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06 février 2024

Surpêche du maigre : les ONG et les pêcheurs saisissent le Conseil d’État

Face au refus du gouvernement d’agir contre la mauvaise gestion du maigre, les associations BLOOM, Défense des milieux aquatiques (DMA), les Ligneurs de la pointe de Bretagne, la Plateforme de la petite pêche artisanale et Low Impact Fishers of Europe (LIFE) ont déposé ce lundi 29 janvier 2024 un recours devant le Conseil d’État afin de contraindre la France à assumer ses responsabilités.

Les faits remontent au 21 février 2023, au large d’Ondres dans les Landes. Le navire de pêche War Raog IV, propriété de la compagnie France pélagique (qui détient également deux navires-usines : le Scombrus et le Prins Bernhard) et filiale de l’industriel néerlandais Cornelis Vrolijk, a réalisé un coup de filet démentiel sur un banc de maigre (Argyrosomus Regius). Ce navire de 17 mètres a capturé en une fois entre 120 et 150 tonnes de maigres qui s’étaient rassemblés pour se reproduire. Ce seul coup de pêche représente environ 20% des captures annuelles de maigre en France. 

Pour effectuer cette capture massive, le navire a eu recours à la senne coulissante (également appelée “bolinche” dans le sud-ouest de la France). Cette technique de pêche consiste à encercler un banc de poissons préalablement repéré grâce à des sonars, dans un grand filet de plusieurs centaines de mètres.  

 

Senne coulissante

Copyright : Australian Fisheries Management Authority

Ces 120 à 150 tonnes ont été capturées par un navire qui a une capacité maximale de chargement comprise entre 20 et 30 tonnes. Faute de pouvoir remonter l’intégralité des captures à bord sans risquer de faire couler le navire, le filet a été ouvert en mer pour rejeter une partie des maigres, déjà morts. Pour éviter la contestation des autres pêcheurs face à une telle absurdité, le War Raog IV a appelé les navires aux alentours à venir de servir parmi les maigres qui flottaient. 

Les technologies équipant ces navires permettent notamment de localiser les bancs de poissons, d’identifier les espèces et même d’apprécier leurs tailles. Dans ces conditions, prétendre que cette opération de pêche était accidentelle n’est pas crédible. Il en va de même quant à la prétendue confusion invoquée par le capitaine entre des sardines de quelques dizaines de grammes et des maigres pesant plusieurs dizaines de kilos (les plus imposants atteignant jusqu’à 90 kilos).

Un danger écologique et social 

Les conséquences d’une telle opération de pêche sont doublement préjudiciables, impactant à la fois l’espèce et les pêcheurs. 

D’un point de vue écologique, le prélèvement d’un nombre considérable de reproducteurs peut mettre à mal la capacité du maigre à se renouveler. En effet, l’état de sa population est mal connu en raison d’un manque d’études scientifiques. Cette incertitude devrait conduire à adopter une gestion fondée sur l’approche de précaution, au cœur de la politique commune de la pêche (PCP). Mais ce n’est pas le cas : le maigre n’est soumis à aucun quota et de tels coups de pêche peuvent survenir en toute légalité.  

Cette pêche a également des impacts sociaux et économiques. La criée de Saint-Jean-de-Luz a enregistré la vente de 115 tonnes de maigre, cédées à un prix moyen de 5,23€/kg, soit la moitié du prix habituel en cette saison. L’apport de quantités massives de poissons dits « nobles » sur le marché tire dramatiquement les prix vers le bas, au détriment de la petite pêche côtière qui choisit de pêcher de petites quantités d’un poisson d’excellente qualité et bien valorisé. 

Face à l’incurie du gouvernement, nous saisissons le Conseil d’Etat 

Cette razzia sur le maigre est une illustration alarmante des risques qui découlent d’une gestion à l’aveugle, contraire aux principes de la PCP (précaution, équité et durabilité) dont l’État français doit garantir sa mise en œuvre. 

Dans ce contexte et afin de préserver le maigre contre la prédation de la pêche industrielle et assurer une gestion durable, les associations BLOOM, DMA, les Ligneurs de la pointe de Bretagne, la Plateforme de la petite pêche artisanale et LIFE ont demandé en octobre 2023 à Elisabeth Borne (alors Première ministre) et au secrétariat d’État à la mer de prendre deux mesures :  

  1. L’interdiction de la senne coulissante pour la pêche du maigre dans la zone côtière jusqu’à la limite des 6 milles nautiques comptés à partir des lignes de base ; 
  2. Fixer un plafond pour les captures inévitables. 

 Le gouvernement a ignoré notre demande. Contraints par ce silence, nous avons saisi ensemble le Conseil d’État. La légalité de ce type de pêche sur une espèce dont l’état de la science ne permet aucunement de garantir le bon équilibre est irresponsable et contraire aux fondements de la PCP.  Nous demandons au Conseil d’État de forcer l’État à prendre ses responsabilités pour assurer la préservation du maigre et l’intérêt des pêcheurs artisans qui en dépendent.  

La gestion défaillante du bar et du lieu jaune, dénoncée sans cesse par les pêcheurs artisans et les ONG auprès des décideurs politiques avant que des mesures, malheureusement trop tardives, ne soient enfin prises, ne doit en aucun cas se reproduire. 

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