05 mai 2025
Face au cynisme des industriels qui préfèrent protéger leurs profits plutôt que la santé humaine, les citoyens peuvent se consoler, leur prise de conscience a eu des effets : les ventes de thon sont en berne ! Nos révélations sur la contamination du thon au mercure ont fait chuter les ventes de conserves en France de 10 à 20% entre novembre 2024 et février 2025. Les marques et la grande distribution, Petit Navire et Carrefour en tête, redoublent donc d’efforts pour relancer les ventes et ont mis au point un markéting trompeur : le thon « en sachet », en espérant sans doute que les gens n’associent le problème du mercure qu’au seul thon en conserve. La seule façon de mettre un terme à ces stratégies forcenées des industriels pour vendre du thon contaminé est de remonter à la source du problème et d’abaisser, enfin, le seuil de mercure toléré dans le thon vendu. C’est l’objectif des discussions à huis clos que la Commission européenne ouvre demain, mardi 6 mai 2025, entre États membres de l’UE. Au programme : un éventuel durcissement des normes sur le mercure. BLOOM demande à la France d’y envoyer la ministre de la Santé Catherine Vautrin plutôt que de laisser la santé des citoyens aux mains du ministère de l’Agriculture, chevillé aux intérêts industriels. Nous réclamons par ailleurs que la position défendue par la France ainsi que l’intégralité des échanges ayant lieu au sein du SCOPAFF (comité de la Commission européenne : Standing Committee on Plant, Animals, Food and Feed) soient rendues publiques en parfaite transparence.
Nos révélations en octobre 2024 sur la contamination généralisée du thon au mercure ont suscité un boycott spontané des consommateurs : en l’absence de prise d’engagements forts des industriels et des supermarchés pour protéger leur santé, les Français·es ont cessé d’acheter du thon en conserve. Les ventes de boîtes de thon en France ont chuté de 10 à 20% entre novembre 2024 et février 2025 [1]. Le géant mondial du thon, Thaï Union, qui possède Petit Navire, n°1 du thon en France, a vu son cours en bourse décrocher de plus de 30% entre octobre 2024 et avril 2025, atteignant sa valeur la plus basse depuis une décennie.
Cours en bourse de Thai Union ces cinq dernières années, leader mondial du thon et détenteur de Petit Navire. 2015-2020 non représentées ici
Le mercure est un puissant neurotoxique extrêmement dangereux pour la santé humaine. Or la règlementation actuelle protège les ventes de thon, donc tant qu’elle n’aura pas été révisée, il faut diminuer voire arrêter totalement sa consommation de thon [2].
Au lieu de prendre ses responsabilités face à la gravité de ce que nous avons révélé, la grande distribution et l’industrie du thon ont mis en place une stratégie en quatre axes pour soutenir les ventes de thon coûte que coûte :
1) Casser le thermomètre : stratagème classique, plutôt que de régler le problème des produits qui contiennent trop de mercure, les industriels du thon remettent en question la méthode d’analyse de notre laboratoire [3]. Ces attaques infondées sur le laboratoire auquel nous avons fait appel, une référence internationale dans le domaine et dont la rigueur et la précision ne sont plus à prouver [4], témoignent de la malhonnêteté intrinsèque de la démarche des industriels.
2) Lancer une nouvelle gamme pour faire écran de fumée : Petit Navire tente de faire croire aux consommateurs que la contamination au mercure du thon provient de la boîte plutôt que du poisson lui-même en lançant le thon en sachet ! Or, le thon est contaminé au mercure au cours de sa vie dans l’océan. La seule vraie mesure apte à protéger la santé des consommateurs est l’adoption de limites en mercure protectrices.
Thon en sachet © Petit Navire
3) Investir dans le matraquage publicitaire , plutôt que dans des normes plus protectrices de la santé [5] : en février 2025, les industriels de la conserve ont envahi les espaces publicitaires de la presse écrite nationale et régionale en investissant massivement dans une opération de communication. Ils ont montré qu’ils étaient capables d’une grande mobilisation lorsqu’il s’agissait de soutenir structurellement les profits. Mais d’action en responsabilité par rapport aux risques sanitaires majeurs pour ces citoyens, il n’est toujours pas question.
4) Miser sur les promotions et la contamination des plus précaires : depuis nos révélations, les offres promotionnelles sur les conserves de thon ne tarissent pas dans les rayons des supermarchés [9]. Carrefour va même un cran plus loin sur son site de vente en ligne et sponsorise les conserves de thon aux personnes cherchant à acheter du maïs ou du concombre [9]. Une pratique que nous avons déjà largement dénoncée et qui exhorte les plus précaires à acheter des produits hautement contaminés [5].
Depuis 1993, la règlementation européenne répond à une logique perverse qui consiste à protéger les intérêts commerciaux plutôt que les citoyens en fixant des seuils de sorte à ne pas amputer le marché de plus de 5% des ventes [2][6].
Or, les seuils doivent impérativement être revus à la baisse et s’aligner sur le niveau le plus protecteur existant (0,3 mg/kg). Aujourd’hui, avec une seule portion de thon contaminée à la hauteur de ce que l’UE permet (1 mg/kg) dans la semaine, toutes les personnes jusqu’à 70 kilos s’exposent à un risque potentiel. Ce risque est démultiplié pour les enfants, les plus vulnérables face à ce poison qui peut mettre à mal le développement de leur cerveau [2].
Après plus de trente ans d’immobilisme, la Commission européenne a enfin décidé de rouvrir les discussions à ce sujet.
Mardi 6 mai 2025, la Commission réunit les experts des États membres pour discuter de « la pertinence du niveau maximal actuel pour le mercure dans le thon frais et sur un éventuel niveau maximal pour le mercure dans le thon en conserve » [7].
C’est une première victoire citoyenne !
Malheureusement, alors qu’elles traitent du taux de poison qui sera autorisé dans nos assiettes, les négociations bruxelloises sont une vraie boîte noire. La Commission ne transmet ni ne publie aucune information sur le contenu des réunions du groupe de travail sur les contaminants environnementaux et industriels dans les denrées alimentaires du SCoPAFF : pas d’observateurs, pas de comptes-rendus, pas de liste de participants.
Là où la plupart des États membres envoient des représentants de leur ministère de la Santé aux discussions sur la quantité de contaminants autorisée dans notre alimentation, la France, elle, laisse le ministère de l’Agriculture défendre ses positions. Or, dans ses réponses à nos courriers, le ministère de l’Agriculture nie le problème du thon au mercure et oriente le débat vers une responsabilisation des consommateurs plutôt que de retirer le permis de contaminer qui est offert aux industriels.
BLOOM demande à la France et à la ministre de la Santé Catherine Vautrin de se saisir de cet enjeu et (1) de demander l’abaissement des seuils de contamination autorisés du thon au mercure à 0,3mg/kg, le seuil le plus protecteur qui existe pour les poissons, (2) de rendre publique la position de la France et (3) de publier des comptes-rendus de la réunion de demain et de celles qui suivront.
L’opacité ne bénéficie qu’aux industriels. Elle est d’autant plus inacceptable qu’il s’agit ici d’une question brûlante de santé publique.
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En octobre 2024, BLOOM révélait qu’alors que le thon est l’une des espèces les plus contaminées au mercure, la Commission européenne et les États membres avaient fixé les limites maximales de mercure dans ce produit bien au-delà des limites pour les autres espèces de poisson, de façon à protéger 95% des ventes. La Commission européenne elle-même l’a assumé dans un courrier envoyé en février [6]. En conséquence, sur les 148 conserves que nous avons faites analyser par un laboratoire indépendant, plus d’une boîte sur deux (57%) dépassait la limite en mercure la plus protectrice qui existe pour les produits de la mer (0,3 mg/kg). Le thon est pourtant le poisson le plus consommé d’Europe, lui attribuer un régime d’exception en lui permettant d’être le moins strictement régulé du marché n’a aucun sens sanitaire [8].
[2] BLOOM (2024), “Du poison dans le poisson”
[3] Le Télégramme (29 avril 2025)
[4] Note méthodologique des analyses mandatées par BLOOM (février 2025)
[5] BLOOM (février 2025) “Scandale du mercure dans le thon : les industriels contre-attaquent avec un matraquage publicitaire dans la presse”
[6] Courrier de la Commission européenne du 26 février 2025, adressé à BLOOM. Disponible ici.
[7] Commission européenne, le 7 avril 2025, dans un courrier adressé à BLOOM : “The discussions with the Member States on the appropriateness of the current maximum level for mercury in fresh tuna and on a possible maximum level for mercury in canned tuna have started but are still in an early stage.”
[8] European Commission. Directorate General for Maritime Affairs and Fisheries. et al. Le marché européen du poisson : édition 2023.
[9] Offres promotionnelles au Carrefour de Montesson, et sur le site de courses en ligne de Carrefour (photos prises le 30 avril 2025) :
Offres promotionnelles au Carrefour de Montesson (le 30 avril 2025)
Offres promotionnelles sur le site de courses en ligne de Carrefour (le 30 avril 2025)
06 février 2025
Aux abois après les révélations de BLOOM sur la contamination au mercure du thon, l’industrie thonière a répliqué ces derniers jours par une campagne d’une envergure sidérante, en achetant de l’espace publicitaire dans de très nombreux journaux de la presse nationale et régionale (Le Figaro, Les Échos, Sud Ouest…). Trois mois après le lancement de la campagne de BLOOM et Foodwatch contre le scandale des normes “sanitaires” censées protéger les citoyens d’une contamination au mercure très préoccupante (1), les industriels du thon (Petit Navire, Saupiquet, Connétable etc.) tentent de rassurer les consommateurs en mettant en cause notre méthode scientifique et en semant le doute sur la validité de nos analyses. Celles-ci, portant sur 148 boîtes de thon provenant de cinq pays européens, ont pourtant été effectuées par un laboratoire reconnu comme référence mondiale dans l’analyse du mercure. Pour rappel, les résultats de nos tests ont établi que 100% des boîtes de thon étaient contaminées au mercure, dont 57% au-delà de la norme la plus protectrice pour la santé humaine et utilisée pour d’autres poissons dans la règlementation européenne (soit une norme de 0,3 mg de mercure par kilo de poisson).
La prise de parole des industriels pourrait générer un effet boomerang puisque leurs affirmations reposent sur l’opacité des méthodes utilisées pour les tests qu’ils brandissent subitement après des mois de silence sur le sujet. Leur campagne publicitaire donne l’occasion à BLOOM et Foodwatch d’exiger des industriels et de la grande distribution une transparence totale sur les tests effectués, le protocole d’échantillonnage retenu et les méthodes employées, des facteurs déterminants pour présenter des résultats rigoureux et non biaisés.
Face à leurs affirmations dans la presse, BLOOM publie aujourd’hui un « Manuel d’auto-défense contre les mensonges des industriels de la pêche thonière » permettant aux journalistes et aux citoyens de naviguer dans les eaux troubles de l’argumentation des industriels.
06 février 2025
Depuis les révélations de BLOOM et la campagne que nous avons lancée avec foodwatch France pour dénoncer la contamination au mercure du poisson préféré des Européens, le thon, les arguments rassurants des industriels fusent et confusent.
29 octobre 2024
Du mercure dans chaque boîte de thon : c’est la découverte alarmante qu’a faite BLOOM en analysant près de 150 conserves prélevées dans cinq pays européens. Considéré par l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) comme l’une des dix substances chimiques les plus préoccupantes pour la santé publique mondiale, au même titre que l’amiante ou l’arsenic, ce neurotoxique présente des risques graves pour l’organisme humain (1).