09 juin 2025
Avant même l’ouverture officielle le 9 juin de la troisième conférence des Nations Unies sur l’océan, le Président de la République Emmanuel Macron a déjà pris la parole à trois reprises, entre les 7 et 8 juin, pour faire des annonces présentées comme « importantes » et « concrètes, préparées avec les associations » (1). Il aura fallu attendre la diffusion du dossier de presse produit par le Ministère de la transition écologique dans la soirée du 8 juin pour comprendre que les aires marines dites « protégées » dans lesquelles le chalutage de fond serait interdit passeraient de 0,1% à soi-disant 4% des eaux métropolitaines, selon la communication officielle. Mais en procédant à l’analyse détaillée des cartes fournies dans le dossier de presse intitulé « Protéger la biodiversité marine », BLOOM a découvert le pot-aux-roses : les 4% de nouvelles aires marines supposées être « fortement » protégées d’ici fin 2026 et dans lesquelles le chalutage de fond serait interdit, se trouvent… dans des zones dans lesquelles le chalutage de fond est déjà interdit !
Fomenter une telle escroquerie et oser la publier au sommet mondial de l’ONU sur l’océan relève à la fois de la malhonnêteté et de l’arrogance : cela dénote une croyance que les journalistes ou au minimum les experts de BLOOM seront inaptes à détecter l’arnaque.
Rappelons que 30% de l’océan est supposé être protégé d’ici 2030 au plus tard, que la France s’était déjà engagée en 2009 à protéger 20% de ses eaux d’ici 2020 dont la moitié en cantonnement de pêche (sans extraction) d’ici 2020, et qu’une aire marine protégée, selon les recommandations scientifiques, interdit systématiquement les pêches destructrices telles que le chalutage et les bateaux de plus de 12 mètres, ainsi que les activités et infrastructures industrielles. Sans cela, aucune aire marine ne peut se targuer d’être « protégée ».
Notons également que les zones qui seraient désormais comptabilisées comme « protégées » du chalutage de fond, alors qu’elles le sont déjà, interdisent le chalutage uniquement grâce à la longue campagne épique de sept ans de BLOOM et de la Deep Sea Conservation Coalition contre le chalutage en eaux profondes.
Swann Bommier, directeur du plaidoyer de BLOOM, a réagi : « le sommet n’est pas encore commencé qu’Emmanuel Macron le place sous le signe de l’escroquerie. Cette annonce honteuse à l’heure où s’effondrent la biodiversité et le climat prouve que le Président n’a jamais eu l’intention de faire autre chose qu’une gigantesque « opération de comm’ » de la Conférence des Nations Unies sur l’océan. Heureusement, BLOOM veille au grain ».
Frédéric Le Manach, directeur scientifique de BLOOM, qui a analysé avec ses équipes les cartes produites par le gouvernement et révélé dans la soirée l’immense tartufferie du Président a ajouté : « notre décryptage risque d’être un grain de sable fatal dans la grosse Bertha qu’est la machine de communication élyséenne et qui écrase en général tout sur son passage. Nous appelons les journalistes à redoubler de vigilance pour ne pas tomber dans le piège de ces annonces trompeuses. »
En comparant les deux cartes fournies par le gouvernement qui détaillent les zones concernées, il apparaît que les zones qui vont bénéficier du label de « protection forte » et être exemptes de chalutage de fond sont, à quelques rares et très minces exceptions près, les mêmes que celles qui sont déjà exemptes de chalutage de fond depuis le 1er janvier 2017. Ces zones correspondent à la victoire arrachée au forceps par BLOOM et ses partenaires européens à l’UE et à la France qui a bloqué le dossier pendant des années pour empêcher l’interdiction du chalutage de fond en eaux profondes. C’est ainsi que la seule « avancée » que peut offrir le gouvernement au sommet mondial de l’océan, malgré une mobilisation citoyenne hors normes orchestrée par BLOOM depuis des années et par la Coalition citoyenne pour la protection de l’océan, est de labéliser “aires marines protégées” des zones déjà protégées du chalutage de fond par un règlement européen adopté il y a neuf ans en Atlantique grâce à BLOOM ! Le même procédé est utilisé en Méditerranée.
Les cartes de la honte écologique :
En vert clair, les zones qui vont devenir des zones de protection forte interdites au chalutage de fond | En hachuré rouge, les zones qui sont déjà interdites au chalutage de fond en vertu du règlement pêche profonde entré en vigueur en 2017 |
Claire Nouvian concluait : « ce nouvel épisode d’imposture écologique de la France montre qu’il est impossible de donner le change sur la protection de l’environnement tout en cherchant en fait à protéger, en priorité, les lobbies de la pêche industrielle. Il faut choisir son camp : les écosystèmes marins, les citoyens et les pêcheurs artisans ou les destructeurs de l’océan. A vouloir se faire passer pour le champion de l’océan qu’il n’est pas, Emmanuel Macron se prend les pieds dans le tapis et révèle sur la scène internationale qu’il est surtout le champion toutes catégories de l’hypocrisie environnementale. Dans le contexte de harcèlement physique et psychologique dont nous sommes la cible avec mes collègues de BLOOM, nous ne sommes pas seulement choqués par l’irresponsabilité du Président français mais aussi par le choix d’être fidèle à des lobbies industriels qui ont recours à des méthodes criminelles pour faire taire l’ONG la plus critique en France. »
(1) Post LinkedIn de la ministre Agnès Pannier-Runacher le 8 juin 2025 : https://www.linkedin.com/posts/agnes-pannier-runacher_unoc3-activity-7337718643700494336-HTYt.
08 juin 2025
Aujourd’hui, la France accueille le sommet des Nations unies pour l’océan, fruit de trois années de mobilisation de l’appareil diplomatique français. Après l’adoption en décembre 2022 de l’accord de Kunming-Montréal établissant un objectif de 30 % de protection de l’océan, cette conférence doit marquer un tournant pour la protection de l’océan. En tant que première puissance maritime européenne, deuxième puissance maritime mondiale et pays hôte de ce sommet historique, la France est sous le feu des projecteurs.
07 juin 2025
« UNOC3 », le sigle de la troisième conférence des Nations Unies sur l’océan, sera donc associé au naufrage du politique en France. Dans un entretien donné à la PQR en amont de la journée mondiale de l’océan pour écraser de la communication présidentielle tout l’espace de mobilisation citoyenne du 8 juin, Emmanuel Macron a consacré son impuissance et son inutilité : il a confirmé aux lobbies de la pêche industrielle que c’étaient bien eux les maîtres du jeu, qu’ils pourraient continuer à régner sur l’océan contre l’intérêt général et poursuivre, sans encombre, la destruction inexorable de la biodiversité et du climat. Le Président a mis en scène l’annonce… du statu quo ! Il a en effet confirmé que l’imposture de la politique de protection maritime de la France se poursuivrait, à savoir qu’il n’existerait jamais de cadre contraignant pour protéger véritablement les aires marines dites « protégées. La fausse protection « à la française » continuera à se faire au cas par cas, confetti par confetti, si et seulement si elle recueille un « consensus » entre scientifiques et pêcheurs. Ce qu’a annoncé le Président correspond à ce que la France fait déjà, c’est-à-dire rien.
05 juin 2025
A quelques jours de l’accueil sur le sol européen de la troisième conférence des Nations Unies sur l’océan (UNOC), la Commission européenne a publié ce jeudi 5 juin son « Pacte européen pour les océans », un document très attendu qui devait marquer un tournant décisif pour la protection des eaux et la politique maritime européenne. Loin des attentes citoyennes et des recommandations scientifiques, la Commission européenne vient d’offrir au lobby de la pêche industrielle un cadeau qui constitue un véritable désastre pour la biodiversité marine, le climat et l’avenir de la pêche européenne.
Le Commissaire européen chargé de la Pêche et des Océans Kostas Kadis se livre ainsi à une destruction méthodique des travaux entamés par son prédécesseur, le Commissaire européen Virginijus Sinkevičius, qui était parvenu en février 2023 à tracer un nouvel horizon pour la pêche européenne avec son “Plan d’action pour l’océan”.