03 novembre 2025
Alors que les scientifiques, les économistes et les représentants du secteur privé (1) ont souligné la nécessité de mettre fin aux subventions aux combustibles fossiles, les États membres de l’UE s’apprêtent à prendre une décision allant à rebours de ces recommandations. Le 13 novembre prochain, les ministres de l’Économie et des finances pourraient en effet se prononcer en faveur de la révision de la directive européenne sur la taxation de l’énergie (ETD) qui propose de maintenir les exonérations fiscales pour les carburants utilisés dans les secteurs de l’aviation, du transport maritime et de la pêche.
Aujourd’hui, un éminent juriste européen met en garde contre le caractère potentiellement illégal du texte que le Conseil souhaite adopter.
Récemment, l’Agence européenne pour l’environnement a rappelé qu’il ne peut y avoir de compétitivité sans une nature saine et les actuaires ont averti que l’économie mondiale pourrait subir une perte de 50% de son PIB en raison des chocs climatiques. Depuis des années, le Fonds monétaire international dénonce l’inefficacité des subventions aux énergies fossiles et les conséquences néfastes d’une tarification de ces énergies qui ne reflète pas leurs coûts environnementaux, humains et sociétaux. Enfin, les économistes de la Banque centrale européenne et de l’Université de Mannheim ont mis en garde contre les coûts insupportables des phénomènes météorologiques extrêmes qui pourraient survenir au cours de l’été 2025 rien qu’en Europe.
Dans un avis juridique publié le 14 octobre 2025, Antoine Bailleux, directeur de l’Institut d’études européennes de l’UCLouvain, professeur de droit européen et avocat à la Cour de justice de l’Union européenne, soutient que l’exonération fiscale dont bénéficient les carburants utilisés par les avions et les navires commerciaux pourrait être incompatible avec l’interdiction des aides d’État et le principe du pollueur-payeur.
« […] le Conseil devrait réfléchir à deux fois avant de décider de maintenir le régime actuel d’exonération fiscale dans la version révisée de la directive sur la taxation de l’énergie ».
L’analyse juridique aborde tout d’abord la question de la non-discrimination. De nombreux acteurs économiques soutiennent depuis des années que l’exonération totale de la taxe sur les combustibles fossiles pour les secteurs de l’aviation, du transport maritime et de la pêche confère un avantage concurrentiel déloyal par rapport au rail et à d’autres alternatives durables.
Le professeur Bailleux estime que l’exonération fiscale dont bénéficient les carburants utilisés par les navires et les avions pourrait en effet constituer une aide d’État illégale, notamment parce qu’elle pourrait enfreindre les principes du droit environnemental de l’UE, tels que le principe du pollueur-payeur. Il soutient donc la proposition initiale de la Commission visant à mettre fin à ce traitement préférentiel.
Le « principe du pollueur-payeur » n’est pas un objectif politique vague ; il est inscrit à l’article 191, paragraphe 2, du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE) et a fait l’objet d’une jurisprudence abondante, rappelle le professeur Bailleux.
Selon le traité, « le coût de la prévention et de l’élimination des nuisances doit en principe être supporté par le pollueur » et la politique environnementale de l’Union doit être fondée sur ce principe.
L’auteur rejette les excuses invoquées pour ignorer ce principe dans la directive sur la taxation de l’énergie. Il conclut que la directive révisée pourrait être jugée invalide en raison du non-respect du principe du pollueur-payeur et que les législateurs n’ont aucune justification pour maintenir ces allégements fiscaux.
Les compagnies aériennes et maritimes affirment souvent que le système d’échange de quotas d’émission (SEQE) suffit.
L’auteur qualifie ces affirmations d’ « empiriquement erronées ». Premièrement, le secteur de la pêche n’est pas couvert par le SEQE. D’autre part, ce que les compagnies aériennes et maritimes paient réellement est loin du coût réel de leurs émissions de CO₂. Au mieux, le SEQE applique le principe « pollueur-payeur à hauteur d’un quart ». Même cette estimation est généreuse sachant tous les quotas gratuits et les échappatoires dont bénéficient ces secteurs.
Conclusion : le SEQE ne peut tout simplement pas appliquer à lui seul le principe du pollueur-payeur.
Le professeur Bailleux souligne que les propres règles de l’UE exigent d’intégrer une protection environnementale forte dans toutes les politiques, y compris les lois fiscales. L’auteur met en évidence le risque que le maintien des exonérations fiscales dans l’ETD ne résiste pas à l’examen judiciaire de la Cour de justice de l’UE.
Après la dénonciation par les scientifiques et les économistes de la folie des subventions aux combustibles fossiles, les experts juridiques prennent donc le relai.
Cela signifie que les États membres n’ont d’autre choix que de rejeter le projet de directive sur la taxation de l’énergie dans sa version actuelle et de continuer à travailler à un accord qui soit non seulement judicieux sur le plan économique et environnemental, mais qui respecte également le droit de l’Union européenne.
La Commission européenne, en tant que gardienne des traités de l’Union européenne, peut-elle ignorer l’argument juridique ou doit-elle utiliser tous ses pouvoirs, y compris le retrait de la proposition, pour protéger l’Union européenne et ses lois suprêmes si certains États membres continuent à chercher à protéger les allégements fiscaux accordés aux pollueurs ?
Crédit image : Flickr
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