06 avril 2022
Guillaume Meurice, l’humoriste-phare de France Inter, a formé un gouvernement fictif qu’il a auditionné pour son podcast « Meurice recrute ». Point d’orgue de sa sélection, il a fait l’honneur à notre fondatrice, Claire Nouvian, d’être la Première Ministre de son gouvernement.
Il n’est pas nécessaire d’avoir un compte Spotify pour écouter le podcast en accès libre « Meurice recrute ».
Tout le chemin de notre vie, c’est « l’expérience d’une élévation avant tout spirituelle : quitter cette vie en créatures plus hautes que nous n’y étions entrés », Soljénitsyne.
Claire Nouvian a répondu avec enthousiasme à la proposition de Guillaume Meurice et lui a proposé non pas des réformes isolées, mais une méthode en trois axes pour transformer structurellement notre modèle de société qui vit la fin de sa course matérialiste. Elle a proposé à Guillaume Meurice d’inventer un mode de vie qui soit compatible d’une part avec les limites physiques et biologiques de la planète et d’autre part avec le besoin impérieux de faire en sorte que chaque être humain puisse vivre dignement, un projet de société qui transformerait ainsi notre devise républicaine : « Liberté, égalité, amour et justice ».
Claire place amour et justice au cœur de son projet de société, puisqu’il n’y a pas de démocratie sans stricte séparation des pouvoirs (Montesquieu, 1748) et pas de justice sans une indépendance totale de l’exécutif. Or le Parquet sous l’autorité du Garde des Sceaux ne peut pas garantir l’État de Droit. Quant à l’amour, Claire estime qu’il est grand temps d’en parler en politique pour qu’il devienne le fil rouge de notre projet de société et qu’il soit décliné dans toutes ses applications : solidarité, coopération, considération et respect (et non pas tolérance), réconciliation nationale, empathie. Car si nous échouons à aborder tous les enjeux et les défis de la décennie avec empathie et coopération, nous savons que cela mènera inexorablement à une polarisation haineuse et une multiplication des conflits.
La colonne vertébrale de sa méthode vise à sortir de l’obsession de la croissance et de la performance économique pour embrasser un projet de société basé sur le soin et le bien-être, en prenant, comme le propose Éloi Laurent, des indicateurs alternatifs d’évaluation de la société qui seraient ceux d’éducation, de santé, et non plus de croissance et de PIB. Cette méthode en trois temps – le temps de l’immédiateté, le temps des urgences et le temps long – doit permettre d’éviter un saupoudrage de mesures éparses pour au contraire les penser en cohérence et équilibre, notamment budgétaire, les unes par rapport aux autres. À un problème structurel, nous ne pouvons pas répondre avec une approche sectorielle. Il nous faut une vision panoptique.
Pour mettre en œuvre ce programme, il nous faudra le concours de toutes les plus grandes et belles personnalités de France, connues et inconnues, toutes les volontés, créativités, compétences et expertises. Nous appellerons à une mobilisation générale pour inventer et soumettre à un vaste débat public notre projet de société.
Le temps de l’immédiateté est celui des mesures environnementales. Nous devons arbitrer sans attendre sur tous les problèmes structurels qui nous mettent « en défaut de paiement » écologique. Notre société est en faillite environnementale : à force de ne pas payer nos dettes vis-à-vis de la nature, la maison se fissure, les briques s’effritent, les tuiles chutent, l’eau s’infiltre. Un jour ce sont les murs qui s’écrouleront. Les derniers rapports du GIEC nous disent que si nous n’agissons pas tout de suite et de façon ultra radicale, nous serons dans des scénarios de survie, de « sauve qui peut » car nous sommes en train de démolir la planète.
Don’t act. La science a déjà indiqué ce qu’il fallait faire pour maintenir une trajectoire climat à moins de 1,5° et freiner l’extinction sans précédent des espèces vivantes. Il faut entamer la transition énergétique pour réduire les émissions de CO2 ; entamer une meilleure gestion de l’eau et de l’irrigation et une meilleure adaptation des cultures aux conditions climatiques via l’agroécologie ; préserver les milieux naturels par la restauration des forêts et des écosystèmes naturels, l’arrêt de l’urbanisation dans les zones côtières, la végétalisation des villes entre autres.
Nous devons donc agir immédiatement pour :
1) Réparer ce que Macron et ses prédécesseurs ont détruit en nous désengageant sans plus attendre des accords de commerce climaticides et des mécanismes d’arbitrage investisseurs-États. En protégeant réellement les écosystèmes terrestres et marins. En changeant le fonctionnement de l’Office français de la biodiversité pour que les chasseurs ne soient plus un lobby destructeur de normes. En donnant de l’indépendance et des moyens à la recherche fondamentale et en cessant de la mettre sous la coupe du privé (en ne demandant que des travaux de recherche appliquée). Il faut mettre immédiatement fin au projet d’exploitation des grands fonds marins, utiliser le budget pour chercher des solutions d’économie circulaire, interdire la chasse les week-ends et la restreindre drastiquement, réensauvager la France et mettre en place le projet de Francis Hallé de reconstitution d’une forêt primaire en Europe de l’Ouest. Il faut enfin sauver l’Office national des forêts de la privatisation.
2) Conduire les réformes structurelles indispensables. Nous devons pour cela mettre fin aux subventions publiques destructrices de la biodiversité et du climat, mettre en place une fiscalité écologique et prendre en compte les externalités environnementales dans le bilan comptable, faire une chasse sans merci à l’évasion fiscale et à toutes les optimisations agressives pour financer la société du soin et la transition écologique.
3) Arbitrer une fois pour toutes notre plan de transition énergétique en créant une taskforce scientifique confrontant énergies renouvelables et nucléaire. Elle réunirait des personnes pro et des personnes anti-nucléaire, des personnes pro et des personnes anti-éoliens, pour qu’elles aboutissent à une feuille de route très concrète qui ne sera plus soumise aux aléas politiques.
Le niveau de souffrance au travail et dans les familles est immense.
L’ultralibéralisme a mis la société française sous la tension du diktat de la performance. Même les services de police ou de protection de la petite enfance sont soumis à une logique comptable avec des objectifs à atteindre. Par ailleurs, notre société sort douloureusement de siècles de domination patriarcale, et les victimes du système que sont les femmes et les enfants ne sont pas encore en sécurité et en liberté. Notre société doit non seulement être apte à répondre aux violences inouïes qui leur sont faites en agressions sexuelles, en destruction psychique, en complications somatiques mais doit repenser entièrement l’accompagnement des individus et des familles pour éteindre la violence à la racine en outillant les humains dans une pratique de la parole non violente et en mettant la prise en considération de nos vulnérabilités au cœur des relations.
Les urgences sont nombreuses et passent par une revalorisation systématique des emplois piliers de la société (soin, éducation) de façon à construire une société solidaire, avec une priorité à l’enfance. Les priorités sont :
1) Protéger l’enfance. Les crimes sexuels contre les enfants concernent 10 à 20% des enfants d’après le Conseil de l’Europe. Une société qui détruit l’enfance ne peut PAS aller bien. C’est la mesure des mesures. Un enfant meurt tous les cinq jours en France sous les coups de ses parents. Ce n’est pas tolérable.
2) Protéger les femmes, victimes des mêmes structures de domination et de la violence masculine. Il convient de passer d’un féminisme de lutte pour le principe de l’égalité à un féminisme d’égalité dans la réalité, c’est-à-dire mettre en place tous les cadres, y compris juridiques, fiscaux et pédagogiques, pour que femmes et hommes soient traités de façon parfaitement égale.
3) Soigner l’hôpital, relever l’hôpital psychiatrique de ses décombres, comme les structures d’accueil des personnes âgées. Nous devons mettre fin à la logique comptable du pilotage de la santé publique et à la perversité totale de l’ultralibéralisme qui a consisté à appliquer des diètes sévères puis, une fois les services publics desséchés, à bout de souffle, à terre, à montrer du doigt leurs dysfonctionnements et les incriminer pour leur piètre performance. Dans l’hôpital comme dans l’éducation, les emplois doivent regagner en attractivité et cela nécessite de régler les problèmes structurels de la dureté des charges et de l’absence de reconnaissance, y compris salariale.
4) Soigner l’école. Nous pouvons soigner l’école par la revalorisation, comme pour l’hôpital, de tous les salaires et des moyens nouveaux pour sortir de la crise de l’Éducation Nationale et repenser l’éducation pour qu’elle corresponde à notre projet de société. Cela passe par une déconstruction la société de défiance, l’encouragement de la coopération et de l’empathie. Nos cerveaux archaïques sont inadaptés aux enjeux du siècle mais peuvent l’être. Il est possible d’activer des circuits neuronaux renforçant le néocortex avec des circuits empathie-éthique depuis la toute petite enfance pour résoudre nos conflits autrement que par la violence.
5) Soigner les liens. Nous pouvons aider les familles, soutenir les psychologues et les accompagnants thérapeutiques, renforcer leur présence en milieu scolaire, renforcer les dispositifs de médiation familiale, enseigner la parentalité positive, instaurer « une journée de ressourcement » hebdomadaire sans écrans, autant pour les adultes que pour les enfants ; apprendre aux adultes comme aux enfants les compétences émotionnelles : reconnaître, nommer, gérer nos émotions, les partager. Les perversions familiales sont la norme des enfants victimes. Il faut casser le cercle vicieux du piège des familles dysfonctionnelles pour permettre aux enfants d’accéder à la protection et à la conscience que d’autres normes de relations existent.
6) Mener une politique de la ville digne de ce nom et mettre fin au scandale absolu des banlieues qui, bien qu’étant les zones ayant le plus besoin de soutien, sont celles qui en ont le moins.
Un grand chantier démocratique, dont l’architecture même serait le reflet de la démocratie délibérative, est à engager dès à présent pour avoir le temps long du débat. Il est possible d’instaurer ou de réinstaurer une culture du débat, de créer du dialogue sur la base du partage d’informations. La méthode sera celle testée par Stanford : une délibération collégiale dans de bonnes conditions, fondée sur de l’information de qualité, une concentration sur le fond et non la forme, les sujets et non les personnes. C’est en somme le modèle de la Convention citoyenne pour le climat. Le tirage au sort met chacun.e de nous en situation de responsabilité pour le collectif. Cela change les postures et déconstruit les préjugés.
Cette réflexion institutionnelle mènera nécessairement à une réforme constitutionnelle et à des modifications profondes du droit – en donnant par exemple des droits à la nature, en criminalisant le banditisme en col blanc – comme de la gouvernance de certains organismes étatiques ou semi-publics…
10 février 2022
Note de décryptage du ONE OCEAN SUMMIT de Brest – 10 février 2022
09 février 2022
28 janvier 2022
Au moment où nous vous écrivons, les industriels de la pêche mettent la pression à la ministre de la Mer, Mme Annick Girardin, pour qu’elle fasse sauter les contrôles que l’État a enfin mis en place dans le Nord de la France.