17 mars 2023
A l’initiative de BLOOM, l’association de petits pêcheurs européens LIFE (« Low-Impact Fishers of Europe ») et 27 pêcheurs français, belges, néerlandais et britanniques ont déposé le 14 mars devant la Cour de Justice de l’Union européenne un recours en carence contre la Commission européenne pour « abstention illégale d’action » et « mauvaise administration » dans le scandale européen de la pêche électrique.
La Commission européenne a en effet refusé d’instruire la plainte déposée par les pêcheurs1Sur la base du principe de l’intérêt à agir, qui requiert que le plaignant ait directement subi un préjudice financier, BLOOM ne peut pas se porter partie plaignante. Nous avons donc fourni toutes les preuves et le suivi de ce dossier. au printemps 2021 pour obtenir le remboursement des subventions illégales allouées à la pêche électrique.
La plainte des pêcheurs que la Commission a ignorée porte sur des faits antérieurs à l’interdiction par l’UE de la pêche électrique, effective depuis le 1er juillet 2021, à la suite d’une intense campagne de BLOOM et des pêcheurs côtiers. Le bienfondé de la plainte initiale était pourtant clair : les Pays-Bas avaient équipé cinq fois plus de navires à la pêche électrique que la limite autorisée (84 contre 15), alors que le soutien financier alloué aux flottes européennes est subordonné au respect des règles de la Politique commune de la pêche (PCP). En enfreignant le cadre réglementaire imposé par l’Union européenne, les subventions européennes allouées à la pêche électrique étaient donc, elles aussi, illégales.
En toute logique, donc, la Commission européenne aurait dû instruire la plainte des pêcheurs de 2021 et ouvrir une procédure d’infraction à l’encontre des Pays-Bas. Au lieu de cela, la Commission a adopté une stratégie d’usure pour tenter de se débarrasser de la plainte, en jouant la montre et la mauvaise foi et en comptant sur l’essoufflement de BLOOM et des pêcheurs.
C’était évidemment mal jauger les acteurs en présence, habitués par un gouvernement français cynique et un organe de représentation professionnelle (le Comité national des pêches maritimes et des élevages marins – CNPMEM) complice des industriels néerlandais, à devoir déployer un niveau de persévérance hors normes pour obtenir gain de cause.2Le gouvernement Macron a fait barrage à l’interdiction de la senne démersale pourtant réclamée par 98% des pêcheurs normands et du Nord. https://bloomassociation.org/trilogue-senne/
Habituellement, les recours devant la Cour de Justice de l’Union européenne sont réservés aux États membres et à la Commission européenne. BLOOM avait constaté cette impuissance citoyenne lorsque la Commission européenne1Le 1er février 2021, la direction des pêches de la Commission européenne reconnait les infractions sur le nombre de dérogations allouées à la pêche électrique et annonce qu’il appartient au Collège des Commissaires d’ouvrir ou non « une procédure formelle d’infraction contre les Pays-Bas » pour non-respect du droit de l’Union européenne. Aucune poursuite ne sera engagée. puis la France2https://bloomassociation.org/sanctions-peche/ avaient refusé de saisir la Cour de Justice alors que l’illégalité des licences accordées aux navires néerlandais était devenue patente, en 2019.3A l’inverse, en 2019, les Pays-Bas n’avaient pas hésité à saisir la Cour de Justice de l’Union européenne pour tenter d’obtenir l’annulation de l’interdiction de la pêche électrique décidée démocratiquement par l’Union.
Le recours actuel fait partie des rares exceptions qui permettent aux citoyens qui ont été directement touchés dans leurs intérêts économiques de saisir la Cour de justice de l’Union européenne. C’est le cas des pêcheurs qui ont subi une distorsion de concurrence en raison du financement de la pêche électrique par des subventions publiques. BLOOM a préparé le recours mais ne peut pas être co-plaignant car une association de défense de l’environnement n’a pas « d’intérêt à agir » aux yeux de la plus haute institution judiciaire européenne, ce qui est un frein immense à l’efficacité des ONG.
BLOOM place néanmoins de fortes attentes dans ce recours qui représente la dernière chance d’obtenir justice pour les citoyens et notamment les contribuables européens, les écosystèmes marins et les pêcheurs côtiers. Rappelons que la pêche électrique a eu des conséquences dramatiques sur la flottille des fileyeurs qui ont subi une faillite collective et entrainé la fermeture de la criée de Dunkerque à l’automne 2020.
La mauvaise administration des fonds publics dénoncée par BLOOM et les pêcheurs dans leur recours se poursuit inexorablement aux Pays-Bas, à une échelle plus grave encore : dans le cadre des fonds alloués au Brexit, cet Etat membre vient de décider de financer la démolition des anciens navires pratiquant la pêche électrique par le biais d’une enveloppe de 155 millions d’euros attribuée à 70 de ces chalutiers. Il est inacceptable que l’argent public soit de nouveau utilisé pour indemniser les industriels qui se sont enrichis grâce au contournement de la loi.
les dossiers « Mains dans la main« et « Au-delà de l’illégal« qui illustrent la connivence entre la Commission européenne et les industriels de la pêche électrique.
En mars 2021, LIFE et 36 pêcheurs européens ont déposé plainte auprès du service concurrence de la Commission européenne (DG COMP) afin de demander le remboursement des subventions publiques allouées à la pêche électrique.
Le 16 avril 2021, la DG COMP envoie un courrier à chaque plaignant en prétendant « qu’il s’agit d’une question qui relève de la politique de la pêche ». Ces derniers ont contesté cette décision et demandé l’enregistrement de leur plainte en faisant appel à un bureau d’avocats par courrier du 4 août 2021.
Le 22 novembre 2021, la DG COMP écrit « qu’aucun lien [n’a] pu être établi entre un paiement effectué dans le cadre du FEP et du FEAMP et une activité de la pêche au chalut électrique » et conclut ainsi : « nous ne voyons pas d’éléments d’aide d’État potentiellement illégale qui nécessiteraient un examen plus approfondi ».
Le 4 avril 2022, la coalition de pêcheurs soutenue par BLOOM a renvoyé, via le cabinet d’avocat en charge du dossier, un courrier complété de preuves supplémentaires. Après une relance, pour lui rappeler ses obligations, la DG COMP a répondu le 9 septembre 2022 « qu’il n’y a pas eu violation des règles applicables aux fonds de pêche de l’UE. »
Le 8 novembre 2022, la coalition de pêcheurs a envoyé, par voie d’avocat, une mise en demeure à la Commission européenne, le dernier rappel avant l’action en justice.
02 février 2021
08 novembre 2022
Le dossier de la pêche électrique continue à faire parler de lui, n’en déplaise à la Commission européenne, dont le silence sur les subventions illégalement allouées à la pêche électrique1Dans une publication scientifique parue en mars 2019, BLOOM démontrait qu’au moins 21,5 millions d’euros avaient été alloués au soutien, à la légitimation et au développement de la pêche électrique aux Pays-Bas. n’a que trop duré. Avec le soutien de BLOOM, une coalition de petits pêcheurs européens a envoyé, par voie d’avocat, une mise en demeure à la Commission européenne, un dernier rappel avant une possible action en justice.
21 octobre 2022
Que se passe-t-il quand BLOOM se met en travers du chemin d’industriels prêts à tout pour faire du profit ? Dans une nouvelle bande dessinée, Sébastien Girard raconte le combat de BLOOM contre les industriels néerlandais de la pêche électrique.