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23 janvier 2024

Protection des dauphins, protection des pêcheurs : l’État a tout faux

Depuis plus de deux décennies, et particulièrement depuis 2017, le niveau des captures de cétacés (notamment des petits mammifères marins) dans les engins de pêche inquiète la communauté scientifique. Jusqu’à 10 000 dauphins et marsouins meurent chaque année dans le Golfe de Gascogne, le long des côtes Ouest de la France, de la Bretagne au Pays basque.

Une hécatombe de dauphins

Selon l’Observatoire PELAGIS, 90% des dauphins retrouvés morts sur les côtes françaises sont victimes des filets de pêche, mais ceci ne serait que la partie émergée de l’iceberg : pour 1000 échouages visibles, entre 5000 et 10 000 dauphins meurent en mer de façon « invisible » car leurs carcasses coulent à pic.

Les dauphins vivent jusqu’à 40 ans mais ne se reproduisent qu’entre 8 et 15 ans. Ils ne font qu’un petit à la fois, après une gestation de 10 mois. Cette fertilité faible et tardive les rend extrêmement vulnérables. C’est pourquoi le dauphin et le marsouin communs sont menacés d’extinction au niveau régional. On parle bien d’un risque d’extinction locale.

Le seul point noir au tableau de la pêche artisanale

Dauphins et marsouins se retrouvent emmêlés dans les filets des pêcheurs, pour la plupart des pêcheurs artisans navigant à bord de petites unités de pêche inférieures à 12 mètres. Bénéfiques d’un point de vue social et économique, rentables et peu subventionnés, les navires de la petite pêche côtière sont aussi bien plus performants d’un point de vue écologique que les grandes navires semi-industriels (12-24 m) ou industriels (+ de 24 m), notamment en termes d’impact sur les fonds marins et sur le climat, avec des émissions de CO2 bien plus faibles par kilo de poisson pêché que les pêches industrielles. Néanmoins, les artisans utilisant des filets ont un point noir dans leur bilan : la capture régulière d’espèces sensibles, comme les mammifères marins.

La faillite de l’action publique

Ce problème n’est pas nouveau.

Depuis des décennies, l’État a connaissance de ce problème récurrent et critique d’interaction entre filets de pêche et mammifères marins. L’État aurait pu et dû organiser une transition des pratiques, par exemple une adaptation de la zone de pêche, de sa saisonnalité ou des engins, en aidant les pêcheurs à se convertir progressivement si c’était la solution qui s’imposait à tous. Par le biais d’un dialogue constructif, anticipatif et rationnel entre scientifiques et pêcheurs, une transition exempte de casse sociale pour les pêcheurs aurait pu se faire et devra se faire, avec comme guide impératif de maintenir les activités de pêche les plus vertueuses d’un point de vue social, économique et écologique, à l’exception de cette épineuse question des captures accidentelles.

Mais qu’ont fait les autorités publiques ?

Rien.

Il a fallu que les ONG se saisissent du dossier juridiquement pour contraindre, enfin, l’État à agir. France Nature Environnement et d’autres ONG1Sea Shepherd France et Défense des Milieux Aquatiques (DMA) ont déposé un recours pour forcer la protection des dauphins.

L’État a-t-il réagi une fois la justice administrative saisie ?

Non. Toujours pas.

Résolument passif, l’État a attendu la sentence. Elle est tombée le 20 mars 2023 : le gouvernement a été condamné par le Conseil d’État à mettre en œuvre les recommandations scientifiques, entre autres les mesures recommandées par le CIEM (Conseil International pour l’Exploration de la Mer), à savoir des fermetures adaptées des pêcheries à risque quatre mois par an dont trois mois l’hiver et un mois l’été.

Face à l’urgence de la crise environnementale, l’État a-t-il suivi l’injonction de la plus haute autorité administrative en France ?

Non. Toujours pas.

L’arrêté finalement pris par l’État le 24 octobre 2023 instaurait un mois de fermeture par an, insuffisant pour endiguer les pertes de cétacés, et comprenait de nombreuses dérogations, trop importantes pour répondre à l’injonction du Conseil d’État. Ce constat n’a pas laissé d’autre choix aux ONG mobilisées sur le sujet que de saisir une nouvelle fois le Conseil d’État, lequel leur a donné raison en annulant ces dérogations2CE, ordo. 22 décembre 2023, req. n° 489926, 489932, 489949 .

La situation actuelle peut se résumer ainsi : l’État n’a engagé aucune mesure pour les dauphins, et faute d’anticipation a plongé les pêcheurs dans une situation socialement explosive, où une partie importante d’entre eux se retrouvent avec une interdiction formelle de pêcher.

Sans préparation, sans discussion, sans conversion, sans accompagnement.

En réalité, on peine à comprendre le cap suivi par le gouvernement. Pis encore, on s’interroge sur le fait qu’il y en ait un.

Ne pas lutter contre les captures accidentelles qui menacent directement des espèces et un écosystème marin fragilisé et à bout de souffle est inenvisageable. Mais agir sans prendre en compte les impacts pour la filière pêche est impardonnable. L’État a réussi à faire les deux. C’est à se demander s’il y a un pilote dans l’avion.

Conséquence : une situation angoissante pour les pêcheurs

Les pêcheurs se retrouvent face à un flou total à propos de la compensation de leur perte de revenus : actuellement, la mesure qui semble se profiler est le versement d’une « aide aux pêcheurs bloqués à quai, à hauteur de 80% à 85% du chiffre d’affaires pour tous les bateaux de plus de 8 mètres concernés », a annoncé vendredi 19 janvier Christophe Béchu, ministre de la Transition écologique. Elles seront versées « aussi rapidement que possible », a-t-il ajouté tout en soulignant que le gouvernement avait « saisi la Commission européenne qui nous a donné un accord de principe ».

Le ministre a également confirmé qu’un accompagnement était prévu pour « toute la filière » pêche. Les mareyeurs, qui transforment le poisson frais débarqué dans les criées et qui estiment leurs pertes à plus de 60 millions d’euros, seront aidés, a-t-il promis. Cette aide ne sera pas calculée sur la base du chiffre d’affaires, mais « de l’excédent brut d’exploitation », et ira « jusqu’à 75% de leurs pertes », a indiqué le ministre.

Affaire à suivre donc.

En plus de cette interdiction de pêche extrêmement pénalisante, les pêcheurs se retrouvaient face à l’angoisse que d’autres pêcheurs, notamment espagnols, puissent venir sur les zones interdites aux pêcheurs français, et commercialiser le fruit de leur pêche. Ce cas de figure aurait été le summum de l’injustice.

Que donne une action impensée et impréparée ? De la colère

L’État court après sa propre balle dans une séquence qui fait peine à voir.

Il a fallu que les pêcheurs menacent pour qu’il prenne enfin un arrêté (en réalité une mesure d’urgence au titre de l’article 13 de la Politique commune de la pêche) le 17 janvier 2024, disposant que les navires étrangers -incluant les espagnols et portugais- étaient désormais également interdits dans ces zones de pêche. Cette décision, passée inaperçue, est arrivée trop tard pour éteindre la colère des pêcheurs et pour maintenir une quelconque confiance envers l’action publique.

Aujourd’hui, le flou demeure par rapport aux mesures compensatoires. Nous demandons à l’État de clarifier très précisément :

  • Les aides immédiates qui seront allouées aux pêcheurs et à la filière pour s’assurer qu’ils ne soient pas impactés financièrement par cette situation ;
  • Le déroulé des plans d’action structurels mis en place pour anticiper la survenue inéluctable de ce même problème à l’avenir, afin qu’il ne se pose pas à nouveau de façon explosive.

Après avoir été reçu à ce sujet, Olivier Le Nezet ne craint pas de jeter de l’huile sur le feu qui consume déjà le monde de la pêche en renvoyant dos à dos ONG et pêcheurs. Celui-là même qui porte de longue date le projet Ker’Oman – visant à importer depuis Oman du poisson à Lorient contre toute logique écologique et économique vis à vis à des pécheurs artisans indignement concurrencés – ne rougit pas en qualifiant les ONG de « fossoyeurs de la pêche artisanale ». Une indécence rare.

Cette situation absurde interroge sur la volonté de renvoyer dos à dos ONG et pêcheurs, écologie et économie, pour mieux opposer les alliés naturels, sachant que seules les ONG défendent réellement, sur le terrain et devant les tribunaux, les pêcheurs artisans, totalement abandonnés et depuis des décennies déjà, par leur comité national des pêches.

Nous ne laisserons pas les industriels et leurs complices politiques tirer profit d’une situation qui les arrange : détruire les derniers pêcheurs artisans en accablant les ONG, c’est une situation rêvée pour eux mais les ficelles sont trop grosses pour que l’opinion publique et les pêcheurs soient dupes.

Les ONG sont formellement du côté des pêcheurs artisans et formellement du côté de la justice sociale, tout en gardant le cap de la justice écologique.

Il n’y a pas à choisir entre pêcheurs et dauphins.

Il n’y a pas à choisir entre justice sociale et vertu écologique.

Il y a à améliorer des pratiques pour trouver des solutions rationnelles permettant de reconstruire le secteur de la pêche artisanale et la souveraineté alimentaire de la France, tout en s’appuyant sur un océan en pleine santé.

C’est un cap. Nous le tiendrons.

Crédit photo : Jonas Von Werne

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