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20 mai 2025

Big Five, Big Money : Quand les aides Brexit alimentent la pêche électrique et les géants de la pêche néerlandaise

Bis repetita.

Après la découverte de fraudes massives aux aides COVID (1) en 2022, cette nouvelle enquête explosive de BLOOM révèle un scandale financier majeur et des dysfonctionnements graves aux Pays-Bas dans le secteur de la pêche industrielle, en lien avec les autorités publiques. Notre analyse des subventions européennes accordées dans le cadre du Brexit en vertu des arrêtés ministériels néerlandais du 25 juillet 2022 (2) et du 12 avril 2023 (3) dévoile comment les aides publiques, censées soutenir les pêcheurs en difficulté, ont été majoritairement captées par une poignée de géants industriels et attribuées de façon abusive, voire illégale. Les 135 millions d’euros de fonds européens qui devaient atténuer les conséquences de la perte d’accès aux eaux britanniques et la réduction des quotas de pêche de certaines espèces pour les pêcheurs néerlandais ont été attribués à 51 navires pour leur démantèlement (97,4 millions d’euros) et à 71 navires (36,5 millions d’euros) pour des arrêts temporaires d’activité de pêche (4).

Les Big Five raflent la mise

Les principaux bénéficiaires de cette manne financière sont les majors de la pêche industrielle néerlandaise, les « BIG FIVE » — Parlevliet & Van der Plas (P&P), Cornelis Vrolijk, Van der Zwan, Alda Seafood et la famille De Boer — qui ont perçu 53,2 millions d’euros sur les 135 millions de l’enveloppe, soit 40% de toutes les subventions versées. Par ailleurs, quand on examine ces aides par méthode de pêche, deux grands gagnants se distinguent :

1) Les chalutiers ayant pratiqué la pêche électrique.

Ce sont les principaux bénéficiaires des subventions Brexit, avec 69,4 millions d’euros reçus (5). Les chalutiers de fond qui s’étaient équipés en électrodes à partir de 2007 ont bénéficié de dérogations et de subventions illégales (6) pour pratiquer la pêche électrique, une méthode de pêche destructrice des écosystèmes marins et de la pêche artisanale, interdite en 2021 à la suite d’une campagne victorieuse de BLOOM. Ces navires étaient en banqueroute au moment où, en 2006, les Pays-Bas ont réussi à arracher à l’UE des dérogations malhonnêtes pour pratiquer l’électrocution de la faune marine. Après un développement illégal de cette pêche destructrice sur fonds publics, et depuis son interdiction, les chalutiers électriques sont revenus à la case départ : la faillite. Les prix du carburant et les faibles captures ne permettent pas la rentabilité du chalutage, trop énergivore. BLOOM a porté plainte contre ces subventions illégales auprès de la Commission européenne. Après des années de combat de BLOOM et des pêcheurs artisans, le 13 novembre 2024, la Cour de Justice de l’Union européenne a condamné l’inaction de la Commission concernant l’octroi de ces subventions illégales à la pêche électrique néerlandaise. Alors que la procédure pour obtenir le remboursement de ces aides publiques indues est toujours en cours, ces nouvelles aides européennes constituent un véritable scandale politique et financier. En effet, la raison du démantèlement des navires est leur vulnérabilité économique, non pas causée par le Brexit, mais par leur extrême dépendance au carburant et par leur incapacité à être rentables sans l’artifice d’hyper-efficacité technologique de la pêche électrique. Le plan de casse Brexit est ainsi détourné pour imposer aux contribuables européens de compenser financièrement des navires frauduleux.

2) Les chalutiers pélagiques, notamment les navires-usines géants dont l’activité de pêche n’a pas été impactée par le Brexit.

Six navires-usines, mesurant entre 94 et 142 mètres et appartenant tous aux groupes industriels qui constituent les « Big Five », ont à eux seuls touché 22,6 millions d’euros, soit 62% des 36,5 millions d’euros alloués au titre des « arrêts temporaires » qui ont été répartis entre 71 bénéficiaires au total. En plus d’être inéquitable, cette rafle est potentiellement illégale : nos analyses révèlent que ces navires-usines n’ont pas du tout réduit ou cessé, même temporairement, leurs activités de pêche. En effet, leur temps passé à quai est resté globalement inchangé par rapport aux années précédentes. L’argent public n’a donc pas compensé une perte d’activité. Au contraire, les subventions ont nourri un système qui détourne les aides publiques au détriment de ceux qui en ont besoin. Par ailleurs, ces six navires-usines avaient bien obtenu une licence pour pêcher dans les eaux britanniques.

BLOOM alerte les médias, les citoyens et les responsables politiques de toutes nationalités sur le système de détournement d’argent public organisé par les autorités néerlandaises au profit d’industriels rapaces qui utilisent les fonds européens pour financer leurs pratiques et modèle destructeurs. Cette collusion systémique entre le secteur de la pêche industrielle et les autorités publiques a des conséquences graves pour le budget de l’Union européenne.

Le Brexit, un alibi pour renflouer des flottes déficitaires aux frais du contribuable

La plupart des aides publiques analysées par BLOOM n’ont pas servi à indemniser des navires affectés par le Brexit mais à financer la mise au rebut de navires obsolètes et déficitaires. En effet, la baisse des quotas dans le cadre du Brexit n’a pas impacté la capacité de pêche des chalutiers de fond. Les stocks de poissons qu’ils ciblent, comme la sole et la plie, deux espèces cruciales pour leur chiffre d’affaires, sont en si mauvais état que les navires n’étaient déjà plus capables, avant même le Brexit, de pêcher les quotas qui leur sont alloués. Ces chalutiers de fond étaient structurellement condamnés : extrêmement énergivores, l’usage de l’électricité leur a permis in extremis de reporter de quelques années la date de leur disparition. Le Brexit ne les a donc pas fragilisés : il a seulement offert une opportunité politique pour justifier des subventions massives. La pêche électrique est un cas emblématique de la privatisation des profits et de la mutualisation des pertes.

Le soutien financier apporté à ces navires ayant pratiqué la pêche électrique est d’autant plus préoccupant que le Commissaire européen Costas Kadis ainsi que plusieurs députés néerlandais ont ouvertement affiché leur volonté de réintroduire la pêche électrique. Si cette méthode venait à être réautorisée, alors les armateurs ayant bénéficié des aides Brexit pourraient réinvestir dès 2028 (7) l’argent qu’ils ont reçu pour acheter de nouveaux navires.

Face à la prédation industrielle qui menace la transition écologique et la survie des pêcheurs artisans, l’argent public doit protéger la biodiversité marine et l’océan, le plus grand régulateur climatique mondial, et non être détourné pour financer la destruction de notre bien commun.

Notes et références

(1) https://bloomassociation.org/mediapart-fraude-subventions-covid/

(2) https://zoek.officielebekendmakingen.nl/stcrt-2022-19616.html

(3) https://zoek.officielebekendmakingen.nl/stcrt-2023-9390.html

(4) Un armateur qui a touché des aides au démantèlement doit attendre cinq ans avant de pouvoir réinvestir dans un navire.

(5) Le million restant correspondant à des petits projets et à des frais de fonctionnement (non couvert par cette étude).

(6) Une partie des chalutiers qui utilisaient la pêche électrique appartenait aux « Big Five ».

(7) Entre 2007 à 2021, le gouvernement néerlandais a octroyé 84 dérogations aux industriels pour équiper les chalutiers en électrodes, alors que le cadre réglementaire n’en autorisait que 15. En outre, même ces 15 chalutiers « officiels » étaient supposés faire de la pêche « scientifique », ce qu’ils n’ont jamais fait. A ce titre, il est possible de dire que 100% des chalutiers électriques étaient dans l’illégalité.

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