Frank Marba, un Philippin victime du changement climatique et plaignant dans le recours pénal de BLOOM contre TotalEnergies et ses actionnaires, ainsi que Stéphane Costa, président du GIEC normand, témoigneront au procès et plaideront pour que les scientifiques qui prennent des risques pour nous alerter sur la trajectoire d’autodestruction de l’humanité et de la biosphère tout entière soient vus comme des cassandres et traités en lanceurs d’alerte bienfaiteurs plutôt qu’en criminels. Cette inversion des rôles entre le confort dévolu aux responsables du changement climatique et la répression qui s’abat sur ceux qui tentent tout ce qui est en leur pouvoir pour éviter l’effondrement climatique est un enjeu central du procès : les juges vont-ils une fois pour toutes réaffirmer le principe d’“état de nécessité” qui justifie une désobéissance civile si elle permet d’empêcher un péril plus grand. Rappelons que le changement climatique a déjà mené à la perte de quatre millions de vies humaines et des milliards de vies animales. Les chercheurs qui avaient réuni plus de 15 000 scientifiques pour lancer un “avertissement à l’humanité” viennent de publier une mise à jour de leur rapport sur l’état du climat, intitulé “Perilous times on Planet Earth” (“des temps périlleux sur la planète Terre”). Ils mettent les humains face aux faits : les émissions continuent de croître, les températures de battre des records,  les forêts et les puits de carbone de disparaître.  

Face à ce constat désespérant, “l’état de nécessité” est en train de muter en “urgence vitale”. Espérons que les juges l’entendront ainsi. 

Depuis des décennies, les scientifiques alertent sur l’urgence climatique et la responsabilité humaine. En 2021, l’Agence Internationale de l’Energie a conclu que l’ouverture de nouveaux projets d’énergies fossiles nous ferait inexorablement dépasser les 1,5°C de réchauffement. Tout développement de nouveaux projets fossiles devrait donc être considéré comme criminel. 

De manière inédite en France, une victime climatique du Sud témoignera dans un procès français pour rendre compte du chaos climatique qui s’abat de plus en plus intensément et fréquemment chez lui, aux Philippines, comme partout ailleurs dans le monde. 

Frank Marba a survécu au supertyphon Rai en 2021 qui a fait plus de 400 morts aux Philippines et 20 morts sur son île de Dinagat. Ce typhon, comme tous les supertyphons qui frappent de plus en plus régulièrement l’archipel, sont des conséquences du changement climatique. C’est à ce titre qu’il a porté plainte aux côtés de BLOOM et de deux autres associations en mai 2024 avec sept autres victimes pour mise en danger de sa vie contre TotalEnergies, ses dirigeants, et ses principaux actionnaires, pour leur contribution majeure au changement climatique. Au cours du seul mois de novembre, pas moins de six typhons ont frappé l’archipel. Dans les îles du Pacifique, la montée du niveau de la mer menace purement et simplement l’existence de pays entiers. 

Il sera accompagné d’un autre témoignage d’une référence scientifique régionale, Stéphane Costa, président du GIEC normand. Leurs deux prises de parole ont vocation à convaincre les juges de l’état de nécessité et de la légitimité de l’alerte des activistes de Scientifiques en Rébellion. 

Ces scientifiques seront jugés pour “entrave à la circulation” suite au blocage de l’écluse François 1er le 12 mai 2023, visant à dénoncer le développement criminel, d’un nouveau terminal méthanier par TotalEnergies. Ce projet avait été autorisé par Emmanuel Macron à l’été 2022 sous prétexte de diversification d’approvisionnement en énergie fossile suite à la guerre en Ukraine. Le GNL qui sera importé des États-Unis enfermera toujours plus la France dans la surconsommation des énergies fossiles alors que nous sommes déjà très en retard dans notre transition décarbonée.  

A l’heure où des inondations meurtrières directement liées à la crise climatique et aux décisions politiques irresponsables bouleversent l’Espagne et d’autres régions du monde, où l’ONU annonce qu’il y a désormais plus d’une catastrophe climatique par jour, condamner celles et ceux qui alertent sur l’urgence climatique est une aberration qui ne tardera pas à être lourdement jugée par l’Histoire. 

Mobilisation de soutien organisée au Havre

Nous invitons la population havraise à venir manifester son soutien le vendredi 6 décembre à 8h30 devant le Palais de Justice du Havre, boulevard de Strasbourg.