17 janvier 2024
Jeudi 18 janvier 2024, au Parlement européen, les parlementaires auront une dernière occasion de se prononcer sur l’avenir de l’océan et de la pêche au sein de l’Union européenne. Alors que les lobbies de la pêche industrielle sont à la manœuvre, une coalition parlementaire transpartisane formée à l’initiative de la députée écologiste Caroline Roose a déposé une série d’amendements pour défendre les recommandations scientifiques internationales et fixer un cap favorable à l’océan et à la justice sociale.
Alors que les scientifiques tirent la sonnette d’alarme et appellent à un sursaut démocratique pour enrayer les dérèglements climatiques et la perte de biodiversité qui bouleversent tous les équilibres planétaires, et alors que le dernier rapport du comité scientifique, technique et économique pour la pêche (STECF) de la Commission européenne alerte sur l’absence d’équité, de justice sociale et de prise en compte de la performance sociale et environnementale des flottes de pêche dans l’attribution des quotas, le Parlement européen se penchera sur deux rapports relatifs à la protection des écosystèmes marins et à l’avenir de la politique commune de la pêche.
L’Union européenne, en tant que première puissance maritime mondiale, porte une responsabilité majeure dans la protection de l’océan et de celles et ceux qui en dépendent. Véritable thermostat planétaire, l’océan absorbe près du tiers de nos émissions de CO2 et produit la moitié de notre oxygène. Conserver un océan vivant est donc impératif pour garantir la survie de l’humanité. Par ailleurs, les pêcheurs européens, majoritairement embarqués sur des navires de pêche artisanale, assistent impuissants à la destruction des écosystèmes marins par des navires de pêche industriels qui s’accaparent les quotas de pêche. La pêche européenne est ainsi confrontée à un défi majeur en termes de justice sociale.
C’est à ces défis que devraient répondre les rapports d’initiative de Niclas Herbst et Gabriel Mato. Malheureusement, il n’en est rien. Les mesures clés recommandées par le GIEC, l’IPBES et l’UICN pour enrayer le déclin des écosystèmes océaniques et des communautés de pêcheurs qui en dépendent sont actuellement absents de ces deux rapports d’initiative. Plus inquiétant encore, le Plan d’action de la Commission européenne, qui appelle les États membres de l’UE à mettre en œuvre le droit européen existant et à prendre les mesures nécessaires pour l’océan et la pêche artisanale fait l’objet d’attaques incessantes et de contre-vérités qui ne reflètent pas la complexité du sujet et l’urgence à agir.
Une coalition parlementaire transpartisane a souhaité corriger ces manquements en déposant une série d’amendements pour protéger l’océan et la pêche artisanale européenne, et répondre effectivement aux défis sociaux et environnementaux auxquels nous sommes confrontés.
Décryptage.
Le 21 février 2023, la Commission européenne publiait son Plan d’action pour « protéger et restaurer les écosystèmes marins pour une pêche durable et résiliente ». Fondé sur le droit européen existant et les recommandations scientifiques internationales, ce plan d’action établissait un calendrier pour mettre en œuvre une série de mesures cruciales inscrites en droit européen pour concilier protection de l’océan et transition écologique du secteur de la pêche.
Mais, en reprenant à son compte le discours des tenants du statu quo, le rapport d’initiative de Niclas Herbst s’apparente à une entreprise de destruction méthodique de toute ambition environnementale et sociale : pas un mot sur l’inaction des États membres de l’UE concernant la protection marine au cours des trente dernières années ; des tentatives répétées visant à discréditer la Commission, estimant tour à tour que « le plan d’action de la Commission manque de cohérence avec d’autres priorités et stratégies », que « la question de la proportionnalité n’est pas dûment prise en compte dans les propositions de la Commission », ou que « l’intitulé du plan d’action manque de cohérence » ; des contre-vérités scientifiques assénées sans scrupules, allant jusqu’à expliquer que « les chaluts sont considérés par la science comme durables et compatibles avec la réalisation des objectifs de conservation des fonds marins ou des stocks exploités au-delà des niveaux de rendement maximal durable ».
Afin de mieux rendre compte du consensus scientifique et de la diversité des transitions à effectuer, une coalition transpartisane de parlementaires européens a déposé 14 amendements qui seront soumis au vote ce jeudi 18 janvier. Ces amendements rappellent les recommandations scientifiques internationales en termes de protection et restauration des écosystèmes marins, de transition du secteur de la pêche pour réduire l’impact des techniques de pêche destructrices, d’équité dans l’allocation des quotas, conformément à l’article 17 de la politique commune de la pêche. Quatre d’entre eux revêtent une importance majeure pour concilier enjeux environnementaux, climatiques, sociaux, et économiques :
Ces amendements tracent un avenir cohérent, juste, susceptible de ramener l’océan à la vie, et favorable au développement d’une pêche côtière et artisanale durable. Pour fixer un cap satisfaisant au regard de l’urgence climatique et de l’effondrement de la biodiversité auquel nous devons absolument répondre, ces amendements doivent absolument être adoptés.
En 2020, l’Agence européenne pour l’environnement faisait état d’une forte perte de biodiversité dans plus de 80% des mers européennes. Si l’effondrement de divers stocks de poissons a pu être évité, la situation demeure alarmante avec une surpêche qui affecte de nombreux stocks, une destruction continue des écosystèmes par des engins de pêche destructeurs, un prix du gasoil qui contraint tout un pan de la profession à engager sa transition.
En cette fin de mandature, le rapport d’initiative de Gabriel Mato concernant la mise en œuvre de la politique commune de la pêche et son avenir aurait dû fixer le cap pour que la politique commune de la pêche soutienne cette transition. Malheureusement, au fil du texte, ce rapport multiplie les attaques à l’encontre des mécanismes de gestion des stocks et de la pêche artisanale. Certaines affirmations particulièrement inquiétantes se font jour pour promouvoir les intérêts des industriels, que ce soit pour prétendre, à tort, que « les scientifiques sont d’avis qu’il est impossible, dans la pratique, de parvenir au rendement maximal durable (RMD) simultanément pour tous les stocks », que « l’obligation de débarquement compromet la rentabilité de nombreuses pêcheries mixtes » et qu’il conviendrait de « maintenir les dérogations existantes à l’obligation de débarquement », ou encore que « le recours actuel au tonnage brut comme unité de mesure de la capacité de pêche dans l’Union risque de faire obstacle à l’amélioration de l’efficacité énergétique, de la sécurité et du confort des navires ».
Par ailleurs, alors que les navires de moins de 12 mètres utilisant des méthodes de pêche à faible impact représentent 70% de la flotte européenne, mais ne réalisent que 10% des captures parce que le système européen d’attribution des quotas favorise les plus gros navires, nuisant de facto au développement d’une pêche artisanale et côtière vertueuse, à l’emploi local, et à une économie du littoral européen dynamique, le rapport de Gabriel Mato indique que le système permettant depuis des années à la pêche industrielle de s’accaparer les quotas, via la primauté accordée aux antériorités de pêche, doit être maintenu, allant jusqu’à « se féliciter que les méthodes de répartition actuelles, qui se fondent largement sur les droits octroyés historiquement, offrent un certain niveau de stabilité économique dans le secteur de la pêche, ce qui peut être une condition permettant aux opérateurs d’innover et d’adopter des techniques plus durables ».
Afin de promouvoir une politique commune de la pêche véritablement au service de la protection de l’océan et des pêcheurs artisans et côtiers européens, la députée européenne Ska Keller a, au nom du groupe des Verts, déposé cinq amendements cruciaux qui doivent absolument être adoptés pour corriger ce biais favorable à la pêche industrielle, aux antipodes de ce que l’urgence écologique et sociale nous commande.
Ces cinq amendements s’opposent à la destruction des outils de gestion des stocks et de la flotte de pêche européenne au profit de la pêche industrielle. Leur adoption est vitale pour que la transition de la pêche soit réellement écologique et sociale.
En 2025, la troisième conférence des Nations unies sur l’océan aura lieu sur le sol européen, à Nice. En tant que première puissance maritime mondiale, l’Union européenne doit montrer l’exemple, et se doter d’une politique publique maritime à la hauteur des défis sociaux, climatiques et environnementaux du siècle. Les parlementaires français de la majorité présidentielle ont une responsabilité particulière pour incarner cette politique publique, Emmanuel Macron ayant décrété l’année 2024 « Année de la mer ».
Jeudi 18 janvier, il sera possible de voter pour un océan vivant et une pêche vertueuse. A quelques mois des élections européennes, cet ultime vote constitue donc, au-delà des grands discours, une ultime épreuve grandeur nature pour éprouver l’ambition sociale et écologique des parlementaires européens et leur capacité à prendre en compte les recommandations scientifiques internationales.
21 février 2023
Deux ans.
Deux ans que le « package » de quatre documents dont le fameux « Plan d’action pour l’océan » de la Commission européenne est attendu par les ONG et les citoyens comme le Graal qui permettra de sauver l’océan et le climat d’une mort annoncée. Aujourd’hui, c’est le deuil de l’ambition des institutions politiques pour sauver la nature et notre avenir climatique que les citoyens doivent entamer.
17 juillet 2023
Mercredi 12 juillet, les députés européens ont finalement adopté in extremis, par 336 voix contre 300, une Loi sur la restauration de la nature (« Nature restoration law » ou NRL) très affaiblie. Les objectifs de restauration des écosystèmes que la loi instaure (20% des terres et des mers d’ici 2030 et l’intégralité des écosystèmes en besoin de restauration d’ici 2050) constituent une victoire politique incontestable de la gauche écologiste sur la droite, qui s’était juré de faire tomber le texte.
Mais à quel prix ?
08 juillet 2023
Au Parlement européen, à Strasbourg, lors d’un vote en plénière prévu le 12 juillet, les 705 députés européens se prononceront sur la « loi sur la restauration de la nature », un texte d’une importance cruciale pour l’avenir du climat, de nos écosystèmes, de notre santé et de notre souveraineté alimentaire.