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28 juin 2022

Fraude aux subventions : BLOOM interpelle le Premier Ministre Néerlandais

Le 26 juin, BLOOM et Médiapart ont révélé dans une enquête exclusive une nouvelle fraude massive aux subventions européennes orchestrée par des pêcheurs industriels néerlandais lors de la crise sanitaire liée à la pandémie de COVID-19. Aujourd’hui, dans une lettre officielle, BLOOM demande au Premier Ministre des Pays-Bas Marc Rutte d’ouvrir une enquête, d’appliquer les sanctions appropriées, d’obtenir le remboursement des fonds publics européens et de renforcer les normes de transparence.

Paris, 28 Juin 2022

Monsieur le Premier Ministre,

Nous vous écrivons à propos d’une affaire urgente qui nécessite votre intervention et pour une question fondamentale de transparence que votre gouvernement peut résoudre.

Comme vous le savez, ces dernières années, nous avons révélé à plusieurs reprises les regrettables méfaits de vos flottes industrielles nationales avec la complicité des autorités publiques néerlandaises.

Vous vous souvenez peut-être que nous avons démontré que la plupart des chalutiers néerlandais qui pratiquaient la pêche électrique avaient en fait reçu une dérogation illégale, [1] [2] et que ces navires illégaux avaient bénéficié de plus de 20 millions d’euros de subventions publiques pour développer et légitimer cet engin de pêche. [3] Ces subventions illégales n’ont pas encore été remboursées au gouvernement néerlandais et aux contribuables européens.

Nous pensons que le moment est venu pour vous d’obtenir le remboursement des subventions illégales pour la pêche électrique.

Aujourd’hui, nous vous demandons également de mener une enquête approfondie sur nos nouvelles découvertes montrant un autre cas de pratiques frauduleuses de la part des flottes néerlandaises avec le soutien du pouvoir politique.

Le 26 juin 2022, nous avons publié une étude menée en collaboration avec le média d’investigation français Mediapart, montrant que 95 % des navires néerlandais qui ont demandé des subventions COVID-19 pour des  » arrêts temporaires  » de leurs activités de pêche avaient enfreint le cadre juridique européen et/ou le décret néerlandais qui fixait les conditions pour bénéficier de ces subventions. [4] Cette fraude représente un montant supplémentaire de 5,8 millions d’euros que le secteur néerlandais de la pêche industrielle a indûment perçu. Dans une position inacceptable de favoritisme envers les pêcheurs industriels, le décret que votre gouvernement a publié concernant les subventions COVID a arbitrairement exclu les pêcheurs artisanaux (bateaux de moins de 12 mètres) du régime d’aide. Nous avons signalé cette fraude au Parquet européen et demandé l’ouverture d’une enquête judiciaire car ces pratiques illégales portent directement atteinte aux intérêts financiers de l’UE.

En attendant, nous vous demandons de mettre fin à la partialité rampante des autorités publiques néerlandaises en faveur des acteurs destructeurs à grande échelle et d’accélérer une enquête sur la fraude que nous avons révélée afin d’appliquer les sanctions appropriées, d’obtenir le remboursement des fonds publics de l’UE et du chiffre d’affaires généré par ces activités de pêche illégale.

Comme vous le savez, l’océan est un allié résolu de l’humanité dans la résolution de la crise climatique. En absorbant annuellement 20 à 30% de notre dioxyde de carbone ainsi que la majeure partie de l’excès de chaleur causé par nos activités, [5] l’océan agit comme un régulateur climatique planétaire. Il est impératif de le protéger si nous voulons atténuer la dégradation du climat et l’effondrement de la biodiversité qui mettront de plus en plus à mal nos économies et nos moyens de subsistance. Malgré cela, l’océan est confronté à de multiples et graves menaces, au premier rang desquelles la pêche industrielle. [6]

L’un des moyens les plus efficaces de lutter contre la destruction de notre planète est d’accroître radicalement la transparence, car elle offre à la société civile un moyen démocratique d’identifier les pratiques nuisibles telles que la pêche illégale, l’évasion fiscale et d’autres actes préjudiciables. [7], [8]

Nous avons utilisé à de multiples reprises des outils de transparence tels que les listes nationales des bénéficiaires du Fonds européen pour la pêche et la mer (FFEM 2014-2020), le registre de la flotte européenne et la plateforme Global Fishing Watch. [9] C’est en recoupant ces ensembles de données que nous avons réussi à révéler des abus, des fraudes et à aider l’UE à surveiller les pratiques de pêche destructrices.

Si les autorités néerlandaises ont souvent posé problème quant au soutien aveugle qu’elles apportent à leurs flottes de pêche industrielle, nous reconnaissons également que le gouvernement néerlandais est beaucoup plus transparent que de nombreuses autres nations de pêche de l’UE, dont la France. La transparence est la pierre angulaire de la démocratie, nous saluons donc la divulgation par votre gouvernement de données importantes dans un format clair, complet et bien organisé.

Pour progresser dans la voie de la lutte contre la fraude, les abus ou la pêche illégale, nous vous demandons de rendre d’autres données cruciales accessibles au public.

Premièrement : les données relatives aux ventes aux enchères

Les données sur les ventes aux enchères ne sont généralement accessibles qu’aux pêcheurs, poissonniers et autres professionnels de la pêche, alors qu’elles fournissent des informations économiques et commerciales essentielles qui permettraient aux chercheurs, citoyens, journalistes ou ONG de passer au crible les volumes et les espèces de poissons débarqués dans les ports européens et d’identifier les activités frauduleuses.

Le poisson est un bien commun et la privatisation des données commerciales qui en dépendent ne peut être justifiée. La gestion des pêches doit faire l’objet d’un débat public et d’une transparence exemplaire, car l’opacité du secteur de la pêche permet des abus sans sanction. A ce titre, nous demandons que ces données soient mises à disposition du public, gratuitement, et dans un format ouvert.

Deuxièmement : les données VMS

En vertu du règlement de contrôle (CE) 1224/2009, [10] les systèmes de surveillance des navires (VMS) sont obligatoires sur les navires européens de plus de 12 mètres, mais contrairement aux données AIS (Automatic Identification System), les données VMS ne sont généralement pas publiées, alors qu’elles seraient d’un intérêt crucial pour la société civile pour suivre les activités de pêche avec précision. Nous demandons par la présente que les Pays-Bas publient les données VMS continues de leurs flottes nationales, dans un format libre et ouvert.

Troisièmement : les données des journaux de bord électroniques

L’accès aux données des journaux de bord électroniques contenant des informations complètes et opportunes sur le lieu des activités de pêche et les captures par espèce s’avérerait également utile pour la société civile afin de récupérer des données provenant d’autres sources, y compris les données VMS et de vente aux enchères susmentionnées. Nous demandons donc également que les Pays-Bas publient ces données dans un format libre et ouvert sur une base hebdomadaire.

Ces normes de transparence devraient s’appliquer à tous les États membres de l’UE, mais rien n’empêche certains gouvernements de montrer la voie à suivre et de montrer à quoi pourrait ressembler une pratique institutionnelle démocratique. Ces États sont – et seront – célébrés pour avoir créé des normes marquantes pour notre communauté mondiale.

Nous espérons sincèrement que votre vision de la démocratie vous rendra réceptif à notre demande et vous convaincra d’opérer les changements fondamentaux en matière de transparence que nous avons identifiés comme nécessaires afin d’amener le contrôle et la gestion des pêches à un niveau supérieur d’ouverture au public.

Nous comptons également sur votre sérieux pour enquêter, sans plus attendre, sur les abus et les fraudes que nous avons révélés dans la conduite des opérations de pêche néerlandaises.

Veuillez agréer, Madame, Monsieur, l’expression de nos sentiments les plus respectueux,

Frédéric Le Manach
Directeur Scientifique de BLOOM

Pour aller plus loin

Références

[1] Voir notre document de plaidoyer contre la pêche électrique. Disponible ici : https://www.bloomassociation.org/wpcontent/ uploads/2018/11/plaidoyer-peche-electrique-v3.pdf

[2] Voir notre enquête sur la pêche éléctrique par la flotte de pêche industrielle néerlandaise. Disponible ici : https://www.bloomassociation.org/wp-content/uploads/2020/09/au-dela-illegal.pdf

[3] Le Manach et al. (2018) Public subsidies have supported the development of electric trawling in Europe. Marine Policy. Disponible ici : https://doi.org/10.1016/j.marpol.2019.03.003

[4] Voir notre enquête sur les fraudes aux aides Covid. Disponible ici :  https://bloomassociation.org/mediapart-fraude-subventions-covid/

[5] Rapport spécial du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’océan et la cryosphère. Disponible ici : https://www.ipcc.ch/srocc/

[6] Rapport sur la biodiversité et les services écosystémiques de la Plateforme intergouvernementale scientifique et politique. Disponible ici : https://ipbes.net/global-assessment

[7] https://www.access-info.org/2022-06-23/200-signatories-company-ownership/

[8] Galaz et al. (2018) Tax havens and global environmental degradation. Nature Ecology & Evolution. Disponible ici :https://doi.org/10.1038/s41559-018-0497-3

[9] Global Fishing Watch Platform. Disponible ici : https://globalfishingwatch.org

[10] Régulation 1224/2009, disponible ici : https://eur-lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=OJ:L:2009:343:0001:0050:fr:PDF

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