20 février 2023
Le 16 février 2023, BLOOM a déposé plainte auprès du Procureur de la République du Havre et de Boulogne-sur-Mer contre quatre navires, deux belges et deux néerlandais, ayant illégalement débarqué et vendu une espèce interdite à la pêche (le bar), protégée par un repos biologique.
Certains navires industriels, jouissant d’un régime de complaisance scandaleux, transgressent cette interdiction grâce à la passivité des autorités françaises et néerlandaises qui ferment les yeux sur ces infractions et atteintes à l’environnement.1Les pratiques frauduleuses des industriels néerlandais ont été abondamment décrites par les inspecteurs néerlandais eux-mêmes, qui font face à des manques de moyens intentionnels : en effet, seuls deux inspecteurs aux Pays-Bas contrôlent les 400 millions de kilos de poissons pélagiques débarqués chaque année. L’article précise que des contrôles trop stricts seraient une perte majeure pour les ports néerlandais car les entreprises iraient débarquer leurs prises ailleurs. Source 1 : https://www.groene.nl/artikel/twee-inspecteurs-voor-de-totale-zee ; source 2 : https://web.archive.org/web/20220927163410/https:/www.nrc.nl/nieuws/2022/09/27/toezichthouder-geen-grip-op-frauderende-vissers-a4143336 Une vidéo filmée par un pêcheur artisan dans le port du Havre et une enquête menée par BLOOM ont permis d’établir la multiplicité des cas de pêche illégale.
Ce cas de fraude se produit dans un contexte particulièrement tendu entre l’État français et les pêcheurs côtiers que la France a abandonnés à Bruxelles, en septembre 2022, en refusant d’interdire la senne démersale. Cette méthode de pêche destructrice pratiquée par les pêcheurs industriels néerlandais a été défendue par l’État français contre l’intérêt de ses propres pêcheurs et malgré la dévastation écologique et sociale du littoral qu’elle engendre. Les navires fraudeurs que BLOOM et le pêcheur artisan Philippe Calone épinglent avec leur plainte au pénal sont précisément un senneur démersal ainsi qu’un chalutier à perche (une méthode extrêmement destructrice qui racle les fonds marins avec de lourdes chaînes et de grands cadres métalliques).2L’Ifremer décrit ainsi le chalut à perche : « un filet en forme de sac fixé sur une armature rigide, métallique la plupart du temps. Cette armature assure l’ouverture horizontale et verticale. L’ouverture verticale est d’environ un mètre. Le chalut à perche est lourdement lesté pour permettre un bon contact avec le fond en dépit de la vitesse de remorquage de 5 à 6 nœuds. Des chaînes sont disposées à l’avant du filet dans la partie inférieure pour décoller les poissons du sédiment et les faire entrer dans le chalut. L’ensemble de la structure et des chaînes peut atteindre 4 tonnes. » https://peche.ifremer.fr/Le-monde-de-la-peche/La-peche/comment/Les-engins/Chalut-a-perche
Lasse d’interpeller en vain le secrétaire d’État à la Mer Hervé Berville, l’association BLOOM et le pêcheur Philippe Calone ont décidé de porter plainte auprès du procureur de la République pour pallier la complaisance de l’État français et obtenir justice pour les animaux marins et les pêcheurs côtiers.
La pêche illégale est une menace majeure pour l’océan et la restauration des populations de poissons, épuisés par des décennies de surexploitation et de méthodes de pêche destructrices. Depuis le 1er janvier 2016, la règlementation européenne interdit la pêche du bar (Dicentrarchus labrax) durant les mois de février et mars en Manche et dans une partie de la mer du Nord pour respecter la période de reproduction du poisson. En dehors de cette période, seuls les ligneurs et les (très importantes) captures accessoires des chalutiers sont autorisées au débarquement.
Malgré cela, le 2 février 2023, BLOOM reçoit une vidéo du pêcheur artisan du Havre Philippe Calone montrant le navire belge « Windroos » transférer ses captures directement dans un camion, sans les peser, ce qui est pourtant obligatoire. Alertée, la gendarmerie refuse d’intervenir car elle n’a pas reçu d’instructions. Quelques heures plus tard, le capitaine du navire prend une photo du camion rempli de caisses de poissons et poste publiquement ses clichés sur Facebook. L’une de ces caisses contient des bars.
Les 1er et 2 février 2023, les navires néerlandais « Stella Polaris » et « Galibier » pratiquant la senne démersale ont débarqué leur poisson, qui a ensuite été acheminé par camion jusqu’à la criée de IJmuiden et Scheveningen aux Pays-Bas. Un pêcheur a transmis à BLOOM les fiches de vente de ces navires qui indiquent que, parmi les captures, du bar a été vendu.
Le 6 février 2023, l’association BLOOM est de nouveau alertée car le navire belge Z.300 a déclaré avoir vendu du bar en criée d’IJmuiden selon sa fiche de vente. Sa trajectoire sur le site Global Fishing Watch montre que ce navire a pêché dans la zone économique exclusive française, ce qui permet à BLOOM de porter plainte auprès du Procureur de la République de Boulogne-sur-Mer.
En une semaine, quatre autres cas de vente de bar en criée d’IJmuiden aux Pays-Bas ont été rapportés à l’association BLOOM. Tous pratiquent la senne démersale. La plainte ne les concerne pas car ils n’ont pas débarqué en France, ni pêché dans les eaux françaises.
Cette fraude inadmissible est encouragée par l’absence de contrôles. En effet, la Belgique et les Pays-Bas ont été épinglés pour défaut de contrôle par la Commission européenne et ont reçu des avis motivés en 2022,1Pour la Belgique : https://ec.europa.eu/commission/presscorner/detail/FR/INF_22_1769 – Pour les Pays-Bas : https://ec.europa.eu/commission/presscorner/detail/FR/inf_22_601 D’après le communiqué de presse de la Commission européenne : « Les Pays-Bas n’ont pas mis en place un régime efficace de contrôle, d’inspection et d’exécution des aspects essentiels de la pesée, de la traçabilité et de l’enregistrement des captures. Le 30 octobre 2020, la Commission avait adressé une lettre de mise en demeure aux Pays-Bas après avoir recensé un certain nombre de lacunes graves. Cependant, la Commission estime que les Pays-Bas n’ont toujours pas pris les mesures nécessaires pour remédier à toutes les lacunes constatées. ». c’est-à-dire une demande formelle de se conformer au droit de l’Union (« l’avis motivé » est la dernière étape avant la poursuite en justice de l’État membre).
Le manque de contrôle des navires industriels nourrit un profond sentiment d’amertume et d’injustice chez les pêcheurs côtiers français qui signalent régulièrement à BLOOM les abus impunis dont ils sont témoins. Des solutions simples existent pourtant pour protéger les animaux marins et les pêcheurs artisans de ces fraudes. Lorsque Annick Girardin était ministre de la Mer, BLOOM avait appuyé les demandes des pêcheurs des Hauts-de-France et obtenu la mise en place du contrôle des pesées à Boulogne-sur-Mer en janvier 2022. Impossible, depuis, de connaître en toute transparence les statistiques exactes de ces contrôles. N’ayant reçu aucune réponse de l’administration française quant à la liste demandée des contrôles effectués et des infractions commises depuis 2009 (date de l’entrée en vigueur du règlement européen sur le contrôle des navires), BLOOM a saisi la Commission d’accès aux documents administratifs (CADA) le 2 janvier 2023.
Face au problème de complaisance chronique de la Direction des pêches (DGAMPA)2La Direction générale des affaires maritimes, de la pêche et de l’aquaculture (DGAMPA). envers le segment industriel du secteur de la pêche, BLOOM demande aujourd’hui à la Première Ministre Mme Elisabeth Borne de se saisir du dossier pour mettre fin aux dysfonctionnements de l’administration et défendre réellement l’intérêt général des citoyens, du climat et de la biodiversité marine.
Chargée de la planification écologique et énergétique, Madame Borne doit être garante de la santé des écosystèmes marins et assurer que les activités menées en mer cessent de martyriser le plus grand allié climatique de la France : l’océan. Avant l’accueil par la France de la Conférence des Nations Unies pour l’océan en 2025, Mme Borne est confrontée à un défi de taille pour mettre fin aux activités les plus destructrices en mer. Commencer par mettre fin aux passe-droits des pêches industrielles et contrôler leurs activités serait un premier pas – de géant – dans le néant qui caractérise la situation actuelle.
08 décembre 2022
Les ONG environnementales BLOOM, ClientEarth et DMA (« Défense des milieux aquatiques ») dénoncent la lenteur anormale de la justice française dans l’affaire qui les oppose à l’État français, accusé d’avoir illégalement autorisé la surpêche et mis en péril la biodiversité marine.
06 février 2023
Le non-respect de la règlementation, encouragé par un manque de contrôle patent des navires industriels, cause la destruction de l’océan et des animaux marins. Dans une vidéo transmise par un lanceur d’alerte, l’impunité permanente des industriels, qui prennent le risque de frauder pour augmenter leur profit, est dévoilée au grand jour.1Voir l’article en néerlandais publié le 27 septembre dans NRC : https://web.archive.org/web/20220927163410/https:/www.nrc.nl/nieuws/2022/09/27/toezichthouder-geen-grip-op-frauderende-vissers-a4143336 En effet, une étude révélait que la fraude aux Pays-Bas rapporte jusqu’à 500 000 euros par an et par navire.