07 juillet 2022
Le 16 janvier 2018, les eurodéputés votaient à une large majorité l’interdiction de la pêche électrique afin de protéger les écosystèmes marins et les pêcheurs artisans. Mais les innovations destructrices développées par l’industrie de la pêche néerlandaise continuent de faire des ravages dans l’océan et de causer la faillite des pêcheurs artisans. Un engin de pêche apparu il y a une quinzaine d’années est plus que jamais sous le feu des critiques : la « senne démersale ». Alors qu’il existe très peu d’études scientifiques concernant l’impact écologique de la senne démersale, les quelques rapports sur le sujet montrent que cet engin est une bombe écologique pour la biodiversité marine.
La senne démersale consiste à déployer un câble sur les fonds marins qui forme un polygone couvrant une surface de 3 km².1 Cette donnée a été publiée par Rolf Groeneveld – économiste spécialiste des ressources naturelles à l’Université de Wageningen – sur son blog Le câble est ensuite rabattu en créant un mur de sédiments permettant de capturer les poissons piégés à l’intérieur du polygone. Cinq senneurs ratissent par jour une surface équivalente à celle de Paris. Ils seraient 75 senneurs à pouvoir pêcher en Manche.2D’après un accord entre l’industrie néerlandaise et des pêcheurs français, anglais et belges, appelé Gentleman agreement qui n’a finalement pas abouti.
La senne démersale n’est pas sélective, et pêche notamment une part substantielle de poissons juvéniles. Par exemple, le Comité Scientifique, Technique et Economique des Pêches souligne “des taux de rejet élevés pour le merlan dans cette flotte, soit 39 % en 2013 et 79 % en 2014.“1Rihan, D., Bailey,N. & Doerner, H.Reports of the scientific, technical and economic committee for fisheries (stecf) —evaluation of the landing obligation joint recommendations (stecf-16-10). (Scientific, Technical; Economic Committee for Fisheries (STECF), 2016).
La vulnérabilité des écosystèmes marins est incompatible avec des méthodes de pêche destructrices telle que la senne démersale, dont les conséquences écologiques et sociales sont désastreuses.
L’efficacité et la non sélectivité de la senne démersale sont d’autant plus un danger qu’elle cible des espèces non soumises à quota, comme l’encornet, la seiche, le rouget-barbet et le grondin. Ces espèces n’ont également pas de taille minimale de capture. Une fois les plus gros spécimens attrapés, les senneurs se tournent vers les juvéniles, épuisant ainsi les populations de poisson.2Le Comité Scientifique, Technique et Economique des Pêches souligne “des taux de rejet élevés pour le merlan dans cette flotte, soit 39 % en 2013 et 79 % en 2014.”
Source : Rihan, D., Bailey, N. & Doerner, H. Reports of the scientific, technical and economic committee for fisheries (stecf) — evaluation of the landing obligation joint recommendations (stecf-16-10). (Scientific, Technical; Economic Committee for Fisheries (STECF), 2016).
Les pêcheurs côtiers ont rapidement dénoncé les impacts destructeurs de la senne démersale. Mais abandonnés par les politiques, et sans mesures de gestion pour réguler l’effort de pêche, les chalutiers français qui se battaient pourtant contre la senne démersale ont fait le choix funeste de s’y convertir pour rester aussi compétitifs que les senneurs néerlandais. Malgré des investissements qui peuvent atteindre plusieurs millions d’euros, ils sont aujourd’hui les premiers à réclamer une interdiction de la senne démersale dans les eaux territoriales. C’est le cas de Wilfried Roberge, patron d’un chalutier senneur à Port-en-Bessin, qui a décidé de ne plus pratiquer la senne mais de conserver sa licence afin d’éviter la construction d’un nouveau senneur.
L’interdiction de la senne démersale a même dépassé les désaccords historiques entre pêcheurs anglais et français, qui ont conjointement manifesté le 9 mai 2022 lors une rencontre au milieu de la Manche pour symboliser leur union autour de cette cause. En effet, alors que les industriels peuvent déplacer leurs unités sur d’autres zones et perpétuer la surexploitation séquentielle de l’océan, les pêcheurs côtiers sont à l’inverse ancrés à un territoire restreint, et ils subissent de plein fouet les conséquences de ces modèles de « pêcheries technologiques ».
Pour ces raisons, plusieurs régions de France ont déjà interdit cet engin dans leurs eaux territoriales. C’est le cas de l’Aquitaine, de la Bretagne et d’une partie de la Normandie. En ce sens, un rapport de l’Assemblée nationale en France préconise de « réglementer de manière uniforme au niveau national l’accès des navires à la bande des douze miles en interdisant notamment l’usage dans cette zone de certains engins de pêche particulièrement efficaces, tels la senne danoise [démersale].»
Le 12 juillet 2022, les députés de la Commission PECH du Parlement européen vont se prononcer sur un amendement déposé par Caroline Roose qui vise à interdire la senne démersale dans les eaux territoriales en Manche.1L’amendement est disponible ici. Ce vote est décisif pour l’écosystème marin, car cette bande côtière est une zone riche, productive et un lieu de reproduction pour les poissons. Les eaux territoriales sont également le terrain de pêche privilégié des pêcheurs côtiers.
09 mai 2022
Aux côtés des pêcheurs artisans français et anglais, BLOOM se mobilise avant le vote d’un amendement au Parlement européen qui vise à interdire la senne démersale dans les 12 milles français.
08 décembre 2021
BLOOM a adressé un courrier au Commissaire européen en charge de la pêche afin qu’il prenne des mesures urgentes contre le déploiement de la senne démersale : un moratoire général dans les eaux européennes. Cette technique de pêche est dénoncée par les pêcheurs pour son impact écologique et social en raison de son efficacité redoutable.
26 mai 2021
L’opposition et la pression des pêcheurs ont triomphé : l’accord sur la senne danoise appelé Gentleman agreement, qui voulait légitimer la présence de ces navires en Manche, n’a pas été signé, et ce, malgré la pression des lobbies industriels néerlandais. Une petite victoire mais le problème de fond n’est pour autant pas résolu : le modèle industriel destructeur se développe à grande vitesse.