03 avril 2023
Tout ça pour ça.
Après avoir vociféré pendant près de trois semaines des mensonges pyromanes et apocalyptiques à propos de l’interdiction supposément immédiate des méthodes de pêche destructrices dans les aires marines dites « protégées » qui « condamnerait la pêche artisanale française et l’amènerait à disparaître, pas dans 10 ans, demain », le secrétaire d’État à la mer, Hervé Berville, a ENFIN compris que le « Plan d’action pour l’océan » de la Commission européenne sorti le 21 février dernier était un PLAN D’ACTION et non pas une PROPOSITION LÉGISLATIVE contraignante, comme on l’expliquait dans notre note de décryptage.
M. Berville a publié un communiqué triomphant pour se faire passer pour le héros des pêcheurs et masquer cet épisode pathétique dont il ne retire rien puisqu’il n’y avait aucune menace imminente.
Après avoir décrypté ses mensonges successifs, nous décryptons désormais le « coup » politique qu’il a tenté, en commençant par prendre en considération le cas de figure de l’incompétence totale.
Même en touchant le fond de l’incompétence, même en ne comprenant pas la différence entre un « plan d’action » (non contraignant) et une proposition législative (à visée contraignante mais à l’issue d’une très longue procédure législative impliquant le Conseil et le Parlement) – ce qui serait gravissime pour un secrétaire d’État – il serait impossible de lire dans le « Plan d’action » ce que M. Berville y a lu et qu’il a martelé dans les médias et dans les institutions en prédicateur exalté, soit une « condamnation de la pêche artisanale », la fin de la pêche à la coquille, de la production d’huîtres, de la pêche côtière… Bref, la mort de toute la filière pêche !
Le plan d’action de la Commission propose le cap suivant aux États membres de l’UE :
Ce n’est évidemment pas le choix fait par Hervé Berville qui a préféré incendier les esprits pour valoriser ultérieurement d’avoir réussi à mettre fin au chaos qu’il avait lui-même généré.
Qu’avait-il à gagner en mettant le feu aux poudres du secteur de la pêche ? Quel calcul a-t-il fait ? Explications.
Le secrétaire d’État s’est saisi de la sortie du « Plan d’Action pour l’Océan » pour établir plus clairement encore qu’auparavant ses lignes de fidélité envers ses réseaux bretons et les métiers les plus destructeurs du secteur – les chalutiers qui traînent leurs filets sur le fond – et dont la méthode de pêche est condamnée par sa très forte consommation de gasoil et son empreinte écologique, notamment climatique.
La carrière de M. Berville dépend de sa capacité à satisfaire ceux qui contrôlent la politique bretonne, c’est-à-dire les industriels de la pêche et de l’agriculture. La feuille de route de ces derniers est claire : s’ils acceptent de remettre en cause leur modèle pour plus de justice écologique et sociale, s’ils acceptent de mieux rémunérer les producteurs, de mieux valoriser les productions halieutiques ou agricoles plutôt que de faire du volume de faible qualité, leur modèle s’effondre. Il leur faut donc des politiques serviles qui acceptent de défendre les pires pratiques de pêche industrielle et de trahir les pêcheurs artisans et côtiers (c’est le cas depuis des décennies, H. Berville n’est pas un cas isolé).
Le communiqué de M. Berville évoquant qu’il a « obtenu la confirmation qu’une interdiction des engins mobiles de fond ne serait pas imposée aux États membres » est grotesque pour quiconque est capable de lire un plan d’action et un calendrier politique. Il dit en somme que le Commissaire européen à l’environnement, aux océans et à la pêche (M. Sinkevičius) a dû rappeler ce que contenait son plan d’action (des orientations non contraignantes donc) et a dû expliquer à M. Berville la façon de le lire et le comprendre. La vacuité du communiqué du secrétariat d’État à la mer ne parvient pas à masquer l’humiliation diplomatique que ce rendez-vous représente pour le secrétaire d’État français.
Ce qui effraie les industriels de la pêche, c’est l’alliance entre ONG et pêcheurs côtiers car c’est elle qui est apte à renverser l’ordre établi, actuellement en faveur des seuls intérêts industriels.
En réalité, comme évoqué dans une série de tweets de la fondatrice de BLOOM Claire Nouvian le samedi 1er avril, les trop rares décisions bénéfiques simultanément à l’environnement et au secteur de la pêche côtière ont été remportées grâce à la mobilisation conjointe des pêcheurs et de BLOOM. Les victoires comme l’interdiction de la pêche électrique se sont faites contre l’État français et contre les représentants de la pêche française (le Comité national des pêches maritimes, acquis aux industriels, notamment étrangers) mais grâce à une campagne, main dans la main, entre BLOOM et les pêcheurs côtiers.
Lorsque les pêcheurs côtiers et artisans s’associent aux ONG, leur parole et leurs besoins portent enfin au cœur des institutions, alors que leur instance officielle de représentation les trahit quotidiennement.
C’est le cœur du problème dans le secteur de la pêche. C’est pourquoi le mercredi 22 mars à Rennes, les pêcheurs réunis demandaient la dissolution du Comité national des pêches maritimes ainsi que des organisations de producteurs qui distribuent le plus souvent les quotas aux acteurs industriels.
Hervé Berville et ses alliés industriels se trompent évidemment.
Les pêcheurs côtiers et artisans ne sont pas dupes et n’oublient pas que H. Berville les abandonne tous les jours dans les arbitrages qu’il rend, notamment sur le cas flagrant de la senne démersale qui a provoqué une colère durable des pêcheurs envers le secrétaire d’État.
Aujourd’hui, c’est encore BLOOM associée aux pêcheurs côtiers qui réclame l’interdiction des navires de plus de 25 mètres dans les eaux territoriales de l’UE (12 milles nautiques) via un amendement déposé par Marie Toussaint et Yannick Jadot au Parlement européen alors qu’Hervé Berville refuse d’agir pour mettre fin à la concurrence déloyale qui oppose les pêcheurs côtiers et les navires industriels, allant jusqu’à 140 mètres de longueur et attrapant en une journée de pêche autant de poissons que 1000 bateaux artisans.
C’est encore une alliance de BLOOM et des pêcheurs qui agit pour que justice soit faite et que les subventions illégales accordées aux industriels néerlandais dans le cadre de la pêche électrique soient enfin restituées aux citoyens européens.
M. Berville passera mais les pêcheurs et les ONG demeurent.
Nous continuerons à travailler ensemble pour envisager de façon rationnelle et constructive les transitions permettant de préserver le climat, l’environnement et le métier de pêcheur pour un bénéfice social maximal et un impact écologique minimal.
Sans les politiques dans l’équation, celle-ci serait simple et efficace. Cet épisode lamentable confirme que les transitions que nos sociétés doivent opérer sont empêchées par les politiques et leur clientélisme qui empoisonne la vie publique.
Quant aux aires marines protégées, il est sans doute temps d’informer le reste du monde que la France a pris le fer de lance de la lutte contre la protection de l’océan.
Les Nations unies peuvent encore s’éviter la honte internationale d’avoir confié à un gouvernement fermement climaticide et antiécologique le soin d’organiser et d’accueillir la prochaine Conférence de l’Océan supposée se tenir en France en 2025, au risque d’entacher celle-ci de l’imposture française.
31 mars 2023
Dans la nuit du 30 au 31 mars 2023, les bureaux de l’Office français de la biodiversité (OFB), l’administration publique en charge de la protection de la biodiversité et de la gestion des aires marines protégées (AMP), brûlaient à Brest.
21 février 2023
Deux ans.
Deux ans que le « package » de quatre documents dont le fameux « Plan d’action pour l’océan » de la Commission européenne est attendu par les ONG et les citoyens comme le Graal qui permettra de sauver l’océan et le climat d’une mort annoncée. Aujourd’hui, c’est le deuil de l’ambition des institutions politiques pour sauver la nature et notre avenir climatique que les citoyens doivent entamer.