18 octobre 2023
BLOOM, DMA et trois associations de pêcheurs dénoncent l’inaction de l’administration française dans la préservation des ressources marines et appellent l’État à prendre des mesures urgentes pour mettre fin au comportement prédateur de certains pêcheurs utilisant des techniques destructrices.
Après la capture en un coup de filet, en février dernier, de 150 tonnes de maigre par le navire War Raog IV, soit 20% de la capture annuelle française de cette espèce, nous appelions l’État français à agir sur le vide réglementaire concernant la technique de la senne tournante et les espèces qu’elle capture.
Le maigre est un poisson méconnu vivant près des côtes et dans les estuaires de l’Atlantique nord-est et de la mer Méditerranée. Il est particulièrement reconnaissable à sa couleur argentée et à ses lèvres épaisses. Son goût et sa texture proches de ceux du bar en font une espèce à haute valeur économique.
Aujourd’hui, les associations BLOOM, Défense des milieux aquatiques (DMA), les Ligneurs de la pointe de Bretagne, la Plateforme de la petite pêche artisanale et Low impact fishers of Europe (LIFE) lancent un nouvel appel d’urgence à l’administration française pour prendre des mesures réglementaires visant à protéger la population de maigres, gravement menacée par la pêche à la « senne coulissante » (1).
Le 21 février 2023, le navire War Raog IV a réalisé un coup de senne coulissante (appelée bolinche dans le Sud-Ouest) d’une ampleur dévastatrice de 150 tonnes de maigres adultes prêts à se reproduire, à moins d’un mille de la côte. Le maigre (Argyrosomus regius) est un poisson migrateur de grande valeur économique pouvant atteindre 100 kg. “Nous espérions alors que les autorités réagiraient rapidement pour empêcher qu’un tel acte ne se reproduise. Malheureusement, à la suite de notre première demande, nous avons reçu une réponse tardive et inadéquate, se contentant de rappeler la réglementation existante sur la senne coulissante, sans mentionner une seule fois le maigre alors que notre demande y était explicitement liée”, explique Philippe Garcia, Président de DMA.
La réglementation actuelle sur le maigre ne permet pas de garantir une gestion durable de sa population. Les pêcheurs se livrent depuis longtemps à une véritable course à l’innovation technologique afin d’accroitre leur efficacité de pêche. Dans le cas de la senne coulissante, les progrès réalisés sur les sonars permettent de détecter avec une précision chirurgicale les bancs, les espèces ainsi que la taille des poissons. C’est aussi grâce à cette technologie infaillible que les pêcheurs connaissent désormais le trajet de reproduction des géniteurs qui se rassemblent pour rejoindre leur frayère. Les maigres sont alors totalement à la merci de la senne (le filet de très grande dimension déployé par le senneur), capable de capturer la totalité du banc. Une telle pêche ne pouvait pas être le fruit du hasard. « Il n’est pas admissible qu’un seul navire équipé de senne coulissante puisse pêcher en toute légalité, en une seule journée une quantité correspondant à presque 20% des captures pêchées en une année entière par toute la flotte de pêche française. Les avancées technologiques ne sont pas prises en compte dans l’effort de pêche et sont totalement ignorées des réglementations« , explique Laetitia Bisiaux, chargée de projet à BLOOM.
À l’instar de très nombreuses espèces, le maigre ne bénéficie quasiment d’aucune réglementation limitant sa pêche, à l’exception d’une taille minimale de capture de 35 cm, bien inférieure à la taille d’un maigre adulte avoisinant les 80 cm. Cette quasi-absence de réglementation se justifierait par un manque de connaissances scientifiques sur la dynamique de la population de maigre. En d’autres termes, la pêche au maigre est une pêche à l’aveugle et la survie de cette espèce repose uniquement sur le « hasard » des captures issues de la pêche professionnelle qui oscillent entre 600 et 1000 tonnes par an en France et sur les captures de la pêche récréative qui sont malheureusement inconnues. A l’heure actuelle, aucune étude scientifique ne permet de savoir si ces volumes prélevés ne mettent pas en danger la ressource de maigre.
Ce que l’on sait en revanche, c’est que ce type d’engins de pêche ultra-efficaces appliqués aux mauvais endroits, sur des espèces aussi fragiles, peuvent anéantir une population de poissons en quelques années. Il est temps de mettre fin à cette course destructrice à l’innovation qui met en péril la vie marine. Notre collectif exhorte les autorités à prendre des mesures immédiates pour protéger le maigre menacé par la senne coulissante en adressant les demandes suivantes :
– Interdire la pêche au maigre par senne coulissante dans la bande côtière entre 0 et6 milles nautiques de la côte (2).
– Fixer un plafond pour les captures inévitables.
Le maigre représente moins de 1% des captures annuelles des navires à senne coulissante. Une interdiction de le pêcher aurait un impact économique mineur alors que de tels coups de sennes opportunistes sont véritablement un danger pour la survie de l’espèce. “Il est aujourd’hui indispensable que la France prenne les mesures adéquates pour protéger le maigre. Plus nous tardons, plus les mesures seront drastiques et plus la ressource aura du mal à se rétablir, à l’image de ce qu’il s’est passé sur le bar après le quasi-effondrement de son stock dans les années 2010 à cause de la surpêche des chalutiers pélagiques. Les conséquences économiques et sociales sur les ligneurs ont été sans précédents.”, analyse Ken Kawahara, secrétaire général des Ligneurs de la pointe de Bretagne.
Sans réponse à la hauteur de l’enjeu, BLOOM, Défense des milieux aquatiques, les Ligneurs de la pointe de Bretagne, la Plateforme de la petite pêche artisanale et LIFE n’hésiteront pas à saisir la justice pour forcer le gouvernement français à agir pour préserver le maigre de la destruction par une poignée de navires qui ne se soucient ni de l’avenir de la ressource, ni de celui des nombreux petits pêcheurs qui dépendent du maigre.
NOTES
(2) Dans cette zone, la France peut prendre une telle mesure sans avoir à se référer à l’Espagne qui ne détient des droits historiques qu’au-delà des 6 milles de la côte.
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