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18 février 2024

Non M. Cueff, la Bretagne n’est pas « uniquement concentrée sur la pêche artisanale »

Réponse au Conseiller régional de Bretagne M. Daniel Cueff qui a affirmé de façon erronée sur Linkedin le 17 février 2024 que « la Région Bretagne est uniquement concentrée sur la pêche artisanale et sa durabilité » et que les Bretons ne sont « pas concernés par la pêche industrielle ».

Cher Monsieur,

Nous avons écouté vos propos au Conseil régional de Bretagne vendredi 16 février lors du débat sur la « feuille de route halieutique », dont nous dénonçons la partialité anachronique en faveur des lobbies industriels au moment où l’océan est en surchauffe et le secteur de la pêche en perdition. Cette feuille de route rétrograde que vous avez ardemment soutenue et adoptée, par une alliance de la majorité de gauche avec le groupe macroniste, constitue désormais un frein à l’indispensable transition sociale et écologique du secteur de la pêche.

Nous avons également lu votre réponse sous le post de notre collègue Claire Nouvian. Nous la reproduisons ici pour que chacun-e puisse se faire une opinion fondée sur des faits.

Vous avez écrit : “La Région Bretagne est uniquement concentrée sur la pêche artisanale et sa durabilité. Pour y arriver, il y a énormément de travail. Par contre, nous ne sommes pas concernés par la pêche industrielle. Vouloir faire croire le contraire est une manipulation médiatique et politique qui nous échappe complètement”.

Chacune de ces quelques lignes est sous-tendue par des affirmations radicalement fausses. Il est donc temps de clarifier les choses sur des bases factuelles.

1) La région Bretagne serait « uniquement concentrée sur la pêche artisanale » ?

FAUX. Elle se soucie principalement de la pêche industrielle.

L’Union européenne donne une définition de la pêche artisanale correspondant au consensus mondial, c’est-à-dire des navires de moins de 12 mètres de long utilisant des engins « dormants » ou « passifs » comme le casier, la ligne ou le filet.

La feuille de route que vous avez soutenue et votée vendredi 16 février ne faisait pas une seule fois mention de la petite pêche côtière artisanale.

Cette « feuille de route », qui fixe la ligne de conduite des pouvoirs publics envers le secteur de la pêche bretonne pour la période 2024-2027, et concerne l’ensemble des citoyens, n’était pas consultable publiquement. Les pêcheurs artisans de Bretagne ignoraient jusqu’à l’existence de ce document tenu dans la confidentialité et éloigné de leur regard jusqu’à sa publication par le média Splann !

Interrogé par Splann, vous avez reconnu que la petite pêche était totalement absente de la feuille de route et tenté la justification suivante : « l’absence de mention faite à la petite pêche au cours des 112 pages [était] un simple « oubli » qui sera corrigé l’oral vendredi ». Comme si « corriger à l’oral » in extremis un texte de 112 pages entièrement pensé pour la pêche industrielle pouvait suffire à réparer un tel niveau de partialité.

Dire que « La Région Bretagne est uniquement concentrée sur la pêche artisanale » est donc totalement contraire à la réalité objective.

De fait, l’amendement de dernière minute bricolé par le Président de région M. Loïc Chesnais-Girard ne faisait que mentionner la petite pêche en préambule, dans l’énoncé descriptif du secteur. C’était donc un amendement sans aucune portée.

Cette acrobatie maladroite n’a dupé personne et ne fera aucunement oublier que les mesures proposées dans la feuille de route concernaient principalement les semi-hauturiers (12-24 m) et les hauturiers (plus de 24 m), alors que les navires de moins de 12m représentent l’écrasante majorité du secteur de la pêche en Bretagne.

2) En Bretagne, « nous ne sommes pas concernés par la pêche industrielle »

FAUX. La bretagne est plus que « concernée » par la pêche industrielle. C’est même son plus gros bastion en France.

Les données parlent d’elles-mêmes : à l’exception de trois thoniers senneurs de l’armement réunionnais SAPMER, la Bretagne concentre à elle seule 19 des 22 navires français de plus de 50m, soit 86% des plus grands navires industriels français.

Ces armements industriels sont structurellement déficitaires. Sans le concours des aides publiques, notamment par le biais des aides au carburant, ils disparaîtraient. A contrario, la rentabilité de l’ensemble des arts dormants ne dépend pas des financements publics.

Par votre vote de vendredi 16 février, vous forcez donc les contribuables à soutenir des navires de pêche non durables, non rentables, sous perfusion d’argent public et au coût social et environnemental exorbitant, supporté par les contribuables et les écosystèmes naturels (les chalutiers de fond industriels et hauturiers créent 2 à 3 fois moins d’emplois et presque 2 fois moins de valeur ajoutée que les flottes utilisant les arts dormants (les lignes, casiers et filets).

Voici une liste des armements industriels situés en Bretagne et leurs résultats financiers :

Compagnie française du thon océanique
Basée à Concarneau.
Appartient à la multinationale néerlandaise Parlevliet & van der Plas.
15 thoniers senneurs basés en Afrique de l’Est et dans l’océan Indien, d’une longueur moyenne de 75m. Se vante d’être « le 1er armement de pêche au thon tropical européen » (https://www.cfto.fr/).
Résultats nets : -10,5 millions d’euros en 2021, -18,9 millions d’euros en 2020 (chiffres 2022 non publiés).

Via Ocean / Saupiquet
Basé à Concarneau.
Appartient à la multinationale italienne BOLTON.
Trois thoniers senneurs basés en Afrique également, d’une longueur moyenne de 75m.
Résultats nets : -6 millions d’euros en 2021 (chiffres 2022 non publiés).

Scapêche
Basée à Lorient.
Appartient au groupe Intermarché/Les Mousquetaires.
Une quinzaine de navires, notamment des chalutiers de fond de 45m allant pêcher jusqu’au nord de l’Ecosse.
Résultats nets : -7,45 millions d’euros en 2021, -12,2 millions d’euros en 2020 (chiffres 2022 non publiés).
La Scapêche possède également 20% de l’armement Bigouden, basé au Guilvinec, doté d’une dizaine de chaluts de fond allant jusqu’à 25m.

Compagnie des pêches de Saint-Malo
Basée à Saint-Malo
Appartient en partie à multinationale néerlandaise Parlevliet & van der Plas.
Possède trois navires : le OCEAN TIGER, un chalutier de fond de 60m qui opère du côté du Groenland, l’EMERAUDE, en copropriété avec l’armement boulonnais EURONOR, et le JOSEPH ROTY II, qui va être remplacé par l’ANNELIS ILENA, c’est-à-dire le plus grand chalutier pélagique au monde, avec près de 145m de long.
Résultats nets : 1,62 millions d’euros en 2022, -0,6 millions d’euros en 2021.

France Pélagique
Basée à Concarneau.
Appartient à la multinationale néerlandaise Cornelis Vrolijk.
Deux chalutiers pélagiques de plus de 80m, le PRINS BERNHARD et le SCOMBRUS.
Résultats nets : 0,3 millions d’euros en 2022, -4,22 millions d’euros en 2021.

3) Vous accusez BLOOM de « manipulation médiatique et politique »

Nous renvoyons cette accusation à son auteur.

Nous venons de démontrer que vous affirmiez des choses factuellement fausses dans les arènes politiques et les médias, ce qui est hautement problématique étant donné votre responsabilité élective et votre rôle proéminent de Vice-Président « Mer et Littoral » du Conseil régional de Bretagne.

Pour poursuivre cet échange, nous pensons qu’il serait bon de fournir aux citoyennes et citoyens la liste exhaustive des rendez-vous et des auditions qui ont mené à l’établissement de la « feuille de route halieutique ». Cela permettra de juger factuellement de la prise en compte des citoyens, des associations et des pêcheurs artisans (pour rappel : navires de moins de 12 mètres utilisant des arts dormants) dans l’élaboration des décisions publiques qui les concernent.

Nous restons à votre disposition pour parler de tout cela.

Bien à vous, l’équipe de BLOOM

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