29 juillet 2025
L’océan étouffe sous une marée de plastiques et c’est aujourd’hui une crise systémique hors de contrôle : plus de 120 millions de tonnes de plastiques (1) se trouvent actuellement dans nos océans et nos mers et la production de plastiques ne cesse d’augmenter. Depuis 2022, les États négocient un traité international pour lutter contre la pollution plastique au niveau mondial. Devant initialement durer deux ans, ce processus n’a pas encore abouti : la cinquième session de négociation, qui s’est tenue en novembre 2024 à Busan en Corée du Sud, initialement prévue pour être la dernière, fut un échec cuisant. Le comité intergouvernemental de négociation se réunira pour une ultime session du 5 au 14 août 2025 à Genève, deux mois après la troisième Conférence des Nations Unies sur l’océan à Nice, pour tenter d’aboutir à un accord. Si s’attaquer au plastique est si difficile, c’est qu’il est omniprésent dans notre quotidien et dans tous les secteurs de l’économie, et notamment l’industrie fossile. Le traité plastique a donc une très forte dimension géopolitique et économique.
Débloquer les négociations nécessitera que tous les pays sortent des jeux de posture et entérinent la réduction de la production des plastiques vierges ainsi que la répartition des efforts, y compris financiers, pour juguler les pollutions plastiques dans toutes ses dimensions. La question des pollutions plastiques est bien une question “Nord-Sud” : les pays de l’Union européenne font certes partie de la « Coalition de la Haute Ambition » mais étant donné leur place dans l’industrie plasturgique mondiale et leur consommation de plastique, il leur incombe, France et Allemagne en tête, d’être force de proposition sur la répartition de l’effort.
La production mondiale de plastique n’a cessé de croitre depuis les années 1950. Elle a même doublé en moins de vingt ans, entre 2000 et 2019, passant de 234 à 460 millions de tonnes. Au rythme actuel, la production annuelle devrait quasiment doubler d’ici 2040. Cette économie du plastique est largement linéaire et conduit à la production massive de déchets : 353 millions de tonnes de déchets plastiques sont produits chaque année à l’échelle mondiale, et ce chiffre devrait presque tripler d’ici 2060. Seuls 9% de ces déchets sont recyclés, et cette part ne devrait pas augmenter significativement, voire diminuer en proportion selon les projections. Une partie conséquente de ces déchets se retrouve donc en milieu naturel, contaminant les écosystèmes marins et terrestres. Ils se présentent sous différentes formes, allant des macroplastiques (objets ou fragments de plus d’1 cm), aux microplastiques (particules inférieures à 5 mm) et jusqu’aux nanoplastiques, invisibles à l’œil nu.
De l’extraction et la fabrication, jusqu’à l’usage et la gestion des déchets, le cycle de vie des plastiques génère de nombreuses pollutions (climatiques, chimiques et physiques), qui affectent les écosystèmes et la santé humaine de nombreuses manières. En effet, les plastiques sont un enjeu climatique majeur : 99% d’entre eux sont issus du pétrole et du gaz de schiste, et leur production est déjà responsable d’environ 4% des émissions globales de gaz à effet de serre, une proportion qui pourrait considérablement augmenter d’ici 2050, jusqu’à représenter entre 21 et 26% du budget carbone mondial restant pour limiter le réchauffement climatiquement à 1,5°C. Les plastiques sont également sources de pollutions chimiques du fait des substances et des additifs toxiques incorporés aux plastiques pour leur donner leurs propriétés. Plus de 16 000 substances chimiques ont été retrouvées dans des plastiques commercialisés, dont plus de 4 000 ont des effets toxiques avérés. Ses substances peuvent être libérées tout au long du cycle de vie et elles ont des conséquences sur le fonctionnement des écosystèmes et sur la santé humaine, notamment neurotoxiques, reprotoxiques, immunitaires et endocriniennes.
La question de la pollution par les macro, micro ou nanoplastiques représente également un enjeu de taille. Les microplastiques et nanoplastiques notamment, dont on ne s’est que récemment rendu compte de leur omniprésence dans l’environnement et dans les corps humains, représentent un risque environnemental et sanitaire majeur. Provenant de l’usure des pneus, des fibres synthétiques relâchées dans les eaux de lessives, des produits cosmétiques, des granulés de plastique, ou bien de la fragmentation de macroplastiques, ces microplastiques sont dispersés dans l’air, les sols et l’océan. Ils sont ensuite inhalés ou ingérés par les êtres humains et les animaux et s’accumulent dans nos organes, en particulier le cerveau. Les chercheurs ont trouvé des concentrations 10 fois supérieures de microplastiques dans les cerveaux d’individus atteint de démence.
Si la majorité de la pollution plastique de l’océan provient des activités à terre, une part importante provient également des activités en mer et en particulier de la pêche industrielle. En effet, des études récentes ont montré que deux tiers des macroplastiques qui constituent le “continent de plastique” dans le gyre océanique du Pacifique Nord proviennent de débris de filets de cordage utilisés pour la pêche industrielle.
La problématique de la pollution plastique est donc bien loin de se cantonner au sujet des déchets plastiques. Elle est systémique et touche directement notre quotidien et tous les secteurs économiques. Cette pollution physique, climatique et chimique incontrôlable tout au long du cycle de vie des plastiques nécessite de prendre des mesures en amont. C’est pour cela que le traité mondial contre la pollution plastique est important, car c’est un effort mondial coordonné qui doit être mis en place, selon la responsabilité des États. Mais c’est également pourquoi les négociations pour y aboutir sont si difficiles. Le projet de traité juridiquement contraignant porte sur l’ensemble du cycle de vie du plastique, et c’est précisément cet enjeu qui oppose les pays.
Un des principaux points de dissensus concerne la réduction de la production de plastiques, pourtant une nécessité absolue. Lors de la quatrième session de négociation en avril 2024, le Rwanda et le Pérou proposaient de réduire la production mondiale de plastique de 40% entre 2025 et 2040, un objectif ambitieux soutenu par les pays membres de la Coalition de la Haute Ambition pour mettre fin à la pollution plastique1, initiée et co-présidée par le Rwanda et la Norvège, et dont la France et l’UE font partie. Les “Like-minded countries”, principalement des pays producteurs de pétrole, dont l’Arabie Saoudite, la Russie et l’Iran, mais également la Chine et l’Inde, font obstruction et s’opposent à tout objectif de réduction de production. Remettant en cause le mandat confié par les Nations Unies, ils cherchent à limiter la portée du traité à la gestion des déchets et du recyclage. Bien que la nouvelle version du projet de texte, qui sert de base aux négociations, inclut désormais la possibilité de fixer un “objectif mondial” pour la production et la consommation de plastiques vierges, et que le nombre de pays engagés pour un traité ambitieux incluant un objectif de réduction de la production de plastiques a significativement augmenté, cette question risque de cristalliser les débats en août à Genève.
Un autre point fondamental de désaccord, cette fois entre les pays du Nord et du Sud, concerne la répartition des responsabilités et des efforts pour garantir une transition juste. Tandis que les pays du Sud réclament que le traité soit ancré dans des principes de solidarité et de “responsabilité commune mais différenciée”, les pays du Nord font la sourde oreille ou s’y opposent. Cette question est complexe mais doit être sérieusement abordée. Si la chaîne de valeur mondiale du plastique actuelle est complexe et globalisée, compliquant l’attribution de la responsabilité, et que les données historiques sur la production cumulée par pays manquent, certains pays, notamment les États-Unis et l’Union européenne, ont une responsabilité particulière d’un point de vue de la production et de la consommation mondiale2. Les sujets à traiter à Genève doivent comprendre non seulement la répartition des efforts mais aussi l’aide financière et technique à apporter aux pays ayant le moins de moyens disponibles.
L’enjeu est également de ne pas limiter les mécanismes d’aide financière et technique au seul traitement des déchets, mais de s’assurer qu’ils prennent en compte le coût des effets des plastiques sur le changement climatique, la perte de la biodiversité et la santé tout au long du cycle de vie, afin de garantir une transition juste pour toutes les populations, en particulier les plus fragiles.
À Nice, lors de la Conférence des Nations Unies sur l’océan, une centaine d’États ont appelé à l’adoption d’un traité juridiquement contraignant, couvrant l’ensemble du cycle de vie des plastiques. Cet appel inclut la nécessité de fixer un objectif clair de réduction de la production de plastiques vierges ainsi que d’éliminer les substances chimiques préoccupantes présentes dans ces matériaux. Si cette déclaration réaffirme les enjeux majeurs du futur traité, elle doit désormais se traduire en actes concrets.
Lutter contre les pollutions plastiques est une nécessité absolue. Les pays membres de la Coalition pour la Haute Ambition doivent faire bloc face aux “Link-minded countries” afin de garantir l’intégration d’un objectif de réduction de la production de plastiques, sans lequel le traité perdrait toute crédibilité.
La France et l’Union européenne ont également la responsabilité d’engager un dialogue franc et constructif sur la question des rapports Nord-Sud, notamment concernant la répartition des responsabilités et des efforts.
07 juin 2025
« UNOC3 », le sigle de la troisième conférence des Nations Unies sur l’océan, sera donc associé au naufrage du politique en France. Dans un entretien donné à la PQR en amont de la journée mondiale de l’océan pour écraser de la communication présidentielle tout l’espace de mobilisation citoyenne du 8 juin, Emmanuel Macron a consacré son impuissance et son inutilité : il a confirmé aux lobbies de la pêche industrielle que c’étaient bien eux les maîtres du jeu, qu’ils pourraient continuer à régner sur l’océan contre l’intérêt général et poursuivre, sans encombre, la destruction inexorable de la biodiversité et du climat. Le Président a mis en scène l’annonce… du statu quo ! Il a en effet confirmé que l’imposture de la politique de protection maritime de la France se poursuivrait, à savoir qu’il n’existerait jamais de cadre contraignant pour protéger véritablement les aires marines dites « protégées. La fausse protection « à la française » continuera à se faire au cas par cas, confetti par confetti, si et seulement si elle recueille un « consensus » entre scientifiques et pêcheurs. Ce qu’a annoncé le Président correspond à ce que la France fait déjà, c’est-à-dire rien.
28 avril 2025
Alors que s’ouvre aujourd’hui à Busan la conférence internationale « Our Ocean, our action » dédiée à la protection de l’océan, la France se démarque par son action diplomatique délétère, compromettant l’avenir de l’océan et du climat.
À quelques semaines de la présentation du Pacte européen pour l’océan et de l’accueil de la Conférence des Nations Unies pour l’océan à Nice, la France devrait, en tant que première puissance maritime européenne, prendre ses responsabilités et annoncer enfin de vraies mesures pour la protection des eaux françaises et européennes. Pourtant, à rebours des recommandations scientifiques et des objectifs internationaux, la France se fait encore et toujours la porte-parole des lobbies industriels.
03 octobre 2016
Une récente publication scientifique révèle la présence de micro-plastiques dans les organismes vivant dans les profondeurs de l’océan.