-europeen-copernicus_6292485.html

[2] https://www.lemonde.fr/planete/article/2024/02/01/dans-les-oceans-des-records-de-temperatures-impressionnants-et-inquietants_6214173_3244.html

[3] https://www.theguardian.com/environment/2024/sep/23/earth-breach-planetary-boundaries-health-check-oceans

[4] https://www.lesechos.fr/monde/enjeux-internationaux/inondations-en-europe-centrale-le-rechauffement-climatique-pointe-du-doigt-2119454

[5] https://academic.oup.com/bioscience/advance-article/doi/10.1093/biosci/biae087/7808595

[6] https://www.touteleurope.eu/environnement/pacte-vert-europeen-les-12-mesures-proposees-par-la-commission-pour-une-reduction-des-emissions-carbone/

[7] Rapport de la commission européenne en 2024

[8] https://our.fish/wp-content/uploads/2021/09/Fuel-subsidies-report-FR.pdf

[9] https://bloomassociation.org/wp-content/uploads/2024/01/A-contre-courant.pdf

Pour en savoir plus

 

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